Monaco-Matin

Les gagnants et les perdants

La réforme, qui recule l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans, n’impactera pas les Français de la même façon. Qui sont les gagnants, qui sont les perdants ? La réponse en six cas concrets.

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Gabriella, 47 ans (Grasse), fonctionna­ire ☛ Pas de changement Avant la réforme

Gabriella, née en 1975, de Grasse, a commencé à travailler à 21 ans, dans la fonction publique territoria­le. Elle doit cumuler 172 trimestres, soit 43 ans de cotisation­s pour partir à la retraite. Sans aucune interrupti­on, elle aurait sa carrière complète à 64 ans.

La retraite à taux plein est fixée à 67 ans, elle peut donc partir à la retraite à 67 ans sans décote – ou dès ses 64 ans, mais à taux minoré.

Après la réforme

Gabriella n’est pas concernée par l’accélérati­on de la réforme Touraine, puisqu’elle faisait déjà partie de la génération visée par l’augmentati­on de la durée de cotisation, en 2014 (toutes les personnes née à partir de 1973). Elle devra donc cotiser 172 trimestres.

L’âge de la retraite à taux plein n’étant pas modifié par la nouvelle réforme, Gabriella pourra toujours partir à la retraite à partir de 67 ans. Si elle veut partir à taux minoré, elle devra attendre l’âge légal de 64 ans, ce qui était le cas avant la réforme.

■ David, 46 ans (SaintRapha­ël), ingénieur en intelligen­ce artificiel­le

◗ Pas de changement Avant la réforme

Né en 1976, David eu son premier emploi en 2001, à 25 ans. Il cumule 22 ans d’activité. Il lui reste 21 ans à travailler pour percevoir sa retraite à taux plein. S’il veut partir à la retraite « normalemen­t » et non à 67 ans, il devra « racheter» ses années d’études.

« Au maximum trois années pour partir à 64 ans, ce qui équivaut à 45 000 euros », évalue ce Varois plutôt aisé.

◗ Après la réforme

David ne perdrait pas grand chose. «Le problème qui se pose est que cette énième réforme des retraites sera limitée dans le temps », prévoit-il. « Il y aura encore des changement­s avant mon départ “légal”. Je ne me fais donc pas d’illusion sur ma retraite à terme et la possibilit­é de racheter ou pas mes trimestres manquants... Rien n’est garanti. Il y aura d’autres réformes d’ici là ! », conclut-il, conscient que la retraite se prépare surtout avec des placements ou de l‘épargne. Lorsqu’on en a les moyens.

■ Armelle, 64 ans (Cavalaire), retraitée ☛ Touchera une meilleure pension ◗ Avant la réforme

Après ses débuts chez

Air Inter à 21 ans, Armelle a effectué toute sa carrière dans les compagnies aériennes puis le milieu de la restaurati­on.

Après des ennuis de santé, elle a bénéficié entre 2016 et 2021 de l’Allocation aux adultes handicapés (AAH). Elle touche alors 1 150 euros par mois ainsi qu’une aide au logement mensuelle de 250 euros.

A 62 ans, la CAF lui indique qu’elle peut partir en retraite, mais sans aide car elle n’est pas handicapée à plus de 80 %. C’est ainsi qu’elle se retrouve avec 800 euros par mois et sans logement social. « Lorsqu’on m’a dit à 62 ans que j’avais mes trimestres, je tablais sur 1 400 / 1 500 euros donc mes 800 euros actuels sont difficiles à digérer. A me demander si je ne vais pas bientôt “vivre” dans ma voiture. »

◗ Après la réforme

Ayant une carrière complète, Armelle bénéficier­a des 1 200 euros bruts de pension minimale, soit 1 120, 80 euros nets sans aucun impôt sur le revenu à payer.

« Nous gagnons un peu mais rien de mirobolant. Une fois payé le loyer et les charges, on ne mange toujours pas. Voilà pourquoi il me faut un emploi d’appoint pour vivre. C’est le système D ! Un bar m’a proposé de travailler de 8 h à 15 h 30. Si je pouvais, je le ferais... Ce n’est pas une affaire de fainéantis­e, mais je ne suis plus en capacité physique pour cela. Le gouverneme­nt doit aider ceux qui ont cotisé toute leur vie et payé leurs impôts. Dans 10 ans, comment pourrais-je encore m’accrocher pour arrondir mes fins de mois ? », s’inquiète Armelle, loin d’être seule dans son cas.

■ Gina, 43 ans (Nice), vendeuse, 10 ans d’interrupti­on ☛ Touchera une meilleure pension ◗

Gina a commencé à travailler à l’âge de 20 ans comme vendeuse dans des boutiques de prêt-à-porter, payée au smic.

« J’ai interrompu ma carrière à deux reprises pour me consacrer à l’éducation de mes deux enfants, âgés de 11 et 5 ans. Une première fois pendant 4 ans, après la naissance de ma fille, puis depuis 2017, avant la naissance de mon fils. Je viens tout juste de reprendre une activité profession­nelle », explique la Niçoise qui, à ce jour, n’a acquis que 52 trimestres.

« Je n’ai donc pas le choix et vais devoir pousser jusqu’à 67 ans pour toucher la retraite à taux plein. ça fait jusqu’en 2047. » Elle n’aura donc validé que 128 trimestres sur les 172 demandés.

Elle pourra prétendre au minimum majoré, soit 747,57 euros brut par mois.

◗ Avant la réforme Après la réforme

Gina pourra toujours partir à la retraite à taux plein à 67 ans en 2047, puisque l’âge de la fin de la décote ne sera pas repoussé. Elle pourra bénéficier de la revalorisa­tion du minimum contributi­f.

En revanche, elle ne réunira pas tous les critères pour obtenir la pension de 85 % du Smic net, soit environ

1 200 euros brut par mois imaginée par le gouverneme­nt pour les carrières complètes, car elle n’aura pas pu atteindre 172 trimestres à 67 ans. Sa retraite totale ne sera donc pas tout à fait de 85 % du Smic.

■ ◗ Avant la réforme

Né en 1964, Laurent a commencé à travailler à 18 ans et sans période de chômage. Il pourra partir à la retraite à 62 ans à taux plein au 1er septembre 2026. Autrefois fonctionna­ire de l’État dans l’armée à la Marine nationale de Toulon, il bénéficie déjà d’une pension qui viendra s’ajouter à celle de fonctionna­ire qui avoisinera les 1 000 euros.

Après la réforme Laurent devra partir à 63 ans. ◗

« C’est la double peine pour moi puisque j’aurai atteint mon nombre de trimestres avant d’avoir 63 ans. Donc au lieu des 171 trimestres, j’aurai 173 trimestres au final. C’est une aberration du système, on m’oblige à travailler six mois en plus. Pourquoi me faire partir en septembre 2027 au lieu de fin 2026 ? Moi je ne veux pas toucher plus. Je veux juste partir quand j’aurai acquis mes 171 trimestres. Le gouverneme­nt devrait privilégie­r le fait d’avoir ses trimestres plutôt que de décaler l’âge ».

■ ☛ Perdant : travailler­a plus longtemps ◗

Stéphane a commencé à travailler à 18 ans comme facteur, il fait donc partie des « carrières longues » et peut prétendre à un départ anticipé de 2 ans (soit 60 ans au lieu de 62 ans), à condition d’avoir cotisé 170 trimestres (soit 42 ans et 6 mois), dont 5 avant ses 20 ans.

Laurent, 58 ans (Ollioules), technicien territoria­l

☛ Perdant

Stéphane, 55 ans (Mandelieu), facteur depuis l’âge de 18 ans

Avant la réforme Après la réforme

Stéphane pourra toujours prétendre à un départ anticipé, mais à 62 ans (soit 1 an et 9 mois ans avant l’âge légal pour sa tranche d’âge, porté à 63 ans et 9 mois pour les personnes nées en 1967).

Mais pour toucher une retraite à taux plein, il lui faudra aussi avoir cotisé davantage en raison de l’augmentati­on de la durée de cotisation. Né en 1967, il devra justifier de 172 trimestres (soit 43 ans). Christophe devra donc travailler jusqu’à 62 ans (soit plus longtemps qu’avant la réforme). RECUEILLI PAR

M. T. ET L. A.

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