Monaco-Matin

La rude quête de sobriété

Face à la flambée des coûts de l’énergie, les municipali­tés cherchent des marges d’économies, mais sont confrontée­s au poids des investisse­ments nécessaire­s. Après avoir gaspillé du temps ?

- SONIA BONNIN sbonnin@varmatin.com 1. Menée par l’Associatio­n des maires de France et Cevipof SciencesPo, novembre 2022

Àla tombée de la nuit, le bord de mer s’illumine. Ne vous y trompez pas, Mandelieu-la-Napoule est passé aux économies. Les décoration­s de Noël ont été « maintenues, mais

restreinte­s » ,et « tout est passé en Led », souffle-t-on en mairie. La dépense est calculée à 60 euros par soir, soit 0,2 centime par habitant. Minuit passé, les loupiotes s’éteignent. Et certains lampadaire­s aussi. C’est le volet le plus visible de la quête de sobriété dans la commune. Bordée d’eucalyptus, la cour de l’école des Primevères est baignée de soleil. Dans les salles de classe en été, la chaleur est intense. Il est même arrivé qu’on y allume la clim. En hiver, certains joints baillent aux fenêtres.

« Réduire la hausse »

La petite école maternelle en bord de Siagne sera la première à voir sa note d’électricit­é atténuée. Si on cumule double vitrage, isolation de la toiture et panneaux voltaïques (budget de 420 000 euros en 2023), la consommati­on d’électricit­é

devrait y baisser de 40 %. Cela permettra-t-il de faire des économies ? « Aujourd’hui, réduire sa consommati­on d’électricit­é permet juste de réduire la hausse des prix… pas de réduire la facture », prévient Aurélie Chapon, responsabl­e du service de la transition énergétiqu­e à Mandelieu-la-Napoule.

La crise, « accélérate­ur »

Dans le contexte de flambée des coûts, les municipali­tés sont aux prises avec un calcul périlleux : faire face aux factures qui flambent, en même temps qu’investir pour améliorer l’efficacité énergétiqu­e de leurs bâtiments. « La mairie tout entière est à rénover, illustre le maire Sébastien Leroy (LR), dans son bureau, devant une grande ouverture vitrée vers l’extérieur. Si j’appuie sur la vitre, je passe le doigt à travers. » À

peine une image.

La sobriété énergétiqu­e s’invite dans le débat local. Fallait-il attendre la crise de l’énergie ? L’élu local, qui vient de lancer son plan « Mandelieu énergies 20232025 », s’en défend. « L’explosion des coûts est un accélérate­ur, pas un déclencheu­r. Mais un plan de sobriété est un domaine extrêmemen­t compliqué, qui demande un diagnostic, de l’analyse technique, des financemen­ts. Nous l’avons engagé depuis plusieurs années. »

Autre argument, rappelé par le maire, les technologi­es du renouvelab­le n’ont pas été compétitiv­es pendant longtemps. Pas assez rentables, trop incertaine­s.

Mais Sébastien Leroy en convient : « Des années d’énergie bon marché » n’ont pas facilité la prise de décision. Y compris pour la rénovation des bâtiments, « qui coûte plus cher que de construire ».

La nuit dans la nuit

Désormais, un consensus semble

se dessiner. « Je crois que les citoyens ont évolué à ce sujet, plaide

l’élu. Ils sont disposés à des économies. Cela n’aurait pas été le cas il y a deux ans en arrière. On aurait eu des huées. »

Cette fois, le maire fait référence non à l’épaisseur des vitres, mais

à l’extinction nocturne des lampadaire­s, sur au moins 80 % du territoire.

« On l’avait envisagé par le passé, mais l’intérêt économique

était moindre », admet-il. Depuis le 1er novembre, une grande partie des axes routiers de la commune plonge dans l’obscurité entre minuit et 5 h.

Sur l’avenue de la Mer, une riveraine hoche la tête. « On se disait quand même : pourquoi pas mettre un lampadaire sur deux ?, interroge

Cathy. Juste pour avoir un peu de lumière, pour ceux qui ont peur. »

Le risque d’insécurité, ou le sentiment d’insécurité, est un argument récurrent des détracteur­s de ces moments d’obscurité totale. «Si je n’avais pas 240 caméras de vidéosurve­illance dans la ville, qui sont équipées de vision nocturne, je n’aurais pas éteint », réagit le maire.

« Tant que les gens ne paient pas… »

Sur la facture communale, les cinq heures d’extinction représente­nt une économie de 80 000 euros par an. Autant dire, modeste. « L’important, c’est le message, revendique le maire. L’énergie n’est plus un bien qu’on peut avoir partout, la

nuit. » Un profession­nel du tourisme opine du chef quand on lui parle sobriété. « Tant que les gens ne paient pas, l’écologie ne les intéresse pas. » Lui a commencé, depuis plusieurs années, à rénover les studios qu’il loue.

« Ça se voit tout de suite, s’exclamet-il. Là où je n’ai pas fait les travaux, je passe autant de chauffage pour quatre vacanciers que pour dix

dans un studio refait. » Pourtant, sa note d’électricit­é augmente encore. À l’échelle de la commune, la facture énergétiqu­e de Mandelieu-laNapoule a bondi de 35 % en un an, c’est-à-dire 800 000 euros en plus, sonnants et trébuchant­s.

Selon l’enquête récente de l’Observatoi­re de la démocratie de proximité (1), « la crise énergétiqu­e produit une autre crise énergétiqu­e » : les investisse­ments nécessaire­s à la transition sont menacés par l’assèchemen­t des finances locales. En poupées russes.

 ?? (Photo Patrice Lapoirie) ?? En France, 90 % des élus envisagent une réduction de l’intensité ou de l’amplitude horaire de l’éclairage public pour faire baisser leur facture, selon une enquête de l’Associatio­n des maires de France et du Cevipof. C’est aussi le cas à Mandelieu-la-Napoule.
(Photo Patrice Lapoirie) En France, 90 % des élus envisagent une réduction de l’intensité ou de l’amplitude horaire de l’éclairage public pour faire baisser leur facture, selon une enquête de l’Associatio­n des maires de France et du Cevipof. C’est aussi le cas à Mandelieu-la-Napoule.

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