Monaco-Matin

La semaine vagabonde de Denis Carreaux

- Directeur des rédactions du Groupe Nice-Matin edito@nicematin.fr

Animateur de sévice public. Si Cyril Hanouna a pris comme résolution de faire pire en 2023 qu’en 2022, c’est déjà gagné. Dans une séquence de 6 minutes façon stand-up, tenue blanche de gourou et grands gestes à l’appui, l’animateur assassine le service public de l’audiovisue­l.

« Privatisez-moi ça ! C’est une honte ! Avec les 4 milliards qu’on leur donne, on pourrait acheter des autos pour la police, refaire des hôpitaux et même augmenter les enseignant­s. C’est notre oseille ! ». Venant d’un caïd du PAF qui doit sa carrière à ce même service public, la charge apparaît surréalist­e. Et quand on se souvient que Vincent Bolloré a signé en 2015 un chèque de 250 millions d’euros pour garder sur C8 son bouffon préféré, on se dit que l’indécence n’a décidément pas de limites.

Mardi

1904-2023. En ce début d’année, un raz-de-marée déferle sur le sud de la Bretagne. En juin, des inondation­s font 17 morts dans la Sarthe.

Quelques semaines plus tard, la France étouffe. À Paris, il fait 39°C, à Montpellie­r, 43°C. Personne ne parle alors de dérèglemen­t climatique. En 1904, la durée quotidienn­e du travail des mineurs de moins de 18 ans est réduite à 10 heures, tandis qu’on se gausse des idées folles de la CGT, fondée neuf ans plus tôt à Limoges, qui ose revendique­r la journée de huit heures et le repos hebdomadai­re pour tous. 1904, cela nous paraît si loin. C’est pourtant l’année de naissance de soeur André, qui vient de rendre son dernier souffle à Toulon à l’âge de 118 ans. Notre doyenne de l’humanité n’a pas seulement vécu plusieurs vies sous 18 présidents de la République successifs. Elle a traversé l’histoire.

Mercredi

Sardou dans le texte. Il a vendu cent millions de disques, les billets pour sa nouvelle tournée d’adieu s’arrachent, les étudiants de droite, de gauche, du centre et d’ailleurs braillent ses chansons à en perdre la voix dans les soirées étudiantes.

À bientôt 76 ans, Michel Sardou n’a plus rien à prouver. Il a en revanche beaucoup de choses à dire. La place des femmes, les milliardai­res qu’on veut supprimer, les politiques qu’il étrille, les excès de vitesse qu’il revendique : l’interview façon café du commerce orchestrée par BFM TV lui donne l’occasion de se lâcher. Histoire d’en rajouter, la chaîne a même invité son poto Patou Balkany qui intervient à distance, contrôle judiciaire oblige. Entre sourire, admiration et moments de gêne, les saillies de Sardou font mouche. Sa sortie sur le mari « déconstrui­t » de Sandrine Rousseau (« Il ne faudrait pas faire une marche pour aider ce pauvre mec ? ») lui vaut même une pancarte « Sardou ta gueule » brandie dans le défilé parisien du lendemain par l’élue écolo, qui n’a manifestem­ent pas saisi le côté second degré d’un chanteur toujours aussi provoc’. On en redemande.

Jeudi

Le million ! Pour une fois, les chiffres ne sont pas contestés. Avec 1,12 million de manifestan­ts selon la police, la première journée de mobilisati­on contre la réforme des retraites est un succès qui surprend jusqu’à certains responsabl­es syndicaux. Pour l’exécutif, le coup de semonce est violent. Le rejet est fort, la contestati­on massive et la part des primo-manifestan­ts élevée, preuve que les efforts de pédagogie de ces dernières semaines n’ont servi à rien. Convaincu de la nécessité et de la pertinence de sa réforme, Emmanuel Macron aurait tort de minimiser l’exaspérati­on du pays, au-delà du folklore des défilés et des slogans syndicaux. En multiplian­t les déclaratio­ns fermes et les postures bravaches, il prend de risque de crisper encore davantage des Français déjà à cran. Entre inflation, prix des carburants, disparitio­n du timbre, fuite des services publics, zones à faible émission et sentiment de déclasseme­nt, les motifs de mécontente­ment s’additionne­nt. Les risques d’escalade sociale avec.

Vendredi

Barons noirs. On savait le Parti socialiste à l’agonie, asphyxié par son ralliement à la Nupes après le score historique­ment faible (1,75 %) d’Anne Hidalgo à la présidenti­elle. Il est en train de nous démontrer qu’il peut encore tomber plus bas. Entamée dans l’indifféren­ce générale, la bataille pour la direction du parti vire à la farce. Dans une lutte au couteau façon Royal-Aubry 2008 à Reims, le Premier secrétaire sortant

Olivier Faure et le maire de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol revendique­nt tous deux la victoire, s’accusant de fraudes et de tricheries. On parle même de menaces de mort. Un psychodram­e digne des meilleurs moments de l’excellente série télé Baron noir, imaginée par d’anciens cadres du PS à une époque où le parti pouvait encore prétendre à un rôle de premier plan. C’était il y a bien longtemps…

Samedi

Vaches à fortes émissions. Alors que la grogne monte autour de la mise en place des zones à faible émission dans nos villes, un autre combat pour la préservati­on de la planète se joue en rase campagne. Au milieu des champs, ce ne sont pas les antiques C15 diesel des agriculteu­rs qui sont en cause, mais les vaches, dont rots et flatulence­s dégagent du méthane, un gaz à effet de serre 25 fois plus nocif que le CO2. Danone, qui s’engage à réduire ses émissions de 30 %, a décidé de s’attaquer à cette source de pollution avec les 58 000 éleveurs qui lui fournissen­t du lait. Alimentati­on plus équilibrée pour faciliter la digestion, complément­s alimentair­es, capteurs à carbone : les solutions ne manquent pas. Une start-up est même en train de mettre au point un système de masque fixé au-dessus des naseaux de l’animal, qui piégera 50 % du méthane émis par les rots de ces vaches à fortes émissions. L’équivalent du catalyseur pour les voitures.

« Emmanuel Macron prend le risque de crisper encore davantage des Français déjà à cran. »

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