« Non à l’indifférence ! »
Nous sommes tous sur la même planète Terre… Sauf que les uns ont tout, même si l’Occident s’appauvrit, même s’il y a des pauvres dans les rues et que les difficultés s’accumulent. Dans les pays les plus pauvres, on n’a rien. Imagine-t-on ce que c’est de n’avoir rien, RIEN ? Pas de maison, pas de voiture, pas de frigo, pas de soins ? On ne sait pas si on va manger le lendemain. Dans les pays les plus pauvres, comme Madagascar, Haïti et beaucoup d’autres, on survit. C’est tout ce qu’on peut faire. Or, nous tous, citoyens de la planète Terre, nous sommes condamnés à partager les richesses. Le profit sans fin, la consommation sans fin dévorent l’esprit. Or, l’esprit commande tout. Il commande la justice pour tous, la dignité pour tous, le respect pour tous. C’est l’esprit qui fait la personne humaine. Pauvreté, très grande pauvreté ? Misère ? Cela concerne trois milliards, peut-être quatre milliards de nos frères humains… Le premier viatique pour regarder la réalité de cette gangrène en face, c’est le fait d’aller plus loin que ce simple mot : « pauvreté ». Mot plus pauvre encore que cette réalité qu’il est censé nommer. Il ne veut rien dire. « Être pauvre », c’est une affaire de chair, de sang et de souffrance, non une alliance de voyelles et de consonnes… encore moins une définition dans un dictionnaire. « Être pauvre », cela blesse la vie. Cela l’humilie et la tue.
Ce que c’est ? Tu n’as plus le moindre revenu. Aucun travail. Les économies sont épuisées… On te fiche dehors de chez toi. L’errance de la rue commence… Tu finis par mendier et voler… Tu deviens un exclu. Commence alors le pire : la destruction intérieure. Une descente dans le
« non-être ». Tu deviens un transparent. Plus personne ne te voit ni ne te prête la moindre attention. Bientôt, tu ne perçois plus d’issue. Le découragement, l’angoisse, le désespoir guettent. Un pas de plus et tu descends encore plus bas : cela s’appelle la fatalité. Frère Roger de Taizé n’y va pas par quatre chemins : « Être pauvre, c’est n’avoir personne sur qui s’appuyer quand tout vient à manquer ». Bien sûr, il y a les milliards de la lutte contre la grande pauvreté… Ils assurent les nécessités de base, mais ils répondent à une définition en creux de la pauvreté : est pauvre celui qui doit survivre au-dessous d’un seuil de minimum vital. Un minimum vital signifie un seuil de survie. Au-dessus, tu survis… En dessous, tu meurs ! Faut-il s’en satisfaire ? Ce serait une insulte à la dignité humaine. Tant que les pauvres ne seront pas acteurs de leur combat, ils survivront, tout au mieux ! Or, c’est précisément ce qui est détruit en eux : la force, la volonté, l’affectif et le spirituel. Sans comprendre cela, tu n’arriveras à rien !
“Être pauvre, c’est une affaire
de chair, de sang et de souffrance”
Ce n’est pas qu’une simple affaire d’argent, mais d’amour… Pour aimer les pauvres, il s’agit de RÉSISTER à l’indifférence, à l’injustice, au mensonge, à l’égoïsme et à la peur. N’ayez pas peur de résister à tout cela. Même si c’est difficile. Même si la tâche paraît immense. Il est vrai que tant de drames frappent notre Terre… Réchauffement climatique, guerres, pandémies… Partout, les désespérés des guerres civiles, de la faim, de la survie traversent les mers au péril de leur vie. Que faire ? Se replier sur soi ? Se boucher les yeux et les oreilles ? Consommer pour oublier ? Ou bien devenir frères d’une même Terre ? Serions-nous seulement des corps habillés d’un cerveau ? Non, nos corps et nos cerveaux sont traversés par l’esprit. Et l’esprit nous commande de dire non. Non à l’arrogance, au mensonge et à l’indifférence.
Dire non ? C’est le dire autour de soi. C’est partager un peu de ce que l’on a. C’est faire le bien. C’est aider ceux qui souffrent et au premier rang, les très pauvres, ceux qui n’ont rien et souffrent de tout. Les sans-voix, les sans-soin, les sans-visage, les oubliés, les damnés de la terre. RÉSISTER ! C’est aimer la Vie sur terre parce que nous sommes des frères. RÉSISTER ! C’est vouloir moins de corps qui souffrent, moins de vieux qu’on oublie, davantage d’enfants qui jouent et rient. RÉSISTER, là où on est et comme on peut, cela s’appelle Aimer, tout simplement…
Père Pedro et Pierre Lunel viennent de publier Résiste, Éditions du Rocher, 216 p., 16,90 . > Les propos, remarques et commentaires exprimés dans les tribunes libres que nous publions n’engagent que leurs auteurs.