Précarité : à Menton, les étudiants s’organisent
Aucun des campus de la ville ne propose de restaurant universitaire. Une problématique que le Crous peine encore à résoudre. En attendant, les étudiants ménagent leurs dépenses...
Pas de repas à un euro jusqu’à Noël. Ni d’épicerie sociale et solidaire comme dans la grande ville voisine de Nice, qui vient tout juste d’inaugurer son deuxième lieu de ce type la semaine dernière. À Menton, où l’on compte environ 700 étudiants, les actions pour lutter contre la précarité étudiante se font encore rares. Pourtant, comme dans le reste du pays, les étudiants du bassin mentonnais, en provenance de toute la France et répartis entre l’IUT, l’institut de soins infirmiers (IFSI) ou encore le campus Sciences Po, font face, eux aussi, à un coût de la vie de plus en plus élevé. Sur l’année scolaire 2022-2023, ce dernier a augmenté de 6,47 % d’après l’enquête annuelle de l’Unef (Union nationale des étudiants de France). Selon le syndicat, cette augmentation représente 428,22 euros de plus par an, soit 35,70 euros en plus par mois dans le budget des étudiants. Et problème majeur, contrairement aux villes d’Antibes, Cannes ou Nice, à l’Est du département, aucun des campus ne dispose d’un restaurant universitaire. Pas même celui de Sciences Po, qui se bat depuis des années pour obtenir une cafétéria en interpellant la direction de la capitale. De quoi donner aux étudiants l’impression d’être « marginalisés ».
« D’autant plus qu’ici, on le sait, les loyers sont très chers et les supermarchés pour faire ses courses aussi », note Ilyès Mesbah, le représentant de l’Unef Sciences Po à Menton. Alors, dans la pratique, les étudiants jonglent entre bons plans et astuces.
Courses en Italie et applis anti-gaspi
À l’IUT de Menton, « la plupart des gens amènent leurs tupperwares », observe Carla-Marie, étudiante de 18 ans. « On a plusieurs microondes et deux frigos, autrement il y a un distributeur avec des petits encas salés ou sucrés », poursuitelle. La jeune femme estime dépenser en moyenne une dizaine d’euros par semaine pour se nourrir le midi. « Ça peut paraître rien dit comme ça, mais je suis sûre que s’il y avait une cafétéria ou une cantine, cela arrangerait tout le monde, y compris pour le fait de ne pas avoir à se préparer à manger le soir pour le lendemain et de pouvoir se concentrer sur son travail ou se reposer… »
Tom, lui, est devenu, comme nombre de ses camarades de Sciences Po Menton, un adepte de l’application anti-gaspi « Too Good To Go », qui permet d’obtenir des paniers d’invendus auprès de commerçants locaux à moindre prix. « Parfois, avec des amis, on se motive et on va faire de grosses courses en Italie car c’est moins cher », confie l’étudiant de 20 ans, qui donne des cours particuliers sur son temps libre pour boucler son budget. « Pour le midi, j’ai la chance d’habiter à deux minutes du campus donc je peux rentrer chez moi et simplement manger des pâtes, ça m’évite d’avoir à acheter un sandwich ou autre. J’adore cuisiner de base, donc je me prépare parfois des plats en avance pour la semaine, c’est un gain de temps et d’argent. Ça m’arrive aussi d’acheter de la viande qui expire le jour-même, car elle est généralement à un prix plus bas, et de la congeler », poursuit-il. « À Menton, si l’on veut manger équilibré, il n’y a pas énormément d’offres à des prix abordables alors il vaut mieux cuisiner soi-même, mais cela demande une organisation, souligne Ilyès Mesbah. Parfois, on n’a simplement pas le temps d’aller chercher quelque chose à manger alors on saute des repas ou on mange à 17 heures… L’objectif d’avoir une cafétéria sur le campus, ce serait aussi d’en faire profiter l’IFSI à côté. »
Le restaurant Crous est « toujours d’actualité »
Pour le Centre régional des études universitaires (Crous), il s’agit d’une question d’échelle. En 2020, 120 étudiants boursiers étaient recensés à Menton. Trop peu pour faire de la commune une priorité en termes de restauration universitaire. « Pour ça, on a besoin d’infrastructures, de personnel et de charges fixes de fonctionnement. S’il n’y a pas un nombre suffisant d’étudiants, ce n’est pas viable. L’autre problème, c’est qu’il y a plusieurs campus éparpillés à Menton », résumait ainsi Mireille Barral, la directrice du Crous Nice-Toulon dans nos colonnes en septembre 2021. Elle indiquait néanmoins qu’une réflexion allait être menée avec les acteurs du territoire pour faire face à cette problématique. Ce que confirme aujourd’hui l’organisme : « La question de la restauration des étudiants sur le bassin mentonnais est toujours d’actualité. Les directions du Crous Nice-Toulon, de Sciences Po Menton, de l’IFSI et du centre hospitalier La Palmosa collaborent pour trouver un lieu adapté et offrir aux étudiants un espace de restauration de qualité et à petits prix ».