Cancer du poumon PRÉDIRE SI LE TRAITEMENT SERA EFFICACE
Il existe seulement un à deux projets de ce type en cours dans le monde. Le 1er décembre dernier, le CAL à Nice et le Centre Inria à Sophia Antipolis ont lancé un projet de recherche en intelligence artificielle destiné à améliorer l’espérance de vie de p
Proposer la prise en charge la plus adaptée au profil de chaque patient atteint de cancer du poumon pour augmenter les chances de guérison, tout en limitant les toxicités et une perte de temps préjudiciable pour les patients non répondeurs. C’est l’ambition du projet de recherche très innovant, « FEDERATED-PET » (1), porté par un clinicien, le Pr Olivier Humbert, médecin nucléaire au Centre de lutte contre le cancer Antoine Lacassagne, en partenariat avec un mathématicien, Marco Lorenzi, chercheur en sciences du numérique à l’Inria (2).
À la genèse de ce projet, un constat : l’efficacité d’un traitement varie grandement d’un individu à l’autre. Précisions avec le Pr Humbert : « Lorsqu’un cancer du poumon est découvert à un stade avancé, métastasique, l’immunothérapie (IT) est désormais le traitement standard de première ligne pour 80 % des patients. Son efficacité a en effet été clairement démontrée ; en quelques années, on a réussi – grâce à ce traitement – à obtenir chez un certain nombre de patients une amélioration sensible du pronostic, et pour certains patients, des rémissions prolongées jusque-là non observées avec les chimiothérapies habituelles. Malheureusement, si environ la moitié des patients tire des bénéfices de l’immunothérapie, avec même une rémission complète pour 20 % d’entre eux, ce n’est pas le cas de tous les malades. »
Pour eux, c’est alors la double peine : outre cette absence d’efficacité, ils doivent subir la toxicité liée à l’immunothérapie (lire encadré ci-contre).
Mieux cibler les patients éligibles
Ces patients inutilement traités représentent des milliers de personnes, chaque année en France. Il est essentiel que l’on identifie rapidement des « biomarqueurs permettant de prédire l’efficacité de l’immunothérapie. On pourra ainsi mieux cibler les patients éligibles et individualiser la stratégie thérapeutique pour améliorer l’espérance de vie de ces patients répondeurs, tout en limitant des toxicités et perte de temps pour les patients non-répondeurs. »
En tête des marqueurs de prédiction qui intéressent les scientifiques, le volume de la tumeur et des métastases, tels qu’ils peuvent être évalués grâce aux examens d’imagerie. « On sait que lorsque ce volume est important, l’immunothérapie est souvent un échec. Mais nous ne pouvons l’affirmer à 100 %, il reste un certain degré d’incertitude. Ce qui rend la décision thérapeutique très difficile. Peut-on prendre le risque de ne pas traiter une personne souffrant d’une maladie aussi grave qu’un cancer du poumon s’il y a un espoir, même maigre, de bénéfice ? » Passer de 60 à 70 % de certitude à quasi 100 %, c’est tout l’objectif de ces recherches. Comment ? En s’appuyant sur des caractéristiques très fines, présentes sur les images, et en donnant des informations sur la tumeur ellemême, mais aussi sur le terrain immunitaire du patient. Et c’est grâce à l’intelligence artificielle que ces outils prédictifs pourraient bientôt voir le jour.
« Les nouveaux algorithmes d’intelligence artificielle permettent une analyse ‘‘en profondeur’’ des images médicales, pour en extraire des caractéristiques non visibles par l’oeil humain mais potentiellement très informatives sur l’efficacité future des traitements », informe le Pr Humbert.
« La difficulté est que ces algorithmes ont besoin d’être entraînés sur un grand nombre d’images pour être en capacité de prédire la réponse au traitement, complète Marco Lorenzi. Or, ces images médicales étant privées et confidentielles, il est actuellement difficile de constituer de grandes bases de données sécurisées en dehors des hôpitaux. Et c’est tout l’enjeu du projet FEDERATED-PET
que nous menons. »
(lire interview ci-dessous) Et qui a toutes les chances d’aboutir au profit des malades qui font chaque année face au diagnostic de cancer du poumon, 3e cancer le plus fréquent et 1re cause de mortalité par cancer en France. On mesure les enjeux.
« Une analyse en profondeur des images médicales »
1. Le projet a débuté en novembre 2022 et durera 3 ans. Il implique 8 hôpitaux français, 5 centres de recherche de renommée internationale et il est lauréat 2022 du Programme de Recherche Translationnelle en Cancérologie de l’Institut National du Cancer (INCa) – Direction Générale de l’Offre de Soins.
2. Tous deux sont titulaires d’une chaire 3IA (Institut Interdisciplinaire d’Intelligence Artificielle) Côte d’Azur, consacrée aux applications de l’IA à la santé (imagerie clinique).