Monaco-Matin

« Je ne me rappelle de rien »

Victime d’une lourde chute à Bormio le 26 décembre, Matthieu Bailet a dû passer par la case opération et faire une croix sur la suite de la saison. Le Niçois revient sur ses dernières semaines.

- ROMAIN LARONCHE

Matthieu Bailet aurait dû être dans la dernière ligne droite pour préparer les mondiaux en France (Courchevel), mais sa chute à l’entraîneme­nt à Bormio a tout compromis. Le Niçois s’est fait opérer, lundi, d’une rupture du ligament croisé antérieur du genou gauche. Hier matin, le descendeur a accepté de parler de ce coup dur.

Déjà, comment allez-vous ?

Je suis encore un peu fatigué, mais l’opération du genou, avec le docteur Jean-Marie Fayard à Lyon, s’est bien passée. Je le remercie, ainsi que ses équipes pour leur travail. Il n’y a eu aucune mauvaise surprise, pas de complicati­on. Maintenant, je suis en post-opération à Hauteville (Ain) pour deux-trois semaines. La douleur est soutenable, ce n’est pas ça qui me pose problème, ce n’était pas le cas non plus pour l’épaule ou le bras (ses précédente­s blessures). C’est la première fois que j’ai une blessure qui m’empêche de marcher et ça, ça me manque vraiment. Mais je ne suis pas le seul. Je suis avec Julia Pereira (la snowboarde­use isolienne) et Adrien Fresquet (un jeune skieur), qui ont des blessures similaires. On se soutient, on joue au Uno... Et, depuis ma chute, j’ai reçu plein de messages de soutien qui m’ont fait beaucoup de bien.

Vous souvenez-vous de la chute ?

Non seulement je ne me souviens pas de la chute, mais même pas de l’heure qui précède et les deux qui suivent. Je ne me rappelle pas d’avoir mis mes chaussures de ski, ni mon dossard et je me suis réveillé à l’hôpital, je n’étais plus

en tenue de ski. L’hélitreuil­lage, le trajet en hélico, je n’en ai aucun souvenir. L’accident, je ne me rappelle absolument de rien. Quand je me réveille, on me parle de fin de saison. Tout a changé en une fraction de seconde.

Vous avez revu votre chute ?

Oui, c’est une des premières choses que j’ai voulu faire. J’ai demandé la vidéo aux entraîneur­s. C’est fou, je suis tombé à 50 m de l’endroit où je m’étais blessé à l’épaule (2017). A Bormio, la piste est toujours difficile et j’adore ces conditions extrêmes. Mais il faut qu’elle soit lisse et là il y avait une bosse, qui n’avait pas été retravaill­ée. En

skiant dessus, je pars un peu en arrière et à 110 km/h, ça ne pardonne pas.

Bormio, c’est l’amour vache avec cette piste ?

C’est ça l’amour (rires). J’ai tout connu là-bas : ma première grosse blessure, de super résultats (3 fois et la plus importante blessure de ma carrière. On a une véritable relation amour/haine. Mais je vais construire dessus et revenir.

Quand vous réalisez, vous pensez aux mondiaux en France que vous louperez ?

Je souffre d’un traumatism­e crânien et j’ai mal aux cervicales, donc je pense d’abord à ma santé. Mais, rapidement, j’ai ces mondiaux en tête. C’est le rendezvous de la saison, l’objectif qui m’animait dans les moments les plus compliqués de la prépa. Surtout que j’avais bien marché pour les finales de la Coupe du monde l’an passé là-bas en Super-G). Des mondiaux en France, ça n’arrive pas souvent, donc j’ai mis du temps à me décider à me faire opérer, mais, à 26 ans, le risque était trop grand. Si ça avait mes derniers mondiaux, la décision aurait peutêtre été différente, mais je ne vais pas hypothéque­r le reste de ma carrière pour une compétitio­n. Le choix a été très difficile et j’ai encore du mal à digérer, mais des mondiaux, il y en aura d’autres. Il va falloir que je continue une dizaine d’années ma carrière pour pouvoir en vivre en France...

Vous pouvez compter sur les exemples d’autres skieurs (Clarey, Théaux) qui sont revenus de grosses blessures...

Oui, les meilleurs exemples, je les ai dans le groupe France. Avant d’être médaillé mondial et olympique, ‘‘Yo’’ (Clarey) a eu énormément d’embûches, de blessures dans son début de carrière. Et Adrien (Théaux) est en train de faire un super retour

à Val Gardena, après avoir été absent 1 an et demi). Quand on est descendeur, on sait qu’on va devoir passer par la case hopital à un moment de notre carrière, ça fait partie des règles d’un jeu qu’on accepte. Je fais ce sport pour l’adrénaline, il n’y a rien qui me fasse sentir plus vivant. A moi d’apprendre de cette blessure, de cette expérience de vie. Bien sûr, il y a beaucoup de frustratio­n, j’ai pris une grosse claque, mais la motivation et la déterminat­ion sont toujours là. Je ne suis pas inquiet pour mon retour de blessure.

Malgré le changement de matériel (Salomon pour Head), il y avait eu de bons résultats en début de saison jusque-là (2 « top 10 »)...

Oui, le début de saison était très positif. Quand on change de marque, il peut y avoir une saison d’adaptation. Personne ne s’attendait à ces résultats aussi rapides, mais les sensations étaient bonnes. C’est une frustratio­n supplément­aire. Ce n’est pas une blessure qui est arrivée parce que j’ai voulu forcer les choses. J’étais calme, serein, je ne m’enflammais pas non plus après ces bons résultats.

« Les meilleurs exemples, je les ai dans le groupe France »

Quelles sont les grandes étapes désormais ?

Il y a eu tellement de blessures au genou qu’une trame précise existe, mais le plan ne doit pas être rigide parce que ça peut aller plus ou moins vite. Je reste 2-3 semaines ici, ensuite j’espère pouvoir me rendre à Courchevel soutenir l’équipe, puis je vais rentrer à Nice, il y aura trois mois de rééducatio­n, et après je retournera­i à Albertvill­e pour la réathlétis­ation, du au mois, avec une prépa physique progressiv­e. J’espère remonter sur les skis dans 6 mois, mais il faut compter 9 mois pour être à 100 %. On mise sur la saison prochaine.

 ?? (DR) ?? L’opération s’est bien passée pour Matthieu Bailet.
(DR) L’opération s’est bien passée pour Matthieu Bailet.

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