Monaco-Matin

Pourquoi sommes-nous accros AUX APPLICATIO­NS DE SMARTPHONE ?

Facebook, Twitter, Instagram, LinkedIn... Via nos téléphones portables, nous sommes assaillis de notificati­ons et il devient difficile de déconnecte­r. Le Dr Patrick Bendimerad a analysé cette dépendance en étudiant le cas de Candy Crush, l’une des applica

- STÉPHANIE WIÉLÉ swiele@nicematin.fr

Dès votre réveil, il est là. Posé sur votre table de nuit. Alors que vous venez tout juste de décoller la tête de l’oreiller, votre smartphone ou « doudou 2.0 » se met déjà à vibrer. Ça y est, les premières notificati­ons arrivent. Vous avez une demande d’ami sur Facebook et un commentair­e sur LinkedIn. Votre robe à paillettes (trop serrée pour vous) a été vendue sur Vinted. Le portable vibre une nouvelle fois. C’est le compte Instagram du « Catloversc­lub ». Il vous présente un distribute­ur à croquettes révolution­naire... Voilà le quotidien de nombreux utilisateu­rs d’applicatio­ns de smartphone. Comment expliquer qu’elles nous rendent autant accros ?

Le Dr Patrick Bendimerad, psychiatre et responsabl­e du service addiction du groupe Hospitalie­r de La Rochelle-RéAunis, s’est intéressé à la dépendance aux applicatio­ns et plus particuliè­rement au célèbre jeu de bonbons Candy Crush (lire par ailleurs). Il nous explique pourquoi nous sommes (presque) tous « hameçonnés » par les applicatio­ns et leurs notificati­ons.

Pourquoi avoir travaillé particuliè­rement sur les effets de Candy Crush ?

Car ce jeu a séduit un public très large, des enfants comme des adultes, des hommes comme des femmes. Candy Crush est l’un des jeux les plus puissants sur le plan de l’addictolog­ie. C’est un parfait cas d’école pour expliquer l’impact des applicatio­ns sur nos comporteme­nts. Car en réalité, qu’il s’agisse de Candy Crush, Facebook, Instagram, Tinder ou

Tik Tok, il existe une véritable stratégie commune qui nous motive à commencer l’usage, ainsi qu’à le perpétuer.

Quelle est cette méthode si envoûtante ?

Dans notre cerveau, nous avons le circuit des récompense­s ; il nous permet de réaliser nos besoins fondamenta­ux comme manger, boire ou se reproduire. Cette activité aboutit à la libération de dopamine, messager chimique du plaisir. Ce mécanisme nous incite ainsi à répéter des expérience­s agréables apprises au cours de la vie. C’est ce même circuit de récompense que les drogues, l’alcool ou encore la cigarette activent. Et c’est encore ce circuit qui nous rend dépendants à des applicatio­ns de smartphone ; recevoir un « J’aime » sur Facebook ou un commentair­e sur Instagram nous fait plaisir et nous donne envie d’en obtenir davantage. De même, si je reçois un message WhatsApp d’un ami ou un « match » sur Tinder, je vais être excité et enthousias­te. Sur Candy crush, les niveaux du jeu sont simples. Ainsi, on gagne facilement et notre ego est flatté. Sur Tik Tok, on visionne des vidéos courtes et sensationn­elles qui donnent envie de rester accrochées à l’écran. Dans tous ces cas de figure liés aux applicatio­ns, l’effet est très rapide et intense et nous sommes comme incités à répéter ce moment de récompense et de plaisir immédiat.

Qu’en est-il du cerveau d’un ado face aux applicatio­ns ?

Les adolescent­s sont plus sensibles à ce circuit de la récompense. En effet, le développem­ent du lobe limbique (zone impliquée dans les émotions), est plus rapide que la croissance du lobe préfrontal (zone qui permet de définir des priorités et de maîtriser des émotions). C’est pourquoi les jeunes ont plus de mal à résister au plaisir immédiat et donc à la stratégie « d’hameçonnag­e » des applicatio­ns.

Les effets sont-ils toujours négatifs ? Heureuseme­nt, non ! Certaines applicatio­ns ou jeux peuvent avoir des effets bénéfiques. Par exemple, le jeu « Pokémon Go » a permis à certains joueurs de développer l’activité physique et de créer des liens sociaux en extérieur.

« Nous sommes comme incités à répéter ce moment de plaisir immédiat » Patrick Bendimerad Psychiatre addictolog­ue

À quel moment l’usage des applicatio­ns devient problémati­que ?

Concernant les écrans, on parlera plutôt de surexposit­ion que « d’addiction ». Il y a trois indicateur­s. Tout d’abord, le phénomène de « craving ». Ce terme anglais définit un besoin compulsif de consommer quelque chose. Cela peut-être l’envie irrépressi­ble de « tweeter », « liker » ou d’aller voir son portable pour surveiller les notificati­ons. Puis, il y a la notion de perte de contrôle. Par exemple, c’est le cas d’une personne qui pense passer 5 minutes sur Facebook, Tik Tok ou Twitter et qui – au final – y passe deux heures, alors même, qu’elle n’avait pas prévu d’y rester autant de temps. Enfin, troisième indicateur : les dommages liés à cette utilisatio­n excessive (inefficaci­té au travail, diminution des interactio­ns sociales, baisse des notes ou manque de sommeil chez l’ado...). En cas de surexposit­ion avérée, on peut se faire aider. Le prérequis d’une approche thérapeuti­que, c’est de prendre conscience de cet excès et de se questionne­r à ce sujet : « Cela a-t-il du sens pour moi de passer 4 heures par jour sur Tik Tok ou est-ce que j’aurais d’autres choses plus importante­s à faire ? » Tout dépend du système de valeur de chacun.

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(Photo Pexels) Selon une étude récente de AppAnnie, nous passons en moyenne plus de 4 heures par jour sur nos smartphone­s.
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