Monaco-Matin

Annibal Grimaldi CONDAMNÉ À MORT EN 1621

Apparenté aux souverains de Monaco, le comte de Beuil et notamment gouverneur de Nice, est exécuté à Tourette-du-Château le 6 janvier 1621.

- ANDRÉ PEYREGNE magazine@nicematin.fr

En ce matin du samedi 9 janvier 1621, à la première heure, affrontant la brise qui balaye les hauteurs de la vallée du Var, le comte de Beuil, Annibal Grimaldi, se rend à la messe en l’église de Tourette-du-Château, village qui, à l’époque, s’appelle Tourette-Revest. Il fait froid mais il n’en a cure. Il s’agenouille longuement et se met à prier. Il sait que sa dernière heure est arrivée... Annibal Grimaldi fait partie de la vieille famille de Gênes, dont une branche a donné les princes de Monaco, une autre les seigneurs d’Antibes, une autre les comtes de Puget, une autre enfin – dont il fait partie – les comtes de Beuil. Lui est non seulement comte de Beuil mais également gouverneur de Nice.

Dans cette dernière fonction, il est placé sous l’autorité du duc de Savoie car Nice, depuis 1388, fait partie des États de Savoie. Annibal Grimaldi a défendu ses terres contre les Huguenots dans la vallée de la Tinée en 1591 et contre les Français dans le Var et à Nice en 1600. Il s’est aussi emparé d’Entrevaux. Sa devise est : « Io sono il conto di Boglio che fa quel che voglio » .( « Je suis le comte de Beuil qui fait ce qui lui plait »).

Une évasion

Mais sa volonté expansionn­iste a fini par déplaire au duc de Savoie, Charles Emmanuel Ier.

En 1614, celui-ci a donc décidé de l’emprisonne­r à Turin avec son fils André.

Voici le si puissant comte de Beuil et gouverneur de Nice emmené en fourgon, sous bonne garde, par les chemins empierrés du Piémont. On ne sait comment cela s’est passé mais, à la faveur d’une tempête de neige, Annibal Grimaldi réussit à s’enfuir.

Le duc de Savoie a alors instruit un procès pour trahison au Sénat de Nice. Et le 2 janvier 1621, Annibal Grimaldi et son fils André ont été condamnés à mort.

Pour échapper à la sentence, le comte de Beuil s’est réfugié dans son château de Tourette, protégé par une garnison de neuf cents hommes. Le duc de Savoie a alors lancé contre lui une armée de neuf mille hommes. Que pouvaient faire les neuf cents gardes d’Annibal Grimaldi face l’armée de Charles-Emmanuel de Savoie ? Ils capitulère­nt sans combattre. Certains historiens prétendent qu’ils auraient été soudoyés pour renoncer au combat.

Annibal Grimaldi n’eut alors qu’une solution : se rendre. Il le fit le 8 janvier 1621.

Sentence de mort

Le lendemain, 9 janvier, à la sortie de la messe, il est conduit par deux soldats dans une maison proche. Là, il est invité à s’asseoir dans une pièce meublée d’une table et de chaises, où brûle un feu de cheminée. Quatre hommes sont autour de lui : le révérend père Passeron, prieur du couvent Saint-Dominique à Nice, les chevaliers Lascaris et Caïs et un de ses proches nommé Isnard. Un greffier du Sénat de Nice du nom de Masnion arrive, accompagné de deux esclaves turcs – sans doute des descendant­s des Turcs qui avaient tenté en vain d’assaillir Nice sous le commandeme­nt de Frédéric Barberouss­e en 1543.

Dans un silence mortel à peine troublé par le crépitemen­t du feu de cheminée, le greffier s’adresse respectueu­sement à Annibal Grimaldi : « Votre Seigneurie illustriss­ime... ». Le comte de Beuil se dresse alors. Celui qui a régné d’une main de fer sur la région et a défié le duc de Savoie, ôte humblement son chapeau. Le greffier lui lit la sentence : « Vous êtes condamné à mort par pendaison. » Le comte accepte la sentence et questionne :

- « N’y aurait-il par charité du poison ou un pistolet pour moi ? »

- « Non, votre seigneurie ! Le duc de Savoie en a décidé ainsi. »

Le duc de Savoie s’était en effet souvenu avoir entendu Annibal Grimaldi dire un jour : « J’aimerais mieux être étranglé par des (DR) (DR)

« J’aimerais mieux être étranglé... que de me soumettre au duc de Savoie »

Turcs que de me soumettre au duc de Savoie. »

Le duc de Savoie, le prenant au mot, avait donc décidé qu’il en serait ainsi.

Le comte remet au père Passeron deux bracelets d’or qu’il portait au bras : « Prenez-les et faites prier pour moi à Notre-Dame du Rosaire. ». Il sort de sa poche un chapelet d’argent qu’il destine à son épouse, détache de son cou un reliquaire en or à l’intention de sa fille Béatrice. « Je suis prêt », dit-il.

Son corps fut exposé selon la légende

Alors les deux Turcs, restés dans son dos, lui passent une corde au cou. À l’aide d’une pièce de bois placée sur la trachée, ils tirent de toutes leurs forces. Et l’étranglent. La suite est racontée par A. Baréty dans un numéro de la revue NiceHistor­ique datant de 1914 : «Le comte tomba de sa chaise et les deux Turcs l’achevèrent. Jusqu’à son dernier soupir, il avait les lèvres posées sur une médaille de saint Charles que le sieur Isnard, à genoux devant lui, lui tenait. » Selon une légende, son corps fut exposé pendant un jour, accroché à un mur du château de Tourette détruit aujourd’hui. Annibal Grimaldi fut ensuite enterré dans la chapelle du Rosaire du couvent Saint-Dominique à Nice. Il avait 64 ans et avait régné pendant trente ans.

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Le château de Tourette à l’époque.
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(DR) Charles Emmanuel, duc de Savoie.
 ?? ?? Armoiries du comte Grimaldi de Beuil.
Armoiries du comte Grimaldi de Beuil.

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