Un mal français
Depuis deux semaines, une vidéo
tourne en boucle sur le Web.
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On y voit Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron présenter leurs voeux aux Français. De 2008 à 2021, Saint-Sylvestre après Saint-Sylvestre, ils répètent la même antienne avec le même air compassé : l’année écoulée a été difficile, mais celle qui arrive, porteuse d’espoir, sera bien meilleure.
Effet comique garanti. On imagine, en surimpression, la mine goguenarde de Coluche décryptant leurs propos : « Serrez-vous la ceinture encore un an. Après… vous serez habitués ! »
Cela pourrait faire sourire. Le problème est que ce langage ripoliné, formaté par des conseillers en communication, gangrène tous les étages de la vie publique. Mêmes formules creuses, mêmes fausses indignations parfois entrelardées d’un enthousiasme de pacotille. Mêmes petites phrases distillées d’un média à l’autre. La spontanéité n’est plus à la mode – trop dangereuse. La sincérité ? Elle suppose des idées, des convictions, le courage de les affirmer. Ce n’est pas la vertu première de nos dirigeants actuels. Même lorsqu’ils pensent juste, ces déplorables acteurs parlent faux. Il ne faut pas chercher ailleurs les raisons de la défiance qui les frappe.
La réforme des retraites, dernier exemple en date, a été rythmée par les tirades démagogiques de cabotins insupportables.
Du côté de la majorité, l’affaire semblait pliée depuis le début. On oubliera vite les éléments de langage d’une Première ministre transparente (« Les 65 ans ne sont pas un totem ») et les rodomontades d’un chef d’État convaincu par ses propres certitudes. L’opposition ? Elle s’est opposée, puisque c’est sa raison d’être, mais sans jamais convaincre du bienfondé de ses arguments – trop inquiète d’en dire trop ou pas assez. Demain, ce sont les syndicats qui tenteront d’asseoir leur légitimité à coups de slogans enfiellés et de manifestations tonitruantes. Il est des pays, comme la Suisse ou l’Allemagne, où le débat démocratique est d’une autre hauteur. Où l’on sait encore discuter collectivement des choix de société sans engluer toute réflexion dans un verbiage stérile.
La France, toujours prompte à donner des leçons à ses voisins, serait bien avisée de s’en inspirer.
1. Réalisée par le média en ligne « Brut ».
« Mêmes lorsqu’ils pensent juste, ces déplorables acteurs parlent faux. »