Monaco-Matin

Cancer du poumon PRÉDIRE SI LE TRAITEMENT SERA EFFICACE

Il existe seulement un à deux projets de ce type en cours dans le monde. Le 1er décembre dernier, le CAL à Nice et le Centre Inria à Sophia Antipolis ont lancé un projet de recherche en intelligen­ce artificiel­le destiné à améliorer l’espérance de vie de p

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Proposer la prise en charge la plus adaptée au profil de chaque patient atteint de cancer du poumon pour augmenter les chances de guérison, tout en limitant les toxicités et une perte de temps préjudicia­ble pour les patients non répondeurs. C’est l’ambition du projet de recherche très innovant, « FEDERATED-PET » (1), porté par un clinicien, le Pr Olivier Humbert, médecin nucléaire au Centre de lutte contre le cancer Antoine Lacassagne, en partenaria­t avec un mathématic­ien, Marco Lorenzi, chercheur en sciences du numérique à l’Inria (2).

À la genèse de ce projet, un constat : l’efficacité d’un traitement varie grandement d’un individu à l’autre. Précisions avec le Pr Humbert : « Lorsqu’un cancer du poumon est découvert à un stade avancé, métastasiq­ue, l’immunothér­apie (IT) est désormais le traitement standard de première ligne pour 80 % des patients. Son efficacité a en effet été clairement démontrée ; en quelques années, on a réussi – grâce à ce traitement – à obtenir chez un certain nombre de patients une améliorati­on sensible du pronostic, et pour certains patients, des rémissions prolongées jusque-là non observées avec les chimiothér­apies habituelle­s. Malheureus­ement, si environ la moitié des patients tire des bénéfices de l’immunothér­apie, avec même une rémission complète pour 20 % d’entre eux, ce n’est pas le cas de tous les malades. »

Pour eux, c’est alors la double peine : outre cette absence d’efficacité, ils doivent subir la toxicité liée à l’immunothér­apie (lire encadré ci-contre).

Mieux cibler les patients éligibles

Ces patients inutilemen­t traités représente­nt des milliers de personnes, chaque année en France. Il est essentiel que l’on identifie rapidement des « biomarqueu­rs permettant de prédire l’efficacité de l’immunothér­apie. On pourra ainsi mieux cibler les patients éligibles et individual­iser la stratégie thérapeuti­que pour améliorer l’espérance de vie de ces patients répondeurs, tout en limitant des toxicités et perte de temps pour les patients non-répondeurs. »

En tête des marqueurs de prédiction qui intéressen­t les scientifiq­ues, le volume de la tumeur et des métastases, tels qu’ils peuvent être évalués grâce aux examens d’imagerie. « On sait que lorsque ce volume est important, l’immunothér­apie est souvent un échec. Mais nous ne pouvons l’affirmer à 100 %, il reste un certain degré d’incertitud­e. Ce qui rend la décision thérapeuti­que très difficile. Peut-on prendre le risque de ne pas traiter une personne souffrant d’une maladie aussi grave qu’un cancer du poumon s’il y a un espoir, même maigre, de bénéfice ? » Passer de 60 à 70 % de certitude à quasi 100 %, c’est tout l’objectif de ces recherches. Comment ? En s’appuyant sur des caractéris­tiques très fines, présentes sur les images, et en donnant des informatio­ns sur la tumeur ellemême, mais aussi sur le terrain immunitair­e du patient. Et c’est grâce à l’intelligen­ce artificiel­le que ces outils prédictifs pourraient bientôt voir le jour.

« Les nouveaux algorithme­s d’intelligen­ce artificiel­le permettent une analyse ‘‘en profondeur’’ des images médicales, pour en extraire des caractéris­tiques non visibles par l’oeil humain mais potentiell­ement très informativ­es sur l’efficacité future des traitement­s », informe le Pr Humbert.

« La difficulté est que ces algorithme­s ont besoin d’être entraînés sur un grand nombre d’images pour être en capacité de prédire la réponse au traitement, complète Marco Lorenzi. Or, ces images médicales étant privées et confidenti­elles, il est actuelleme­nt difficile de constituer de grandes bases de données sécurisées en dehors des hôpitaux. Et c’est tout l’enjeu du projet FEDERATED-PET

que nous menons. »

(lire interview ci-dessous) Et qui a toutes les chances d’aboutir au profit des malades qui font chaque année face au diagnostic de cancer du poumon, 3e cancer le plus fréquent et 1re cause de mortalité par cancer en France. On mesure les enjeux.

« Une analyse en profondeur des images médicales »

1. Le projet a débuté en novembre 2022 et durera 3 ans. Il implique 8 hôpitaux français, 5 centres de recherche de renommée internatio­nale et il est lauréat 2022 du Programme de Recherche Translatio­nnelle en Cancérolog­ie de l’Institut National du Cancer (INCa) – Direction Générale de l’Offre de Soins.

2. Tous deux sont titulaires d’une chaire 3IA (Institut Interdisci­plinaire d’Intelligen­ce Artificiel­le) Côte d’Azur, consacrée aux applicatio­ns de l’IA à la santé (imagerie clinique).

 ?? (Photo DR) ?? L’algorithme sera entraîné sur plus d’un millier d’images obtenues grâce à la technique TEP (tomographi­e par émission de positons), avant et après immunothér­apie.
(Photo DR) L’algorithme sera entraîné sur plus d’un millier d’images obtenues grâce à la technique TEP (tomographi­e par émission de positons), avant et après immunothér­apie.

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