Monaco-Matin

Olga, son Noël à Nice et le coeur en Ukraine

Noël est là mais le coeur est resté en Ukraine avec ceux qui n’ont pas pu fuir. Olga Tanchyna se confie sur la difficile séparation avec sa famille. Elle s’apprête à passer les fêtes sans eux. Les traditions préservées

- ALEXANDRE ORI aori@nicematin.fr A. O.

Rizdvo ». Noël en ukrainien. Un mot qui n’a plus trop de sens. Un mot qui fait mal. Parce qu’il rime avec famille, avec maison. Un bonheur arraché par la guerre. Mais il faut bien vivre, se réunir, continuer d’aimer. Fêter Noël malgré tout. Dans les locaux de l’associatio­n Franco-Ukrainienn­e Côte d’Azur (Afuca), d’innombrabl­es cartons s’empilent. Grâce aux dons. À l’intérieur, des vêtements chauds pour l’hiver, des médicament­s, des béquilles et même des générateur­s. En Ukraine «ilyadesend­roits où il n’y a pas d’électricit­é, pas de chauffage », rappelle Olga Tanchyna.

Cette maman de 34 ans qui a fui le pays début mars avec Dmyd, son fils de 5 ans, pense immédiatem­ent à son mari, resté à Kiev. Mais aussi à sa mère et sa grandmère, bloquées à Khmelnytsk­yï, à l’ouest du pays. « Elles sont trop fatiguées pour pouvoir nous rejoindre », résume-t-elle avec pudeur.

Proches sous les bombes

Tout la ramène à eux. Le sapin de Noël installé dans la salle commune de l’associatio­n, les guirlandes en papier faites par les enfants, les illuminati­ons en ville. Et aussi la chaleur qui anime le foyer où elle est hébergée.

« Sylviane est une dame très gentille », esquisse en français la maman ayant trouvé refuge chez une Niçoise. « Elle nous a fait une surprise. Elle a préparé un magnifique sapin entièremen­t décoré avec des petits cadeaux », poursuit la réfugiée, visiblemen­t très touchée par ce geste. Un bel effort pour les intégrer et leur faire partager la joie de ces fêtes de fin d’année.

Mais c’est avant tout la fin d’une année de guerre qui se profile dans l’esprit de la communauté. Comment fêter sereinemen­t alors que d’autres subissent encore les bombardeme­nts ? Le hurlement des sirènes, l’obscurité des caves. La peur permanente de mourir. Ces traumatism­es, Olga les porte en elle. Impossible d’ignorer que d’autres compatriot­es vivent encore dans ces conditions.

Reconstrui­re un foyer

Impossible de penser à autre chose. Au contraire, « il est très important d’exprimer tout ce qu’on a ressenti. Afin de s’en libérer et de se reconstrui­re », analyse celle qui est psychothér­apeute. L’arrivée des fêtes accentue le manque des proches et « rouvre les blessures ».

Alors que Dmyd réclame à voir son père, Olga lui demande de dessiner la maison familiale. Un exercice qu’elle applique pour tous les jeunes réfugiés. Comme une échappatoi­re. Parfois un exutoire. La psychothér­apeute expose « de nombreux dessins de ruines en flammes. De tanks, de bombes et de soldats ». Un silence. Puis de l’espoir.

« L’Afuca nous permet de tous nous réunir. La communauté ukrainienn­e est plus forte que jamais. Même si nous sommes loin de chez nous, nous reconstrui­sons une famille ici ».

Symbole de cette fragile reconstruc­tion : les silhouette­s de maisons en carton découpées par les enfants. Derrière les façades coloriées, une petite ampoule simule la lumière du foyer.

Celui resté en Ukraine.

Celui trouvé en France. Pour atténuer l’absence laissée par la guerre. Et redonner du sens au mot « Rizdvo » : Noël. « La tradition pose un cadre rassurant. » Oksana est bénévole et interprète pour l’Afuca. Ellemême réfugiée du conflit, elle réaffirme l’importance des fêtes de la nativité, rythmées par une tradition purement ukrainienn­e. Parce que l’église orthodoxe se base sur le calendrier julien et non pas grégorien, Noël se fête le matin du 7 janvier. La communauté se réunira pour le « vertep ». Ces saynètes bibliques retracent la naissance du Christ. « Cette année elles seront accompagné­es de discours en hommage aux proches restés au pays », remarque Oksana. « Le soir du réveillon, le 6 janvier, nous serons au casino Terrazur à Cagnes-surMer », signale Iryna Podyriako, présidente de l’Afuca. L’occasion de se réunir pour des « koliadka », chants de Noël traditionn­els. Une levée de fonds sera aussi organisée. Les festivités toucheront à leur fin lors d’un banquet, le « vetcheria », repas saint composé de 12 plats distincts. « Ça sera le 13 janvier à l’espace centre de Cagnes », précise la présidente. Oksana ajoute : « Ça permet à la communauté de se souder. Mais aussi de partager notre culture au peuple français qui nous a accueillis. »

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(Photos Dylan Meiffret) Comme les autres réfugiés, Olga et son fils (en haut) essaient de faire vivre l’esprit de Noël, malgré l’absence angoissant­e de leurs proches restés en Ukraine

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