Monaco-Matin

Saint-Raphaël, Lilia et son fils de 11 ans seront seuls

- ALEXANDRA MARILL amarill@nicematin.fr

À« Cette année, ce sera juste mon fils, mon chat Mia et moi », lâche Lilia avec un sourire forcé en apportant une tasse de thé chaud. Un petit sapin décoré trône dans le salon de son 35 m2. Quelques guirlandes et des boules argentées viennent habiller le conifère. Cette maigre parure donne un côté chaleureux à l’appartemen­t, un peu vide. «Je sais qu’on ne fera pas grandchose, mais ces décoration­s sont importante­s pour mon fils. Il a besoin de retrouver un peu de magie », explique notre hôte, dans la langue de Shakespear­e.

« Je n’ai pas les moyens de cuisiner un festin »

Lilia était professeur­e d’anglais à Odessa en Ukraine, avait une « belle situation », une « vie stable » ,un « bel appartemen­t », avant que son monde ne s’écroule.

Fuyant la guerre avec son fils, la quadragéna­ire a posé ses valises à Fréjus en mars dernier. Elle a d’abord habité dans un mobil-home, au sein d’un camping avant que le CCAS de SaintRapha­ël ne lui trouve un T2 au centre-ville. Ce 25 décembre, Lilia le passera donc seule avec Marc, son garçon de 11 ans dans leur nouveau foyer raphaëlois. « Ce week-end, on va rester simple, je n’ai pas les moyens de cuisiner un festin. On va marquer le coup c’est déjà bien », glisse-telle, en gardant le sourire. Licenciée par son employeur cet été, cette mère de famille dont le conjoint est resté en Ukraine, peine à boucler ses fins de mois. « Pour l’instant, j’ai du mal à trouver un métier qui correspond­e à mes compétence­s et à mon niveau d’études, mais je cherche activement. Et je n’ai pas les moyens de faire garder mon fils », regrette-t-elle : « Il aura un petit cadeau, mais ce seront des gourmandis­es. D’ordinaire, Marc est gâté par toute la famille mais je ne vais pas pouvoir lui payer un jeu vidéo cette fois-ci. »

Un Noël au goût amer

Il y a bien cette amie niçoise qui les a invités pour le réveillon, mais pour l’instant, l’Ukrainienn­e hésite… Elle n’a pas vraiment le coeur à la fête : « Il est certain que le fait de me retrouver avec des compatriot­es m’aurait fait du bien, mon amie m’aurait remémoré de bons souvenirs, des instants de ma vie d’avant. » Les images des concerts de Noël à Odessa, les boissons chaudes, les nuits passées en famille avec sa soeur et ses parents partageant un banquet et des pâtisserie­s slaves laissent à Lilia un goût amer. La brune refuse de rire, s’amuser sans les siens. « L’idée même de passer du bon temps sans mes parents, alors qu’ils sont privés d’électricit­é plusieurs heures par jour et risquent leur vie, me dérange. Et puis je pense à tous ces enfants morts sous les bombes. Si je sors, j’aurais l’impression de danser sur des cadavres », confie-t-elle.

Pour le premier de l’an, Lilia accueiller­a sûrement son amie niçoise qu’elle pourra enlacer quand les douze coups de minuit retentiron­t. Derrière elle, Marc, imperturba­ble, scrute le pied du sapin avec impatience.

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(Photo A. M.) Lilia et son fils Marc dans leur appartemen­t à Saint-Raphaël.

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