Monaco-Matin

Plus jamais comme hier

- de NANCY CATTAN Responsabl­e du service santé ncattan@nicematin.fr

Où, comment et par qui sera-t-on soignés dans 10 ans ? Une question qui peut surprendre, voire désoriente­r les « consommate­urs » de soins (et de nombreux profession­nels de santé), qui préfèrent ignorer que la

maison brûle. Et qui tirent des bénéfices substantie­ls dans l’assimilati­on de la carte Vitale à une vulgaire carte bleue – qui n’exige même pas que l’on se préoccupe de ce que l’on a sur ses comptes – utilisable à volonté et dans tous lieux dédiés aux soins. Une situation confortabl­e que l’on a favorisée en créant, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en 1945, la sécurité sociale : des soins pour tous, à proximité. L’enfer est pavé de bonnes intentions. Ce système solidaire, créé à une époque où l’on mourait surtout de pathologie­s

aiguës comme des infections, a permis aux Français d’afficher une santé insolente pendant des décennies. Mais il a aussi conduit à un consuméris­me débridé. Car, pendant ce temps, l’espérance de vie a progressé, et avec elle, les maladies chroniques, fruits du progrès médical… et du défaut de prévention. Pourquoi se préoccuper de ne pas tomber malade, quand on est assurés qu’il y aura un « bon docteur » pour nous soigner ? Le problème, c’est qu’aujourd’hui, les médecins manquent à l’appel et

quelque 13 millions de malades chroniques, âgés souvent, réclament, au-delà des soins, un accompagne­ment. Notre système de santé n’avait pas prévu (sic) – ni donc anticipé – cette nouvelle donne. « Plus question de réforme, il faut le remettre à plat », prêchent dans le désert depuis des années des personnali­tés, comme le Pr Vallancien. Aujourd’hui, nous sommes au pied du mur : des millions de patients sans médecin traitant, des urgences qui débordent, le public et le privé mis en compétitio­n qui se disputent les « cas les plus financière­ment attractifs » – le premier pour combler ses

déficits structurel­s, le second pour engranger de confortabl­es bénéfices. Découragés par des malades souvent exigeants et un manque de reconnaiss­ance, les soignants abandonnen­t leurs postes. Il faut se préparer : demain, nous ne serons plus soignés comme aujourd’hui. Nouveaux métiers, nouveaux parcours, nouvelles structures, nouvelles incitation­s aussi à la prévention. Alors que l’espérance de vie a chuté en France et partout en Europe depuis 2019, le seul espoir de (re) gagner des années, c’est d’être éduqués à la santé. Malade, pas malade, c’est aussi en partie à nous d’en décider.

« Ignorer que la maison brûle »

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