Monaco-Matin

La lettre de Poutine à Staline

- d’ERIC NERI Rédacteur en chef edito@nicematin.fr

« Cher Iossif Vissariono­vitch Djougachvi­li, cher camarade Staline,

Je te présente mes meilleurs vieux. C’est ainsi qu’on appelait, entre nous, les dignitaire­s de l’URSS, Brejnev et Tchernenko, du temps où j’étais au KGB. Depuis la chute du Mur, je n’ai plus envie de plaisanter. J’ai l’impression d’être au cagibi, enfermé dans les 17 millions de km2 de la Russie. Tu me rétorquera­s que notre pays demeure le plus vaste du monde. Mais je suis orphelin des quinze république­s qui composaien­t notre grande union, mais aussi des pays frères. Quelle belle famille, même s’il fallait, de temps en temps, remettre au pas les enfants turbulents ! Aujourd’hui, quand je regarde l’horizon, il ne me reste que cette inhospital­ière Sibérie, autant dire que les yeux pour pleurer. Toi, au moins, tu avais trouvé une utilité à cette immensité glacée.

Tout cela, c’est la faute de Gorbatchev avec sa glasnost et sa perestroïk­a de malheur. Comment pouvait-il croire que le libéralism­e économique associé à l’ouverture démocratiq­ue n’allait pas réduire en miettes ce qui avait été patiemment bâti depuis 1917 ? Après les errements éthyliques de Boris Eltsine, j’ai repris les choses en main : mis au pas les oligarques, bâillonné les médias et mes opposants, non sans mal. C’était quand même plus simple du temps de la dictature du prolétaria­t. Et j’ai redonné sa fierté au peuple russe en ramenant à la maison les brebis dispersées. Un coup de maître en Crimée !

J’ai réparé la terrible erreur de ton déplorable successeur, le camarade Khrouchtch­ev,

qui l’avait rattachée à la république d’Ukraine. Il ne me restait plus qu’à donner une nouvelle leçon d’histoire aux Ukrainiens. Ces cervelles d’oiseaux avaient déjà oublié que leur pays avait été le grenier à blé de l’URSS pendant 70 ans.

Et voilà que je suis en train de me faire ridiculise­r par un comique de télévision travesti en chef de guerre. L’affaire devait être pliée en trois mois, et un an après, rien n’est réglé. Sous tes ordres, l’Armée rouge avait héroïqueme­nt repoussé la Wehrmacht à Stalingrad. Aujourd’hui, nos soldats ne sont même pas capables de tenir leurs positions. A croire qu’il faut que je dirige en personne des stages commandos pour forger le caractère de cette bande de mauviettes ! J’espérais rester au pouvoir jusqu’en 2036, si Dieu me prête vie, 36 ans de règne, soit 6 années de plus que toi, mais je commence à m’inquiéter pour mon avenir. Toi qui as organisé tant de purges, pourrais-tu me donner un conseil pour ne pas subir le même sort que celui de tes opposants ? Je t’embrasse à la russe,

Vladimir P.

« Je me fais ridiculise­r par un comique de télévision travesti en chef de guerre. »

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Monaco