Plus jamais comme hier
Où, comment et par qui sera-t-on soignés dans 10 ans ? Une question qui peut surprendre, voire désorienter les « consommateurs » de soins (et de nombreux professionnels de santé), qui préfèrent ignorer que la
maison brûle. Et qui tirent des bénéfices substantiels dans l’assimilation de la carte Vitale à une vulgaire carte bleue – qui n’exige même pas que l’on se préoccupe de ce que l’on a sur ses comptes – utilisable à volonté et dans tous lieux dédiés aux soins. Une situation confortable que l’on a favorisée en créant, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en 1945, la sécurité sociale : des soins pour tous, à proximité. L’enfer est pavé de bonnes intentions. Ce système solidaire, créé à une époque où l’on mourait surtout de pathologies
aiguës comme des infections, a permis aux Français d’afficher une santé insolente pendant des décennies. Mais il a aussi conduit à un consumérisme débridé. Car, pendant ce temps, l’espérance de vie a progressé, et avec elle, les maladies chroniques, fruits du progrès médical… et du défaut de prévention. Pourquoi se préoccuper de ne pas tomber malade, quand on est assurés qu’il y aura un « bon docteur » pour nous soigner ? Le problème, c’est qu’aujourd’hui, les médecins manquent à l’appel et
quelque 13 millions de malades chroniques, âgés souvent, réclament, au-delà des soins, un accompagnement. Notre système de santé n’avait pas prévu (sic) – ni donc anticipé – cette nouvelle donne. « Plus question de réforme, il faut le remettre à plat », prêchent dans le désert depuis des années des personnalités, comme le Pr Vallancien. Aujourd’hui, nous sommes au pied du mur : des millions de patients sans médecin traitant, des urgences qui débordent, le public et le privé mis en compétition qui se disputent les « cas les plus financièrement attractifs » – le premier pour combler ses
déficits structurels, le second pour engranger de confortables bénéfices. Découragés par des malades souvent exigeants et un manque de reconnaissance, les soignants abandonnent leurs postes. Il faut se préparer : demain, nous ne serons plus soignés comme aujourd’hui. Nouveaux métiers, nouveaux parcours, nouvelles structures, nouvelles incitations aussi à la prévention. Alors que l’espérance de vie a chuté en France et partout en Europe depuis 2019, le seul espoir de (re) gagner des années, c’est d’être éduqués à la santé. Malade, pas malade, c’est aussi en partie à nous d’en décider.
« Ignorer que la maison brûle »