Monaco-Matin

Condamnées pour avoir abusé de leur mère fragile

- CH. P. chperrin@nicematin.fr

Habituelle­ment, des centaines de milliers d’euros sont au coeur des affaires d’abus de faiblesse examinées par le tribunal correction­nel de Nice.

Cette fois, le préjudice dépasse à peine les 40 000 euros mais le délit paraît caractéris­é.

« Détresse psychologi­que »

Rolande, 85 ans, mère de deux filles et un fils, n’a plus toute sa tête. Depuis le décès de son mari, sa solitude et sa dépression conjuguées ont accéléré sa sénilité. Michelle, l’une de ses filles, a d’ailleurs demandé que sa mère soit placée sous tutelle, ce qui a provoqué l’indignatio­n de sa soeur Muriel et de son frère, Pierre. Muriel reproche également à sa mère d’avoir trop facilement signé des chèques en faveur de Pierre, son fils. Une enquête est alors ouverte par le parquet et là, surprise : Michèle, tout comme sa soeur, sont accusées d’avoir trop souvent accompagné leur vieille mère à la banque pour lui faire retirer du liquide. Elles auraient empoché jusqu’à 1 000 euros chacune par mois. De quoi améliorer leur quotidien modeste : l’une travaille à temps partiel, l’autre est au RSA et s’occupe de son fils autiste.

La vengeance d’une enfance malheureus­e

Le procureur Sébastien Eskandar s’étonne de la défense de Muriel : « Votre mère manifestai­t une vraie détresse psychologi­que et vous répondez aux enquêteurs qu’elle faisait du cinéma. » « Je ne me souviens pas », répond Muriel, qui concède que sa mère était « fragile ».

Au fil des débats, les relations familiales sont mises à nu, le linge sale exposé en public. Muriel apprend à l’audience que c’est Michèle qui a déposé plainte et déclenché ce séisme judiciaire. Michèle évoque pour se justifier une mère peu aimante, qui l’a reniée, une soeur sans le sou et un frère choyé. Bénéficier de cet argent était en quelque sorte la vengeance d’une enfant malheureus­e. Muriel, elle, épuisée par le quotidien avec son fils handicapé, a toujours eu des problèmes financiers. Avoir l’aide de sa mère lui paraît normal.

Quant à Pierre, il comprend mal ce que la justice lui reproche, n’ayant jamais forcé sa mère à lui signer des chèques. Le tribunal présidé par Edouard Levrault après avoir consacré une matinée entière à cette triste affaire familiale, a relaxé le fils mais condamné les deux soeurs à six mois de prison avec sursis et 1 000 euros d’amende.

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(Photo Ch. P.) Elles accompagna­ient leur mère à la banque et lui faisaient retirer de l’argent. Un abus de faiblesse caractéris­é, selon le tribunal.

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