Monaco-Matin

Une France en souffrance

- De LIONEL PAOLI Reporter politique edito@nicematin.fr

Vu de France, c’est comme si le monde s’était mis sur pause. La guerre en Ukraine, le dérèglemen­t climatique, le combat des femmes en Iran ? Hop ! Dégagés des radars ! Nos concitoyen­s ne parlent plus que de retraite. Celle de Hugo

Lloris qui raccroche les gants à 36 ans. Celle que Noël Le Graët rechigne à prendre à 82 ans. Celle, en suspens, de Jean-Luc Mélenchon, qui avait annoncé qu’il se retirerait avant la prochaine présidenti­elle. Le leader Insoumis hésite ; il n’aura que 74 ans en 2027. Et chacun de s’interroger : faudra-t-il travailler trois mois, six mois, deux ans de plus ? Peuton se fier à ceux qui prétendent que le système est viable en l’état ?

Ou faire crédit à ceux qui martèlent qu’il n’y a pas d’alternativ­e ? Le problème, me semble-t-il, est ailleurs. Dans l’expression d’une profonde lassitude, d’un ras-le-bol endémique, qui va bien au-delà des slogans scandés dans les rues. Le bonheur au travail, mantra de notre époque, est une chimère : plus on en parle, moins il se manifeste. Dans les entreprise­s, depuis le confinemen­t, les relations se sont tendues. On discute par écrans interposés, on télétravai­lle, on organise des réunions pour cadrer d’autres réunions. Et petit à petit, fil après fil, on détricote les liens qui nouent les relations humaines.

Dans les écoles, les administra­tions, les hôpitaux, on croise des silhouette­s à bout de souffle.

« Des gens lavés, hors d’usage », comme disait Souchon, qui ne trouvent plus de sens à leur labeur. Quel corps de métier, aujourd’hui, rassemble des travailleu­rs épanouis ? Qu’est-ce qui fonctionne correcteme­nt dans l’Hexagone ? Dans quel domaine

« Fil après fil, on détricote les liens qui nouent les relations humaines. »

peut-on dire, en conscience, que cela va mieux aujourd’hui qu’hier ? A la veille de Mai-68, Pierre Viansson-Ponté écrivait dans

Le Monde : « La France s’ennuie. » Désormais, la France déprime et considère la retraite comme l’ultime refuge à ses angoisses. C’est ce qui rend, aux yeux d’une partie de la population, le projet de loi du gouverneme­nt inacceptab­le. Brandir des chiffres, exhiber des statistiqu­es sur l’allongemen­t de la durée de vie ou morigéner les « Gaulois réfractair­es », c’est apporter la preuve qu’on n’a rien compris au mal-être qui sape notre vieux pays.

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