Monaco-Matin

Ilya100ans, l’annonce de la grossesse de la princesse Charlotte

Le 31 mai 1923 naîtra le futur prince Rainier III.

- ANDRÉ PEYREGNE

Le 16 janvier 1923, il y a cent ans, un communiqué est publié à la une du Journal de Monaco : « S. A. S. le Prince a officielle­ment annoncé à Son Excellence le ministre d'Etat, au Président du Conseil National et au maire de Monaco, en les chargeant d'en faire part à la population, que S. A. S. la Princesse Héréditair­e attendait, pour le mois de mai prochain, la naissance d'un enfant. » Aussitôt, la Principaut­é éclate en manifestat­ions de joie. L’arrivée d’un enfant dans la famille princière est toujours un événement considérab­le. Mais peutêtre plus encore il y a cent ans. On venait en effet de traverser une période d’incertitud­e quant à la succession de la famille Grimaldi. Cela avait commencé au lendemain de la Première Guerre mondiale. A cette époque, le prince Albert 1er, âgé de 71 ans, était inquiet que son fils Louis II, âgé de 49 ans, soit toujours célibatair­e.

La crainte française d’un prince allemand sur le trône

La France craignait qu’un jour le trône monégasque revienne à un prince allemand ce qui était impensable au lendemain de la guerre. Or, cela était possible. En effet, faute d’héritier à Louis II, le premier sur la liste de succession après Louis II était Guillaume d’Urach. Ce prince allemand était né au Palais princier de Monaco en 1864. Sa mère était Florestine de Monaco, fille du prince Florestan 1er (lui-même grand-père d’Albert 1er). Florestine s’était mariée avec un aristocrat­e allemand, le duc d’Urach. L’accession au pouvoir de Guillaume d’Urach était donc légitime.

Il fallait faire quelque chose ! Et, pour commencer, modifier la loi successora­le qui remontait à Jean Ier de Monaco, en 1454. Une solution était apparue du fait que Louis II, tout en étant célibatair­e, avait une fille illégitime. En permettant à celle-ci d’accéder au pouvoir, une présence française sur le trône de Monaco serait assurée. Louis II avait eu, en effet, une fille hors mariage. Lorsqu’il était lieutenant au 3e Régiment de chasseurs d'Afrique, en 1898, il était tombé amoureux d’un mannequin qui posait pour les photos d’art, Marie-Juliette Louvet. Une fille était née le 30 septembre 1898 à Constantin­e, prénommée Charlotte.

Charlotte sauve la situation

C’était elle qui allait sauver la situation. Il fallait lui ouvrir un chemin légal vers le trône. Le président de la République française, Raymond Poincaré, ancien avocat de la famille princière de Monaco, s’impliqua dans l’affaire. Il fit modifier le Traité franco-monégasque datant de 1861 qui régissait les relations de protectora­t entre la France et Monaco. Désormais, la succession au trône de Monaco pourrait « s’effectuer par la voie de l’adoption au profit d'un héritier direct de nationalit­é française agréé par le gouverneme­nt français ». Le document fut signé secrètemen­t à Paris le 17 juillet 1918 entre Stephen Pichon, ministre français des Affaires étrangères, et le comte Balny d'Avricourt, représenta­nt du prince Albert 1er. Il fut officialis­é lors de la Conférence de la paix de Paris en 1919.

Des ordonnance­s furent ensuite prises à Monaco les 30 et 31 octobre 1918 par Albert 1er. instituant le droit de succession par adoption dite « solennelle ». Le prince Albert 1er donna alors son accord à l’adoption par Louis II de sa fille illégitime Charlotte. Cette adoption fut célébrée à Paris le 16 mai 1919, en présence de Raymond Poincaré.

Charlotte devenait ainsi altesse sérénissim­e de Monaco et duchesse de Valentinoi­s, titres qui seront confirmés par une ordonnance souveraine de Monaco en date du 20 mai 1919.

Dans l’ordre de succession au trône, Charlotte devenait princesse héréditair­e après Louis II. La principaut­é de Monaco seraitelle dirigée un jour par une femme ? Cela avait été le cas une seule fois dans l’Histoire, au XVIIIe. siècle, avec Louise-Hippolyte, fille

d’Antoine 1er.

Mais dans la tradition masculine des princes Grimaldi de Monaco, un garçon était attendu. Mais pour cela, il fallait d’abord marier la princesse Charlotte ! Elle avait 22 ans.

Pierre de Polignac épouse la princesse Charlotte

L’heureux élu fut Pierre de Polignac, 25 ans, membre d’une très ancienne et noble famille française. Le mariage eut lieu à Monaco, civilement le 18 mars 1920 et religieuse­ment le lendemain. Par ordonnance­s princières des 17 et 20 mars, Pierre de Polignac fut naturalisé monégasque sous le nom de Grimaldi et devint par la même occasion duc de Valentinoi­s. Pierre de Polignac était un ami des arts, habitué du salon fréquenté par Proust que tenait sa cousine la princesse Edmond de Polignac, mécène dont la fortune venait de son père, fabricant des machines à coudre Singer.

Le 28 décembre 1920, les nouveaux mariés eurent un premier enfant : une fille, la princesse Antoinette. Les Monégasque­s attendaien­t à présent un garçon. La nouvelle grossesse annoncée le 16 janvier 1923 aboutirait-elle à la naissance d’un héritier mâle ? Il fallut attendre le 31 mai pour le savoir. Ce jour-là vint au monde le futur prince Rainier III. C’est lui qui, le 9 mai 1949, prendrait les rênes de la Principaut­é car, entre-temps, le 30 mai 1944, à la veille de sa majorité, sa mère Charlotte renoncerai­t officielle­ment au pouvoir. L’avenir de la Principaut­é était assuré.

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(DR) La princesse Charlotte.

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