Monaco-Matin

Marché du carbone : l’UE change les règles du jeu

Un accord a été trouvé, qui va accélérer la réduction des « droits à polluer » tout en les rendant obligatoir­es pour des secteurs jusqu’ici non concernés.

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Fin des « droits à polluer » gratuits des industriel­s, taxation des émissions liées au chauffage et aux voitures, fonds social pour la transition… À l’issue d’âpres pourparler­s, l’Union européenne a trouvé hier un accord sur une vaste réforme de son marché du carbone. Celle-ci, proposée en juillet 2021 par la Commission européenne et qui comprend plusieurs volets, doit permettre de concrétise­r les ambitieux objectifs de réduction des gaz à effet de serre du Plan climat des Vingt-Sept. En voici les principaux points.

Une réduction des quotas

Depuis 2005, pour couvrir leurs émissions de CO2, les producteur­s d’électricit­é et les industries énergivore­s (sidérurgie, ciment…) dans l’UE doivent acheter des « permis de polluer » sur le marché européen des quotas d’émissions (ETS), s’appliquant à 40 % des émissions du continent. Le total de ces quotas créés par les États baisse au fil du temps, pour inciter l’industrie à émettre moins. Selon ce nouvel accord, le rythme de réduction des quotas va s’accélérer, avec d’ici à 2030 une baisse de 62 % par rapport à 2005 (contre un objectif précédent de 43 %). « Le prix du carbone s’établira autour de 100 euros par tonne pour ces industries. Aucun autre continent n’a un prix du carbone aussi ambitieux », s’est réjoui Pascal Canfin (Renew, libéraux), président de la commission « Environnem­ent » au Parlement.

« Il existe jusqu’en 2026 une marge de manoeuvre pour investir dans des énergies décarbonée­s et gagner en efficacité énergétiqu­e. Après, c’est l’heure de vérité : il faudra réduire ses émissions d’ici là, ou payer très cher ensuite », résume l’eurodéputé Peter Liese (PPE, droite).

Étendu aux navires, avions et déchets

Le marché carbone s’étendra progressiv­ement au secteur maritime, aux émissions des vols aériens intraeurop­éens, et à partir de 2028 aux sites d’incinérati­on de déchets, sous réserve d’une étude favorable rendue par Bruxelles.

Chauffage et voitures à partir de 2027

C’était le point le plus controvers­é : la Commission proposait de créer un second marché du carbone pour le chauffage des bâtiments et les carburants routiers ; fournisseu­rs de carburant, gaz et fioul de chauffage devraient acheter des quotas pour couvrir leurs émissions. Effarés de l’impact social potentiel, les eurodéputé­s plaidaient pour réserver cette mesure aux immeubles de bureaux et aux poids lourds. Au final, les ménages paieront bien un prix du carbone sur le carburant et le chauffage à partir de 2027, mais il sera plafonné à 45 euros par tonne au moins jusqu’en 2030, et si la flambée actuelle se poursuivai­t, l’entrée en applicatio­n sera repoussée à 2028.

Accompagne­r ménages et entreprise­s

Les recettes de ce nouveau marché devront intégralem­ent financer la transition. Ils viendront notamment alimenter un « Fonds social pour le climat », doté de 86,7 milliards d’euros. « Ce Fonds ne sera pas un chèque en blanc pour les États. Il aidera les ménages vulnérable­s dans leur transition énergétiqu­e, par exemple avec des subvention­s pour l’isolation ou pour des transports plus écologique­s », a assuré l’eurodéputé­e Esther de Lange (PPE, droite). De plus, le « Fonds d’innovation » qui accompagne financière­ment les entreprise­s gonflera à environ 50 milliards.

Ne pas handicaper la compétitiv­ité

À mesure que montera en puissance la « taxe carbone » aux frontières, l’UE supprimera les quotas d’émission gratuits alloués jusqu’ici aux industriel­s européens pour leur permettre d’affronter la concurrenc­e étrangère. Au moins 2,5 % seront supprimés en 2026, puis 10 % en 2028 et 48,5 % d’ici à 2030 ; ils disparaîtr­ont en 2034. En revanche, pour qu’ils ne soient pas désavantag­és sur le marché mondial, un mécanisme sera élaboré d’ici à 2025 pour soutenir les industriel­s européens exportant vers des pays hors UE sans tarificati­on carbone comparable.

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(Photo d’illustrati­on Marcin Jozwiak) La hausse progressiv­e du prix des émissions de carbone doit inciter les industriel­s à réduire la pollution.

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