Monaco-Matin

À LA SEYNE EN 1884

Le peintre toulonnais témoigne de ce qu’était la côte varoise dans les années 1880.

- ANDRÉ PEYREGNE magazine@nicematin.fr

La peinture est une machine à remonter le temps. Sans elle, comment saurait-on à quoi ressemblai­ent, au cours des siècles passés, les sites que l’on fréquente de nos jours ?

Nous avons aujourd’hui rendez-vous sur la plage des Sablettes, à La Seyne, dans les années 1880. Notre tableau du jour, conservé au Musée d’art de Toulon, a été peint en 1884 par Eugène Dauphin.

La plage est déserte. Quelques rochers, une barque solitaire sur laquelle sèche une voile abandonnée. Quelques nuages blanchisse­nt le ciel. Une paix biblique règne sur le lieu. Pas un souffle de vent. Mais où est donc le Mistral ? Une douce lumière d’hiver... Aujourd’hui, le lieu est méconnaiss­able. Les touristes le fréquenten­t en hiver, l’assaillent en été. Familles, parasols et crème solaire...

Eugène Dauphin, derrière ses petites lunettes cerclées, n’aurait certaineme­nt pas imaginé une telle évolution !

Pas de Sablettes avant le XVIIe siècle

Mais si l’on remonte beaucoup plus loin dans le temps, l’endroit est encore plus irréel : avant le XVIIe siècle, il n’existait pas... À la place de l’isthme des Sablettes,

se trouvait un espace maritime qui séparait la côte de l’île de Cépet. C’est l’afflux de sable qui, au cours des siècles, a permis à cet endroit la création naturelle d’un passage terrestre entre le continent et l’île. L’île devint une presqu’île et la commune de SaintMandr­ier put y prendre place. L’isthme des Sablettes ne figura sur les cartes d’état-major qu’à partir de 1650. On était à l’époque de Louis XIV. Au milieu du XIXe siècle, l’endroit commença à connaître un essor touristiqu­e grâce à l’élan que lui donna l’aventurier Marius Michel dit Michel Pacha qui, après avoir fait fortune à Constantin­ople, devint maire de Sanary et financeur de La Seyne. S’ensuivit le développem­ent de Tamaris et des Sablettes que fréquentèr­ent des célébrités comme George Sand, les frères Lumière, Alphonse Daudet. « Tout cela est d’un déchiré, d’un doux, d’un brusque, d’un suave, d’un contrasté », écrivait George Sand en évoquant la côte depuis Tamaris.

Cela nous ramène à l’ambiance du tableau d’Eugène Dauphin.

Ce peintre connaissai­t bien le lieu. Né à Toulon, il avait été formé par le célèbre peintre paysagiste Vincent Courdouan.

Un coup de maître

Ce tableau des Sablettes fut son premier coup de maître. Il fut exposé au Salon de Paris en 1884. Le critique Charles Deshayes écrivit à son sujet : « Les Sablettes, rade de Toulon, montre chez l’auteur de grandes qualités de coloriste : un vrai tempéramen­t de peintre se révèle dans cette toile si ensoleillé­e et si vraie. » Mais il notait toutefois que « ce tableau montre un peu de négligence dans l’arrangemen­t et la compositio­n ». Brigitte Gaillard, conservatr­ice en chef des musées de Toulon prend sa défense : « La richesse des coloris (opposition d’ocres jaunes et de bleus), l’atmosphère claire et lumineuse, le traitement inégal de la toile avec des parties ébauchées et de forts empâtement­s sont les qualités essentiell­es de cette peinture. »

Et c’est ainsi qu’Eugène Dauphin nous invite à porter sur Les Sablettes un regard nostalgiqu­e.

« Tout cela est d’un déchiré, d’un doux, d’un brusque, d’un suave, d’un contrasté », écrivait George Sand en évoquant la côte depuis Tamaris

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