Monaco-Matin

Rééducatio­n de l’aphasie : UN TRAVAIL INTENSIF ET QUOTIDIEN

Focus sur un trouble du langage fréquent, pour lequel il est important de comprendre l’enjeu des thérapies de récupérati­on mises en oeuvre par les orthophoni­stes.

- CAROLINE MARTINAT cmartinat@nicematin.fr

FOCUS SUR LA PRISE EN CHARGE

Avec Fanny Blain, orthophoni ste dans l’établissem­ent de soins de suite et de réadaptati­on Pierre-Chevalier à Hyères.

Recommanda­tions

« Une prise en charge intensive dès la phase aiguë est préconisée, dès que l’état du patient le permet, explique-telle. Elle permet de stimuler les zones péri-lésionnell­es pour activer la plasticité cérébrale et récupérer autant que possible la partie lésée du langage. Cette prise en charge dès le début de la phase de récupérati­on permettrai­t de doubler les effets de la récupérati­on spontanée. » Dans les trois mois suivants, la prise en charge doit se poursuivre « avec une rééducatio­n intensive et quotidienn­e », puis à raison de 2 à 3 séances par semaine durant la phase chronique.

Limites

La rééducatio­n a cependant ses limites : « Il y a des améliorati­ons à attendre mais il reste presque toujours des séquelles, les symptômes ne régressent que rarement complèteme­nt. » Le degré initial de la lésion,

C’est un trouble du langage qui touche près de 300 000 Français, avec près de 30 000 nouveaux cas chaque année. « L’aphasie est liée à une lésion du centre du langage dans l’hémisphère gauche (le plus souvent) du cerveau, dont la cause la plus fréquente est l’accident vasculaire cérébral (AVC), ou plus rarement une tumeur cérébrale, un abcès infectieux ou une maladie comme la sclérose en plaques », introduit le Dr Catherine Mallecourt Emberger, neurologue membre de l’associatio­n France AVC 83.

« Ces lésions, infectieus­es, inflammato­ires ou tumorales sont visibles à l’IRM. D’autres types de lésions restent invisibles ; c’est le cas s’agissant des maladies neurodégén­ératives comme Alzheimer, ou de l’aphasie primaire progressiv­e, une maladie neurodégén­érative qui débute sa taille et sa localisati­on ne non pas par des troubles de la mémoire, sont pas les seuls facteurs mais par des troubles du langage. » pronostiqu­es. « L’écosystème « Selon l’étendue des lésions, l’aphasie concerne la du patient, ses antécédent­s, compréhens­ion et/ou l’expression du langage écrit son niveau sociocultu­rel et la et/ou oral », précise la neurologue. « La guérison, manière dont il est stimulé poursuit-elle, va ainsi dépendre de l’étendue des par son entourage comptent lésions et de la capacité de récupérati­on du cerveau, également beaucoup. » La qui a une plasticité importante. L’objectif de la prise en charge doit aussi prise en charge orthophoni­que va être justement tenir compte des autres troubles et conséquenc­es de l’AVC : « Les déficience­s cognitives, motrices ou sensitives, l’apraxie (difficulté à exécuter les mouvements intentionn­els, Ndlr) ou une négligence spatiale visuelle peuvent compliquer la tâche de l’orthophoni­ste. »

Objectifs

L’orthophoni­ste intervient sur prescripti­on médicale. Des tests normés et des bilans standardis­és lui permettent, lors du bilan initial, de répertorie­r les atteintes, de déterminer le type d’aphasie, de considérer les besoins et les attentes du patient pour objectiver la récupérati­on et en mesurer plus tard l’efficacité thérapeuti­que. Son travail vise « à améliorer les fonctions langagière­s, favoriser la communicat­ion, encourager la participat­ion active à la vie sociale et à soutenirle­saidants».

« La guérison dépend de l’étendue des lésions » Dr Mallecourt, neurologue

d’utiliser cette plasticité cérébrale pour entraîner d’autres neurones à prendre en charge, petit à petit, les fonctions déficiente­s. »

Plus facile pour les aphasies d’expression, la récupérati­on est plus compliquée pour les aphasies de compréhens­ion, à la fois plus difficile à rééduquer mais aussi plus invalidant­es. « Les troubles de la compréhens­ion provoquent des quiproquos ; la personne participe à la conversati­on avec un ton adapté, on a l’impression qu’elle est en phase, mais le sens de ses propos est incohérent. »

Quand les deux zones sont concernées, expression et compréhens­ion, la récupérati­on est encore plus difficile. Mais, l’espoir persiste : « il est tout à fait possible de récupérer de façon quasi complète après plusieurs jours, plusieurs semaines ou plusieurs mois. »

Pour achever son propos sur une autre note positive, elle invite patients et proches à voir Un homme pressé, un film réalisé par Hervé Mimran, avec Fabrice Luchini, qui évoque avec sensibilit­é et de façon positive les difficulté­s d’un chef d’entreprise très actif confronté à l’aphasie.

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(Photo C. R.) « Le cahier de communicat­ion peut être un support utilisé dans le cadre de la méthode palliative », indique Fanny Blain.
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