Monaco-Matin

À 80 ans, il habite seul dans un hameau abandonné

André Colineau vit seul dans un hameau abandonné de la commune d’Utelle. Mémoire vive des lieux, il écoule paisibleme­nt sa retraite, presque coupé du monde.

- ALEXANDRE ORI aori@nicematin.fr

Un havre de paix. Il y a trente ans, c’est ce que découvre André Colineau quand il arrive au Reveston. Le hameau est perché sur un plateau suspendu au-dessus de la profonde vallée du Var. L’un des plus isolés du haut-pays niçois. Pour y accéder : une heure de marche sur un sentier pentu qui serpente dans le maquis. « Une façon de me remettre en condition » sourit l’octogénair­e qui emprunte le chemin plusieurs fois par semaine. « Je retourne dans la vallée pour faire mes courses, voir des amis ou ma famille, préciset-il avant d’ajouter : Mais je suis mieux ici. »

L’ingénieur devenu chevrier

«Ici» , c’est un décor figé dans le temps. Une dizaine de maisons en ruines, encore meublées pour certaines. Une église au toit effondré mais dont le clocher subsiste, un cimetière envahit par les ronces, l’ancienne école à la façade décrépie. C’est ce bâtiment qu’André a racheté à un couple dans les années 90. « Les habitants sont partis dans les années 50, faute de route goudronnée. Par la suite, ce sont des soixante-huitards qui ont réinvesti le hameau. » Plongé dans les souvenirs, le vieil homme évoque « ces familles avec leurs enfants », la vie de bohème. «Ilyen avait qui s’occupaient de l’agricultur­e, d’autres étaient artistes et sculptaien­t. Mon ex-femme et moi étions chevriers. »

Grâce à son troupeau, l’ingénieur de formation fabriquait du fromage. Toutes les semaines, il parcourait les marchés de l’arrière-pays. Seuls vestiges de cette époque : Champion et Éros. Le cheval et l’âne étaient de précieux « compagnons de travail ». Maintenant, ils sont de sympathiqu­es « compagnons de retraite », s’amuse l’ancien berger tout en distribuan­t les gamelles de maïs.

Un potager de 70 m2

Une activité persiste : l’agricultur­e. Dans une serre et un jardin de 70 m², l’ermite pratique la multiplica­tion, il bouture et repique. «Si c’est bien géré, il y a de quoi nourrir quatre personnes. Pour moi, c’est largement suffisant. » Le potager est riche en salades, carottes, poireaux, radis, tomates et même des figues. « J’en fais de la confiture que je mets dans mes pâtes. C’est ma spécialité », confie André avant de s’attabler.

Pour ce qui est de l’eau et de l’électricit­é, le hameau est encore alimenté par une petite source et par la vieille centrale hydroélect­rique. « Certains hommes du hameau y travaillai­ent. Ils y ont monté le courant, faisant du Reveston l’un des premiers villages fournis en électricit­é. »

« Quelle vie ! L’âne, le cheval, ma chienne, la nature »

Il n’y a pas de doute à avoir. André Colineau est la mémoire vive du hameau. Le dernier gardien de ces quelques ruines hors du temps. Une existence solitaire et souvent difficile. Là-haut, pas de secours possible, peu de réseau téléphoniq­ue, des hivers rudes et des étés asséchés. Et pourtant, « quelle vie ! lâche l’octogénair­e qui ne regrette rien. L’âne, le cheval, ma chienne, la nature. »

Et dire que tout a commencé par hasard, au détour d’un sentier escarpé, sur un coup de coeur : « Comme un pied de nez à la société. »

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(Photo Simon Martin) Depuis 30 ans, André vit dans l’ancienne école qu’il a retapé au Reveston, hameau abandonné accessible après une heure de marche

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