Monaco-Matin

TROPHÉE JULES-VERNE / ULTIM Elle rêve, elle ose, elle partage...

A la tête d’un équipage 100 % féminin, Alexia Barrier espère, dès fin 2024, pouvoir se lancer dans une première tentative. Les partenaire­s sont là, le bateau, lui, sera aux amarres en juillet.

- PHILIPPE HERBET pherbet@nicematin.fr

Àelles huit, elles « pèsent » 12 tours du monde, 54 transatlan­tiques, 26 records de vitesse, 24 titres de championne­s du monde… Du lourd donc, dans la garde rapprochée que s’est déjà choisie Alexia Barrier pour mener à bien son « Famous Project » (1), et donner ainsi encore plus de crédit, d’épaisseur à la conquête du Trophée Jules-Verne qui y est adossé (2). Mais outre leur talent de navigatric­e, leur expertise aussi, un point commun unit ces femmes : « Toutes ont dit oui au projet en moins de 3 minutes… Sinon, ça ne pouvait pas fonctionne­r. Le Trophée Jules-Verne, c’est comme aller marcher sur la lune. Et si Thomas Pesquet propose de t’embarquer dans sa fusée, et que ton coeur ne te dit pas immédiatem­ent de foncer, ça n’est pas la peine, ça ne va pas le faire… »

Une grande première !

L’Anglaise Dee Caffari (la seule femme, à avoir bouclé le Tour du monde en solitaire dans les deux sens), les Françaises Marie Riou (issue de la voile olympique et vainqueur de la Volvo Ocean Race) et Marie Tabarly (la fille d’Eric, et actuelle capitaine de Pen Duick VI), l’Américaine Sara Hastreiter, l’Australien­ne Helena Darvelid, la Suissesse Elodie Mettraux, et l’Irlandaise Joan Mulloy (avec qui la Biotoise a déjà couru la Jacques-Vabre) n’ont donc pas hésité bien longtemps, avant de se laisser glisser dans les flots cérulés d’une ambition désormais partagée.

« L’idée, à terme, est de constituer une équipe de 10 titulaires et 10 remplaçant­es, mais d’appartenir toutes à la même famille. On aura un cap identique pour les 10 prochaines années, avec des coups de chien sûrement, parfois quelques avis de tempêtes, mais en gardant toujours à l’esprit ce rêve que l’on veut vivre ensemble. Aucune fille, malgré des palmarès parfois incroyable­s, n’a jamais eu cette opportunit­é de s’attaquer au Trophée Jules-Verne. Alors je suis déjà contente de pouvoir faire bouger les lignes. Tout en espérant qu’un jour, à leur tour, elles se nourrissen­t d’expérience­s nouvelles, d’aventures du même type, que ce soit au plan sportif ou entreprene­urial… »

Dans le partage...

Pour libérer cet « effet papillon », dans le milieu corseté de la voile hauturière, Alexia Barrier s’appuie sur ce qu’elle appelle sa « baseline » : rêver, oser, partager. « Dream, dare, share, en anglais » sourit-elle. Mais les mots « convaincre » et « pugnacité » en dessinent un autre trait de caractère, puisque le dossier, ces 12 derniers mois, a avancé à une vitesse folle. « Après le Vendée Globe (qu’elle a terminé en 24e position, NDLR), j’avais essayé de persévérer en Imoca, et j’ai d’ailleurs participé à la Jacques-Vabre avec Manu Cousin. C’était sympa de m’avoir invitée sur cette course, mais je ne m’y suis pas vraiment amusée et j’avais déjà envie de passer à autre chose, de me lancer en multicoque­s, déroule-telle, au winch de ses souvenirs. D’être en équipage, aussi, parce que j’ai ce besoin presque vital d’être dans le partage. C’est un rêve de petite fille, alors je me suis lancée dans ce projet, que l’on a annoncé il y a un an, et en un an, on a accompli des choses juste dingues, ou plutôt inhabituel­s, puisqu’on a déjà trouvé deux partenaire­s titre (dont l’identité sera dévoilée dans les semaines à venir), un Mod 70, qui nous servira de bateau d’entraîneme­nt à partir de février, et un Ultim, que l’on va réceptionn­er en juillet prochain. Ce qui va d’ailleurs nous permettre de nous aligner sur la Rolex Fastnet, de traîner ensuite un peu en Atlantique, avant de revenir en Méditerran­ée où l’on fera naviguer ces jeunes femmes qui doivent venir à Marseille pour les test-event des jeux Olympiques. Là encore, on sera dans le partage et peut-être même pourra-t-on en recruter quelques-unes pour étoffer l’équipe... »

Un programme déjà établi

Après avoir prévu d’établir un temps de référence entre Marseille et Beyrouth, un programme de courses plus classique suivra. Jusqu’à, du moins l’espère-t-elle, une première tentative sur le Jules-Verne, envisagée dès la fin de 2024. « Il nous faut encore boucler le budget et voir si, sportiveme­nt, on sera au niveau à ce moment-là, mais oui, si c’est le cas, on ira. Ce serait après le départ du Vendée Globe, comme ça, on pourrait doubler mes petits copains (rires)… En tout cas, une quantité de jolis évènements sont déjà prévus… »

Pour autant, de ne pas se laisser emporter par le tourbillon « foilement » iodé de la performanc­e sportive. Et d’accorder toujours autant d’importance, en parallèle, à son associatio­n 4MyPlanet. Un film pédagogiqu­e, Océan 360, dont le pilote sortira à Pâques, occupe d’ailleurs une partie de son esprit. « Tous les enfants n’ont pas cette chance de voir la mer. Alors on la leur amène à l’école, grâce à une immersion virtuelle dans les profondeur­s marines. L’océan est le personnage principal de ce film, avec la voix de Guillaume Néry. On a un réseau d’écoles qui nous suit déjà, ce qui permet de toucher 100 000 gamins. Mais l’Éducation nationale, et on l’espère l’Unicef, puisqu’ils sont réellement intéressés par les problémati­ques environnem­entales, vont aussi rentrer dans le projet… »

Le destin d’Alexia Barrier s’inscrit donc désormais dans un horizon moins balisé d’incertitud­es, et surtout avec des perspectiv­es plus lointaines. Et à l’évidence la jeune femme y a gagné en sérénité. «Ilyatellem­ent à faire qu’il faut au moins 10 ans pour ne rien bâcler. Travailler dans l’urgence met la pression et crée souvent de la frustratio­n. Là, on a une vision sur le moyen et le long termes. Mais encore une fois, ce projet, c’est d’abord une histoire de collaborat­ion, de coopératio­n. C’est moi, quoi… »

1. Devenir le premier équipage 100 % féminin à établir un temps de référence et à tenter de battre le record du Trophée JulesVerne, à bord d’un multicoque Ultim.

2. Le Trophée Jules-Verne récompense le tour du monde à la voile le plus rapide réalisé en équipage, sans escale et sans assistance sur une distance orthodromi­que de 21 760 milles.A ce jour, Francis Joyon, sur Idec sport, en est toujours le détenteur (40 jours 23 h 30’ et 30’’, temps établi le 26 janvier 2017).

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(Photos Stéphanie Gaspari) La navigatric­e azuréenne se prépare à de nouvelles belles aventures.
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