Vision « caricaturale » ou « bon diagnostic » : les avis divergent
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les propos du Pr Vallancien n’ont pas laissé le public indifférent. Certains ont même eu du mal à contenir leur colère.
■ C’est le cas du Dr Hervé Caël, président du conseil de l’ordre régional des médecins, qui n’a pas hésité à dénoncer une position « caricaturale » sur le nouveau rôle du médecin ou la place de l’IA. « C’est nier la relation particulière entre le médecin traitant et son patient ». « On a mis en place des systèmes de coordination avec l’ensemble des professions paramédicales, et si on fait ce parilà, ça fonctionne » assène-t-il.
■ À l’opposé, le Dr Martine Langlois, médecin généraliste, adhère pleinement à la vision de l’académicien. « Je travaille déjà avec un assistant médical, qui me décharge de certaines tâches » ditelle en regrettant elle aussi « une organisation en silo ». « Il faut faire sauter les barrières et redéfinir les rôles et les objectifs, avec un temps de coordination qui est un temps de travail et qui doit être payé. J’applaudis aussi l’idée de la capitation. »
■ LeDr Jean-Philippe Arnau, généraliste, « partage cette envie de travailler tous ensemble » mais regrette que « les nouvelles compétences – les IPA – arrivent avant qu’on n’ait créé l’usage, en clair sans les moyens économiques pour éviter les frottements. » De fait, certaines IPA dévissent déjà leur plaque, faute de collaboration avec les médecins de leur territoire, qui, payés à l’acte, n’ont aucun intérêt à leur adresser des patients.
■ LePr René-Jean Bensadoun, cancérologue, confirme « l’importance fondamentale de la prise en charge globale du patient. Cela devient même la base en cancérologie ; les soins dits de support améliorent de plus de 40 % la survie à trois ans. » Mais, il précise : « Il faut une coordination très fine, et une hiérarchie dans cette coordination, pour éviter les erreurs de prise en charge : le chef d’orchestre, c’est le spécialiste. » Concernant la délégation de tâches, il y est lui aussi favorable : « Ce n’est pas « dégradé » de faire à domicile une évaluation du patient par l’infirmier, car elle est plus pertinente à domicile que dans le cabinet du médecin » cite-t-il. Même plébiscite aux propositions du Pr Vallancien concernant les évaluations des actes médicaux, des stratégies thérapeutiques ou des établissements. « Elles peuvent conduire à rapidement améliorer les pratiques et les résultats ».
■ Selon Nathalie Sarrat, infirmière (IRFSS Croix Rouge), sa profession « assure souvent, à domicile, une coordination informelle aujourd’hui non rémunérée. On veut participer, nous sommes un maillon indispensable du fait de notre nombre : 480 000. Il n’y a pas ou peu de zones blanches, nous sommes partout. » Elle évoque la possibilité de travailler avec des valises de téléconsultation, pour permettre au médecin des visites virtuelles à domicile, avec l’assistance sur place de l’infirmier. Reste « toute une philosophie à repenser pour accepter une responsabilité partagée autour du patient », commente le Dr Isabelle Aubanel, directrice santé du conseil départemental 06.
■ LePr Philippe Paquis, président de l’ordre des médecins 06, approuve lui aussi certains aspects du diagnostic posé par Guy Vallancien. « Les jeunes ont décidé qu’ils ne travailleraient pas comme leurs prédécesseurs. Il faut deux médecins pour en remplacer un, et avec le numerus clausus, on a un problème démographique assez sérieux. La situation sera encore plus catastrophique dans les 4 à 5 ans qui viennent. » Il est plus circonspect concernant le partage de tâches. « Les CPTS vont dans ce sens ; mais il y a une différence entre organiser le partage de tâches, l’accès aux soins sur un territoire et instaurer, via une loi, que des corps sociaux en silo ont des droits par rapport à d’autres. Imaginez : on impose à un interne en médecine générale de faire une quatrième année d’études en plus, et on lui dit dans le même temps qu’un infirmier pourra faire des certificats médicaux ! Il y a des éléments complexes à prendre en compte, en termes de responsabilité notamment. »
Il réclame lui aussi un décloisonnement entre l’hôpital public et l’hôpital libéral (« de plus en plus de praticiens veulent un exercice mixte ») et regrette que la suppression dans les CHU des médecins vacataires (ces libéraux qui travaillaient ponctuellement à l’hôpital) ait rompu la relation ville-hôpital.
■ LeDr Renaud Ferrier (URPS ML) propose enfin qu’on rende « plus attractives (financièrement) les spécialités dont on a le plus besoin, et moins attractives celles dont on a moins besoin, les étudiants se dirigeant naturellement vers les spécialités les plus lucratives ».
■ « Quand est-ce qu’on va s’y mettre ? », concluent d’une même voix, les Prs Pradier et Barranger .« La vraie difficulté, ce n’est pas de trouver les solutions, c’est la conduite du changement ! »