Fréjus : des travaux pour sortir le barrage d’un mauvais pas
Un chantier colossal de plus de deux mois a pris place sur les vestiges de Malpasset. Tout en préservant faune et flore, le département fait sécuriser la zone pour les nombreux visiteurs.
Qui n’est jamais parti à la découverte des vestiges de l’ancien barrage de Malpasset ?
Le site de la catastrophe du 2 décembre 1959 – le déferlement de cinquante millions de mètres cubes d’eau a tué 423 Fréjusiens – est exploré par des dizaines de milliers de personnes chaque année, dont bon nombre se font photographier sur ou sous l’un des énormes blocs de béton. Même les experts viennent comprendre la rupture du barrage : une centaine d’étudiants-ingénieurs se rend sur place chaque année.
Des visites qui s’avèrent de plus en plus dangereuses vu le vieillissement et le délitement du béton et des roches. Propriétaire, depuis les années 1950, des 262 hectares de part et d’autre du Reyran sur les communes de Fréjus, Bagnols-enForêt, les Adrets-de-l’Estérel, Montauroux, le département du Var a étudié la manière de protéger la population d’éventuels éboulements et chutes accidentelles.
Un hélicoptère plutôt qu’une grue
Après des analyses approfondies, la collectivité a décidé d’engager de colossaux travaux afin de préserver les promeneurs tout en laissant les ruines du barrage comme lieu de mémoire.
« Il a tout d’abord fallu obtenir toutes les autorisations d’utilisation des pistes de Défense de la forêt contre les incendies (DFCI), des surfaces afin de pouvoir utiliser un hélicoptère plutôt qu’une grue », explique Luc Collange, chef de projet de la Direction des espaces naturels, forestiers et agricoles (DENFA).
Le département a engagé le bureau d’études Naturalia Environnement qui a listé les espèces et toutes les mesures écologiques à respecter afin de réduire l’incidence
Les spécialistes du Département demandent au grand public de reporter leurs randonnées le plus possible pendant la durée des travaux. Les particuliers ne devront pas s’approcher et respecter les interdictions, le balisage, les panneaux et les barrières.
« Le site n’a pas été bouclé. On peut prendre la piste jusqu’au belvédère. Mais pas question d’aller plus loin car les travaux sont dangereux, il peut y avoir des chutes de blocs, de roches », souligne le chef de projet, Luc Collange.
Un hélicoptère a déposé des barres d’acier pesant de 130 à 190 kg, dont les plus longues mesurent 12 mètres. L’appareil a également apporté le matériel de forage qui servira à creuser des trous dans les deux gros éléments des travaux sur la faune et la flore. Cette société indépendante en conseils et ingénierie de l’écologie s’occupera aussi du suivi environnemental.
« Eviter d’impacter les animaux présents »
« Nous sommes dans un espace sensible inscrit Natura 2000. Il y a le lézard ocellé, le plus grand lézard d’Europe, les tortues d’Hermann et cistude, l’hémidactyle verruqueux les plus hauts et la roche qui les soutient. L’hélicoptère portera les barres d’acier qui seront enfilées dans les trous forés. Ces derniers seront ensuite comblés par un coulis de béton injecté afin de rigidifier l’ensemble. Dix barres seront disposées dans le premier bloc pesant 700 tonnes et vingt barres dans le deuxième de 1 000 tonnes, qui devraient être ainsi définitivement stabilisés.
Bientôt un grillage rivé dans la paroi
D’autre part, pour sécuriser les versants abrupts dont les roches fracturées tombent par endroits et par moments, les experts de la société niçoise NGE Fondations vont purger manuellement les morceaux instables, faire tomber les plus dangereux parfois appelé gecko. Nous avons prévu d’organiser le travail pour éviter d’impacter les animaux présents », confie Luc Collange.
Le chantier a débuté à l’automne pour plus de deux mois. «Là aussi, la date a été choisie pour ne pas déranger une espèce de chiroptère, le murin de Bechstein dont il y a une grosse colonie », précise-t-il. La plus forestière de nos chauves-souris hiberne habituellement ainsi que le béton écaillé par le temps et l’usure.
Enfin, au-dessus du sentier qui permet de passer de l’aval à l’amont une partie des parois rocheuses est fracturée. « On a posé un grillage rivé dans la paroi. 420 m2 seront ainsi ancrés dans la roche. Au pied du sentier, on double la protection d’une barrière anti-chutes de blocs. Vingt mètres de long de couverture grillagée avec des pieux de trois mètres de haut, un couloir d’écoulement pour mieux protéger les promeneurs, renchérit le chef de projet. Des barrières anti-franchissement en métal positionnée à trois endroits empêcheront les gens de monter sur l’ouvrage. C’est un équipement qui sera efficace. D’autres interventions sont encore à l’étude pour les années à venir » dès la mi-octobre.
« Le naturaliste du bureau d’études a fait l’inventaire et cartographié les zones à enjeux écologiques, poursuit le spécialiste. Nous pouvons ainsi les baliser de manière à circuler entre les cordes installées le long d’un sentier. Tous nos travaux devront respecter la faune et la flore en espérant que la période ainsi imposée ne sera pas pluvieuse car les travaux sont acrobatiques. Nous installons l’infrastructure, des préfabriqués modulables pour les ouvriers, des groupes électrogènes, un compresseur… »
Risques d’éboulement
« Il y a quatre sortes de risques à ce lieu très fréquenté : la chute de 60 mètres des gens qui grimpent sur les parties hautes de l’ouvrage, le risque de basculement d’éléments très lourds qui se trouvent à 50 mètres de haut, les roches qui peuvent tomber des versants très abruptes et fissurés et le vieillissement du béton qui peut s’écrouler, ajoute-t-il. Pour résoudre tout cela, le département a fait appel au bureau d’études géotechnique de sondage et études des sols, à un coordonnateur pour la sécurité et la santé du personnel et du public du groupe Qualiconsult, à l’entreprise NGE Fondations, spécialisée dans la géotechnique, la mécanique des roches et à l’Office national des forêts ».
La totalité pour un coût de 500 000 euros, études comprises.