Aux urgences de Fréjus : « Ici, le burn-out est quasi collectif »
Journée d’immersion au Centre hospitalier intercommunal Bonnet. Les annonces présidentielles ont fait « pschitt » dans un service en crise continue et qui attend toujours son « Plan Marshall ».
En vingt-quatre ans de secrétariat aux urgences du centre hospitalier Bonnet de Fréjus-Saint-Raphaël, Aline avoue n’avoir « jamais vu ça ».
Jeudi, la situation à Fréjus était dantesque. « C’était Koh-Lanta ! », plaisante à peine un aide-soignant (nos éditions d’hier). Ce vendredi la situation est plus « calme ». Un terme tout relatif dans les couloirs du bâtiment varois…
« Certains sont ici depuis 48 heures, mais suite au battage médiatique d’hier, quelques solutions ont été trouvées en interne avec des transferts de patients vers le Pôle Santé de Gassin ou l’établissement dracénois. Lorsque le directeur répète qu’il n’y a pas eu de fermetures de lits aux urgences, c’est faux ! Au fil des ans, nombre d’entre eux ont été transformés pour faire de la chirurgie ambulatoire, programmée, etc. Même l’UHCD, le service de courte durée, normalement réservé aux patients qui ont besoin d’examens ou de surveillance, est devenu le service Covid… Mais toujours géré par les urgences ! », s’élève une voix.
Choix cornélien
Référent « Situation sanitaire exceptionnelle » devenue de longue date son quotidien, le docteur Emmanuel Fellinger doit pendant ce temps, en plus du flux continu qui cumule une quarantaine de patients, faire face à deux cas cardiaques très préoccupants qui nécessitent un sang-froid total. Confronté à cette réalité, le discours d’Emmanuel Macron, malgré les mea culpa à demi-mot, ne pèse pas bien lourd.
« Même si j’avais des moyens, je n’aurais pas de solutions, tellement le problème est multifactoriel, résume-t-il. Ce n’est pas la politique qui va résoudre cette crise. C’est un choix de société. Quelle place veut-on donner aux médecins par rapport à d’autres actes ou suivi médicaux dont on sait très bien qu’ils ne sont pas prioritaires (esthétique, etc.), touchent des personnes que l’on sait condamnées à très court terme ou dont le très grand âge fait qu’il n’y a pas d’issue ? »
Burn-out collectif
Un discours qui peut bien entendu heurter les familles pour qui l’espoir est toujours permis.
Des médecins le prêchent toutefois pour éviter d’en arriver à ce qu’ils qualifient, à terme, de « génocide », faute de pouvoir se consacrer dans de bonnes conditions aux patients « courants » en potentielle situation grave.
« Ici le burn-out est quasi collectif. C’est notre rigueur scientifique qui nous sauve ! », martèle-t-il.
« La tarification à l’activité est l’un des autres gros drames des dernières années. Certains se goinfrent làdessus ! Quand je vois les différences de gains au sein du corps médical, je me demande si nous faisons le même métier ? », poursuit, le temps d’une brève pause, le docteur Fellinger qui estime que « l’hôpital public n’est pas en mesure de proposer des postes contractuels intéressants pécuniairement. Et de toute façon, quel nouveau venu tiendrait dans ces conditions ? Personne ! ».
Plan Marshall aux abonnés absents
Ne lui parlez pas davantage de Service d’Accès aux Soins (SAS) sur lequel Emmanuel Macron est revenu. Il n’y croit pas non plus. « Ma femme vient de s’installer en médecin généraliste. En un an elle a déjà 1 600 patients. Comment voulez-vous ensuite gérer le SAS?».
Alors si au final, les professionnels voient d’un bon oeil la remise en question des politiques de Santé passées, le discours présidentiel qui devait « faire date » (dixit Olivier Véran) fait « pschitt » !
« C’est un plan Marshall de la santé que nous attendions. Nous en sommes loin ! », observe le docteur Perrier. « On s’était tous juré de ne pas passer un nouvel été comme celui de 2022. Pourtant on y va droit », prophétise-t-il, fataliste. Comme pris dans cette spirale infernale du « jour de crise sans fin » énoncé hier à Évry par le Président.