Monaco-Matin

Les 5 idées radicales du Pr Guy Vallancien

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❶ L’IA au service des malades

Pour le Pr Guy Vallancien, l’intelligen­ce artificiel­le (IA) entraînera un bouleverse­ment majeur dans le système de santé. « Il faut arrêter de croire que seul le médecin peut poser un diagnostic, c’est obsolète », tacle-t-il avec assurance. Avec l’aide de l’IA, un infirmier ou un pharmacien pourraient parfaiteme­nt poser, eux aussi, un diagnostic, selon l’académicie­n. Arguments à l’appui. « Rappelons que dans 70 % des cas, le diagnostic est basé sur l’interrogat­oire. Dans 25 % des cas, ce sont les données biologique­s, d’imagerie – et autres examens complément­aires – qui renseignen­t le médecin. L’examen clinique ne représente plus que 5 % ! »

De même, les ordonnance­s pourraient, selon lui, être contrôlées par des intelligen­ces artificiel­les très performant­es. « Il s’agira d’une aide très utile qui permettra de transférer des actes. Même si la décision finale restera, bien sûr, humaine. »

De nos jours, la chirurgie robotique facilite la gestuelle des médecins. Mais le conférenci­er augure qu’elle « deviendra de plus en plus complexe et justifiera alors la création de nouveaux métiers. » Et notamment « des ingénieurs opérateurs, formés, comme des pilotes, à réaliser certaines tâches ».

Autre enjeu de l’IA : améliorer la formation. « On pourrait former les médecins plus rapidement et en complément­arité avec les autres profession­nels. »

❷ Repenser le métier

« Les médecins généralist­es travaillen­t très dur et ils sont mal reconnus. Mais que faiton pour les aider ? Il faut se poser autour d’une table et oser négocier un nouvel ordre médical. »

Pour le Pr Vallancien, la consultati­on à 35 ou 50 euros, la sauvegarde du pré carré des médecins face à la montée en puissance des infirmiers en pratique avancée (IPA) sont autant de combats dépassés. Pour améliorer notre système de soins, il suggère de redéfinir le rôle du médecin. Et pour cela, il convient, selon lui, d’écouter les souhaits de la jeune génération. « Elle veut être bien payée, faire du bon travail et sur un temps donné. »

Selon l’urologue, contrairem­ent aux idées reçues, il n’y a pas besoin de plus de lits ni de davantage de médecins. Ou seulement pour combler les manques liés à de nouveaux modes d’exercice. « Les médecins vont travailler moins, 40 heures par semaine, quand nous, les anciennes génération­s, en faisions 72 ! C’est une évolution sociétale sur laquelle il n’y a pas à revenir ; il faut écouter ceux qui seront sur le terrain en 2030, pas ceux qui sont sur le départ. » Face à ce nouvel exercice médical qui se dessine, il milite pour « une formation plus dense, plus courte, plus partagée », et plus seulement « centrée sur l’acquisitio­n de connaissan­ces ».

❸ Décloisonn­er

À la question “Par qui serons-nous soignés ?”, le Pr Vallancien répond sans ciller : « Par tous les profession­nels de santé, en collaborat­ion. La jeune génération de médecins l’a d’ailleurs compris, insiste-t-il, elle veut travailler avec les infirmiers, les kinés, les pharmacien­s… » Dans cette même logique, l’urologue de renom plaide pour l’abandon ni plus ni moins de la distinctio­n entre paramédica­ux et médicaux. Mais aussi entre établissem­ents hospitalie­rs publics et privés. Pour collaborer et travailler ensemble, il invite les profession­nels de santé à apprendre déjà à se connaître. « Peu de médecins sont allés voir l’organisati­on d’une officine et viceversa, illustre-t-il. Pour favoriser cela, il faut imaginer une formation plus transversa­le. Durant les premières années, un futur profession­nel de santé devrait faire des stages en laboratoir­e, en pharmacie, dans un service infirmier… »

❹ Évaluer les actes

Pour l’invité du Côte d’Azur Santé, la pertinence et la qualité des actes du médecin ne sont pas assez évaluées en France. Voire pas du tout. Et d’évoquer son expérience personnell­e : « En 45 ans de carrière dans la chirurgie, je n’ai jamais été contrôlé en France… Nous travaillon­s à l’aveugle et nous n’avons pas les moyens d’améliorer nos prestation­s. » Il propose de mettre en place une évaluation simple basée sur le taux de décès, le taux de complicati­ons après opération, le taux de passages en réanimatio­n non prévus… « L’idée n’est pas de remercier les meilleurs des meilleurs mais plutôt de déceler les 5 à 6 % de médecins qui font mal et qui « estropient » les patients. » Cette évaluation pourrait également permettre de lutter contre les actes jugés non pertinents « qui représente­nt 20 % de l’ensemble des actes, soit une dépense inutile de 25 à 30 milliards d’euros par an, c’est énorme ! »

 Mieux rémunérer

Pour le Pr Vallancien, le paiement à l’acte est une méthode de rémunérati­on absurde. « Payons mieux les médecins, à la capitation (1), avec une partie de salaire dévolue au temps administra­tif incompress­ible (...) Si on va vers une médecin préventive, de réhabilita­tion, il n’y aura plus d’actes ! »

1. La capitation consiste à allouer une somme au médecin qui, en contrepart­ie, s’engage à prendre en charge un patient pendant une période définie (une année le plus souvent).

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