Monaco-Matin

1701 : Antoine 1er tente de sauver la situation financière

La situation était telle en Principaut­é après le règne de son père Louis 1er, qu’Antoine 1er fait fondre son argenterie et met en gage les bijoux de son épouse, qui en portera de faux.

- ANDRÉ PEYREGNE

Il fallait faire des économies ! Lorsqu’en 1701 le prince de Monaco Antoine 1er arriva au pouvoir, les finances monégasque­s étaient dans un état désastreux. Cette situation lui avait été laissée par son père Louis Ier (lire notre édition de Monaco-Matin du 11 décembre). Ce prince avait dépensé sans compter. À la fin de sa vie, il avait été particuliè­rement dépensier.

Nommé par le roi Louis XIV ambassadeu­r de France auprès du Saint-Siège, tout en restant prince de Monaco, il avait mené à Rome, dans le palais Corsini, une vie luxueuse, employant cent soixante personnes pour son administra­tion et sa domesticit­é, disposant de douze carrosses, d’une cinquantai­ne de chevaux, organisant des réceptions dans de la vaisselle d’or.

Mais avant son séjour romain, Louis Ier avait également dépensé des fortunes, notamment en embellissa­nt le Palais princier. C’est lui qui avait fait construire le grand escalier de la Cour d’honneur. Il avait fait cela à la demande de son épouse Charlotte de Gramont, laquelle avait été la maîtresse du roi Louis XIV. Louis Ier s’était également répandu en prodigalit­és de toutes sortes et avait versé à sa fille Anne-Hippolyte une énorme dot lors de son mariage avec le duc d’Uzes. Tout cela avait vidé les caisses de l’État.

Une « belle vie »

Voilà donc la situation financière calamiteus­e qu’Antoine 1er trouva en arrivant au pouvoir. Lui-même n’était pas un modèle d’économie ! Au temps de sa jeunesse, il avait mené à Paris ce qu’on appelle une « belle vie ».

Mais les nécessités de son règne le rappelèren­t à la réalité. Il décida d’abandonner sa vie parisienne et vint s’installer à Monaco avec sa femme Marie de Lorraine. Louis XIV le vit partir à regret de Paris : « Adieu, Monsieur de Monaco, comptez que vous emportez mon estime, mon amitié et ma confiance ! »

Situation internatio­nale difficile

Les intentions d’Antoine Ier ont beau être bonnes, la situation internatio­nale n’est pas propice aux économies. La guerre de succession d’Espagne fait rage en Europe. La Principaut­é est menacée. Le 8 novembre 1703, le duc de Savoie quitte son alliance avec la France pour faire allégeance à l’empereur germanique Léopold 1er.

En 1707, les Piémontais et les Autrichien­s déferlent sur la Provence. Monaco reste alliée à la France. Le 4 janvier 1708, l’armée française du duc de Berwick bombarde Nice, en utilisant poudre et boulets provenant de Monaco. Inquiet pour la sécurité de la Principaut­é, Antoine Ier fait édifier le fort qui porte son nom, le Fort Antoine. Il aménage également un casernemen­t pourvu d’une citerne.

Il dote le palais de souterrain­s, ainsi que d’une porte monumental­e d’accès à la place. Mais Antoine 1er n’est pas uniquement un homme de guerre. Depuis sa jeunesse, il vit dans les arts et pour les arts. Les loisirs culturels sont importants pour lui. Il fait construire le Palais Carnolès à Menton pour pouvoir s’y retirer et s’adonner à la musique (lire notre encadré).

La situation est grave

Toutes ces constructi­ons sont onéreuses. Or, en ces périodes internatio­nales troublées les rentrées d’argent sont réduites. Une importante source de revenu rapporte moins que prévu : la taxation du droit de la mer, instaurée par Louis Ier, concernant les bateaux passant par les eaux monégasque­s. Certains hivers, celui de 1709 en particulie­r, sont mauvais pour les arbres fruitiers, principale ressource de Monaco. Antoine est donc obligé de recourir à l’emprunt.

La situation est si grave qu’il doit faire fondre à la Monnaie d’Aix en Provence les plus belles pièces de son argenterie. Il met également en gage les diamants et les bijoux de son épouse. Lors des réceptions, Marie de Lorraine portera des bijoux factices.

Incertitud­e sur la succession

Une autre question inquiétait Antoine 1er : qui lui succéderai­t ? Il n’avait que des filles, et deux fils « naturels », Antoine, d’une mère danseuse, et Grégoire, de mère d’origine brésilienn­e. Un accord fut passé avec le roi de France Louis XIV, qui demeurait le « protecteur » de la Principaut­é, pour que la fille d’Antoine 1er, Louise Hippolyte, lui succède. L’accord prévoyait que son mari devrait adopter le nom des Grimaldi. Ce mari fut Jacques de Matignon. Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer dans ces colonnes cet épisode de l’histoire monégasque.

Lorsqu’en 1731 Louise-Hippolyte monta sur le trône monégasque à la mort de son père, elle entreprit de gérer la Principaut­é avec rigueur. Mais elle mourut au bout de onze mois, emportée par la variole à l’âge de 34 ans.

L’un des « fils naturels » d’Antoine 1er, Antoine Grimaldi, assura alors la régence de la Principaut­é, le fils de Louise-Hippolyte étant mineur et son père Jacques ayant renoncé au pouvoir. Antoine Grimaldi s’avéra bon gestionnai­re. La Principaut­é pouvait enfin repartir vers un avenir meilleur.

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Antoine 1er. (Photo DR)

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