« Il faut mener des réformes de structure »
La politique monétaire est chose sérieuse. Elle a pour but d’assurer la stabilité de la monnaie. Il faut bien comprendre pourquoi cette stabilité est essentielle : elle assure la confiance entre les citoyens, le respect des contrats et évite la chute du pouvoir d’achat des salariés. En cas d’inflation, les débiteurs « gagnent » car ils remboursent en monnaie dépréciée et les salariés voient leurs revenus diminuer en valeur réelle. Triste constat ! Lorsque l’inflation a réapparu mi-2021, la première réaction des Banques centrales a été, curieusement, de décréter que ce n’était qu’un phénomène transitoire déclenché par les hausses du pétrole et des matières premières provoquées par le redémarrage de l’économie au sortir de la crise de la Covid, et accentuées début 2022 par la guerre en Ukraine. Mais cette attitude de déni a été vite démentie par les faits : l’inflation n’était pas transitoire, et elle s’est amplifiée pour atteindre jusqu’à 10 % en Europe et aux USA. Une fois de plus, on avait sous-estimé le rôle de la création monétaire dans le réveil de l’inflation. Plus on crée de monnaie – au-delà des besoins de l’économie –, plus l’accroissement des liquidités dépasse une production atone, plus on favorise les hausses de prix. On peut ajouter que les pays producteurs de pétrole ont tendance à relever leurs prix (en limitant leur offre) quand la monnaie de transaction (le dollar) se déprécie.
C’est ce qui s’est passé : la demande – stimulée par l’abondance monétaire et par les épargnes accumulées pendant la crise Covid – a fini par buter sur une offre inélastique.
Dans ces conditions, la hausse des prix était inévitable, et il faut comprendre qu’elle n’était pas seulement causée par la poussée des coûts de l’énergie, mais aussi par la force de la demande face à une production très faiblement croissante. Comment faire pour s’en sortir ? D’abord, il faut « remettre sur ses pieds » la politique monétaire. Tout miser sur des taux d’intérêt zéro et sur l’achat massif de titres financiers par les Banques centrales, comme on l’a fait pendant des années, n’est pas la solution : le retour de l’inflation constitue un problème et non un remède. Il convient de relever les taux d’intérêt (ce que fait la Fed aux États-Unis et, à un moindre degré, la BCE) et d’arrêter de stimuler la demande par des taux d’intérêt réels négatifs (ce qu’ils sont aujourd’hui encore, avec des taux nominaux à 2 % et une inflation européenne proche de 10 %, soit -8 % de taux réel).
Il convient aussi de s’occuper de la production. Or celle-ci est inélastique depuis des années. Cette rigidité de l’offre des biens et des services favorise évidemment l’inflation lorsque la demande se renforce.
Pour accroître les capacités de production, il conviendrait de favoriser la recherche, la formation de la main-d’oeuvre et l’investissement productif, lequel a décliné depuis vingt ans et cédé la place à des placements spéculatifs, notamment dans l’immobilier.
En d’autres termes, il faut mener des réformes de structure pour encourager l’investissement productif et redonner crédibilité à la politique monétaire alors que cette dernière a, de fait, favorisé pendant des années la hausse des valorisations d’actifs financiers et immobiliers et, du coup, accentué les inégalités sociales.
Il convient aussi de permettre à notre planète de traiter le défi climatique. Mais ce défi suppose :
- Un remplacement des dépenses publiques de « redistribution » par des dépenses publiques d’infrastructure ;
- Une incitation aux énergies propres, ce qui implique d’arrêter de subventionner la consommation d’énergies fossiles.
À cet égard, il serait de beaucoup préférable de cibler les aides sociales aux personnes les plus affectées par les hausses pétrolières et de ne pas accorder des aides généralisées, ce que l’on fait actuellement.
Cinq cents milliards d’euros d’investissement annuels seront, nous dit-on, nécessaires en Europe pendant 20 ans pour assurer la transition énergétique. Or l’inflation fait obstacle à ces investissements, puisqu’elle se traduit toujours par la pénalisation de l’épargne et l’appauvrissement de la population et le dépérissement des projets à long terme. C’est la restauration des moteurs de croissance qui s’impose. Pour cela, il convient :
- D’assainir les finances publiques, et les considérer non pas comme une source d’emprunt permanente pour financer les déficits, mais comme un vecteur d’investissement en infrastructures.
- De s’occuper de la solidarité des citoyens face à ces défis, et réduire les inégalités qui n’ont fait que croître à la faveur de la financiarisation de notre système financier et de son corollaire, le gonflement artificiel de la valorisation des actifs financiers.
> Les propos, remarques et commentaires exprimés dans les tribunes libres que nous publions n’engagent que leurs auteurs.
Remettre sur ses pieds la politique monétaire”