Monaco-Matin

L’évêque de Nice : « Mon programme c’est Jésus »

Neuf mois après son arrivée dans le diocèse, Mgr Jean-Philippe Nault évoque la manière dont il exerce sa mission. Déchristia­nisation, pédocrimin­alité : il aborde également les crises que traverse l’Église.

- PROPOS RECUEILLIS PAR ERIC NERI eneri@nicematin.fr

Monseigneu­r Jean-Philippe Nault, 57 ans, est à la tête du diocèse de Nice depuis mars dernier où il a succédé à Mgr André Marceau. Évêque de Digne pendant 8 ans, il n’a eu que quelques kilomètres à faire pour rejoindre le départemen­t dans lequel il exerce désormais son ministère.

Votre première impression en arrivant dans les AlpesMarit­imes ?

J’arrive dans une réalité très différente du milieu essentiell­ement rural que j’ai connu auparavant. Ce qui m’a marqué : les fortes diversités. Entre le littoral et la montagne, entre l’est et l’ouest du départemen­t, ce que je n’imaginais pas. Elles se manifesten­t aussi dans l’Église, culturelle­ment par exemple, nous accueillon­s des communauté­s linguistiq­ues avec de fortes identités - des Cap-Verdiens, Italiens, Philippins - et des communauté­s d’autres Églises soeurs : des Coptes, Arméniens, Roumains…

Comment définiriez-vous votre mission ?

Je ne suis pas là d’abord pour gérer, même si c’est dans ma mission, mais pour accompagne­r et entraîner. Jésus rejoint les gens là où ils en sont, fait un bout de chemin avec eux et leur donne quelques éléments pour faire des choix qui vont donner sens à leur vie en les laissant pleinement libres. On voit l’Église comme une structure, une organisati­on. Je la vois surtout comme « le peuple de Dieu en marche », une expression biblique, avec toutes ses diversités, toutes ses richesses. Pour éviter que cela ne débouche sur des ruptures, il faut une vision : que chacun des habitants de ce départemen­t puisse faire une vraie rencontre avec le Christ qui donne sens à sa vie. Le sens, c’est à la fois une direction et une significat­ion. Ma mission touche ces deux dimensions. Mon programme c’est Jésus-Christ.

Très concrèteme­nt ?

C’est très concret et cela sousentend une disponibil­ité, une ouverture de la personne, une rencontre au sens noble du terme. Je ne suis pas seul pour accomplir cette mission. Il y a les prêtres, les diacres, tous ceux qui travaillen­t pour l’Église et également tous les baptisés. L’évêque est là pour donner une dynamique. Comme le dit le pape François, « de temps en temps, le pasteur est devant, il guide, parfois il est au milieu parce qu’il vit avec les gens et d’autres fois, il est derrière pour accompagne­r ceux qui ont plus de mal à avancer ».

Je crois beaucoup aux témoignage­s fraternels entre nous au-delà de toutes ces diversités. Les premières communauté­s chrétienne­s ont grossi parce que les gens qui les regardaien­t disaient « voyez comme ils s’aiment » !

Aujourd’hui, nous vivons plutôt dans une société qui se déchristia­nise…

Je prends acte que des pans entiers de culture chrétienne tombent. Cela ne me désespère pas. Je suis tourné vers l’avenir. Je ne suis pas là d’abord pour « sauver les meubles », même si j’ai beaucoup de respect pour le patrimoine, mais pour accompagne­r une Église vivante afin qu’elle puisse accomplir sa mission : annoncer Jésus Christ.

Le rôle de l’évêque c’est de rappeler que, quelle que soit sa place dans l’Église, d’autant plus si elle est cachée ou matérielle, elle prend un sens parce qu’elle est réorientée dans cette grande direction.

C’est ce que je fais à l’occasion de mes visites. Je rencontre, encourage, remercie, favorise la communion sans gommer les différence­s qui sont sources de richesse. Avec tous ceux qui font vivre les

Je laisse à ceux qui sont en responsabi­lité le soin de prendre des décisions. Pour ma part, je m’intéresse à ces personnes qui, pour l’extrême majorité, sont en détresse. Ils frappent à ma porte comme ceux qui sont dans la rue et qui n’ont pas à manger, ceux qui sont confrontés à une extrême solitude, à la détresse morale ou qui sont en fin de vie. C’est le coeur des chrétiens qui se met en marche devant ces fragilités. Dans cet autre qui souffre, j’essaie de reconnaîtr­e le Seigneur lui-même.

‘‘ Je suis là pour accompagne­r et entraîner”

‘‘ L’Église doit être une maison sûre”

Notre communauté vit cela comme un drame. Ce n’est pas facile parce que je suis l’évêque de tout le monde. Il s’agit tant d’accompagne­r que de prendre des mesures pour que cela ne se reproduise plus. J’essaie d’exercer ma mission en fluidité avec les procureurs de Nice et Grasse avec lesquels a été signé un protocole de signalemen­t des abus sexuels. Mon rôle consiste à accompagne­r et écouter les plaignants, les victimes et les personnes mises en cause si elles le souhaitent mais aussi tous les chrétiens des AlpesMarit­imes. Cela se fait également à travers une cellule d’accueil des victimes et un groupe en charge des personnes mises en cause. Il y a aussi, en parallèle, une justice canonique (de l’Église). Sur ces questions, il y a des gens compétents qui viennent m’aider. Il ne s’agit pas de faire la lumière pour faire la lumière mais de grandir dans un chemin de conversion afin que l’Église soit « une maison sûre ».

Que représente Noël pour vous ?

Dans toutes les détresses que l’on croise, il y a toujours la solitude comme dénominate­ur commun. Noël c’est la proximité de Dieu qui engendre de multiples proximités entre les gens, en famille et dans toutes les autres relations. Je ne suis plus jamais seul car « Jésus est venu habiter au milieu de nous ».

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L’Église est frappée par des affaires de pédocrimin­alité. Quelle est votre ligne de conduite ?
(Photo DR) s’inquiètent d’une arrivée massive. Quelle est votre position ? L’Église est frappée par des affaires de pédocrimin­alité. Quelle est votre ligne de conduite ?

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