Olga, son Noël à Nice et le coeur en Ukraine
Noël est là mais le coeur est resté en Ukraine avec ceux qui n’ont pas pu fuir. Olga Tanchyna se confie sur la difficile séparation avec sa famille. Elle s’apprête à passer les fêtes sans eux. Les traditions préservées
Rizdvo ». Noël en ukrainien. Un mot qui n’a plus trop de sens. Un mot qui fait mal. Parce qu’il rime avec famille, avec maison. Un bonheur arraché par la guerre. Mais il faut bien vivre, se réunir, continuer d’aimer. Fêter Noël malgré tout. Dans les locaux de l’association Franco-Ukrainienne Côte d’Azur (Afuca), d’innombrables cartons s’empilent. Grâce aux dons. À l’intérieur, des vêtements chauds pour l’hiver, des médicaments, des béquilles et même des générateurs. En Ukraine «ilyadesendroits où il n’y a pas d’électricité, pas de chauffage », rappelle Olga Tanchyna.
Cette maman de 34 ans qui a fui le pays début mars avec Dmyd, son fils de 5 ans, pense immédiatement à son mari, resté à Kiev. Mais aussi à sa mère et sa grandmère, bloquées à Khmelnytskyï, à l’ouest du pays. « Elles sont trop fatiguées pour pouvoir nous rejoindre », résume-t-elle avec pudeur.
Proches sous les bombes
Tout la ramène à eux. Le sapin de Noël installé dans la salle commune de l’association, les guirlandes en papier faites par les enfants, les illuminations en ville. Et aussi la chaleur qui anime le foyer où elle est hébergée.
« Sylviane est une dame très gentille », esquisse en français la maman ayant trouvé refuge chez une Niçoise. « Elle nous a fait une surprise. Elle a préparé un magnifique sapin entièrement décoré avec des petits cadeaux », poursuit la réfugiée, visiblement très touchée par ce geste. Un bel effort pour les intégrer et leur faire partager la joie de ces fêtes de fin d’année.
Mais c’est avant tout la fin d’une année de guerre qui se profile dans l’esprit de la communauté. Comment fêter sereinement alors que d’autres subissent encore les bombardements ? Le hurlement des sirènes, l’obscurité des caves. La peur permanente de mourir. Ces traumatismes, Olga les porte en elle. Impossible d’ignorer que d’autres compatriotes vivent encore dans ces conditions.
Reconstruire un foyer
Impossible de penser à autre chose. Au contraire, « il est très important d’exprimer tout ce qu’on a ressenti. Afin de s’en libérer et de se reconstruire », analyse celle qui est psychothérapeute. L’arrivée des fêtes accentue le manque des proches et « rouvre les blessures ».
Alors que Dmyd réclame à voir son père, Olga lui demande de dessiner la maison familiale. Un exercice qu’elle applique pour tous les jeunes réfugiés. Comme une échappatoire. Parfois un exutoire. La psychothérapeute expose « de nombreux dessins de ruines en flammes. De tanks, de bombes et de soldats ». Un silence. Puis de l’espoir.
« L’Afuca nous permet de tous nous réunir. La communauté ukrainienne est plus forte que jamais. Même si nous sommes loin de chez nous, nous reconstruisons une famille ici ».
Symbole de cette fragile reconstruction : les silhouettes de maisons en carton découpées par les enfants. Derrière les façades coloriées, une petite ampoule simule la lumière du foyer.
Celui resté en Ukraine.
Celui trouvé en France. Pour atténuer l’absence laissée par la guerre. Et redonner du sens au mot « Rizdvo » : Noël. « La tradition pose un cadre rassurant. » Oksana est bénévole et interprète pour l’Afuca. Ellemême réfugiée du conflit, elle réaffirme l’importance des fêtes de la nativité, rythmées par une tradition purement ukrainienne. Parce que l’église orthodoxe se base sur le calendrier julien et non pas grégorien, Noël se fête le matin du 7 janvier. La communauté se réunira pour le « vertep ». Ces saynètes bibliques retracent la naissance du Christ. « Cette année elles seront accompagnées de discours en hommage aux proches restés au pays », remarque Oksana. « Le soir du réveillon, le 6 janvier, nous serons au casino Terrazur à Cagnes-surMer », signale Iryna Podyriako, présidente de l’Afuca. L’occasion de se réunir pour des « koliadka », chants de Noël traditionnels. Une levée de fonds sera aussi organisée. Les festivités toucheront à leur fin lors d’un banquet, le « vetcheria », repas saint composé de 12 plats distincts. « Ça sera le 13 janvier à l’espace centre de Cagnes », précise la présidente. Oksana ajoute : « Ça permet à la communauté de se souder. Mais aussi de partager notre culture au peuple français qui nous a accueillis. »