Monaco-Matin

Véronique Ovaldé « J’AIME ALLER AU-DELÀ DU VISIBLE »

Quatre ans après Personne n’a peur des gens qui sourient, cette auteure, qui sera à Brignoles ce vendredi et à Toulon ce samedi, nous livre son onzième roman, Fille en colère sur un banc de pierre, paru chez Flammarion. Vibrant.

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De son écriture limpide, aux phrases courtes, qui s’étirent ensuite sur plusieurs paragraphe­s, « la reine du mot juste » nous transporte une fois de plus dans un lieu inventé, magique, Iazza. Avec cette légèreté de ton qu’elle insuffle à ses histoires tragiques, cruelles, Véronique Ovaldé a tricoté Fille en colère sur un banc de pierre telle une dentelle colorée, imprégnée de parfums de la Méditerran­ée.

Atmosphère­s vénéneuses

Un récit qui s’inscrit dans la continuité du précédent : « La dernière scène de Personne n’a peur des gens qui sourient, rappelle Véronique Ovaldé, se déroulait en Corse, dans un village écrasé de chaleur, avec une héroïne très isolée. Le début de ce nouveau roman rejoint la fin de l’autre. On retrouve le système insulaire, caractéris­é par ces atmosphère­s à la fois vénéneuses et ce côté protecteur, quelque chose qui vous capture. » Une image lui est d’abord venue : « J’ai vu cette enfant, Aïda, faire le mur, et j’ai senti autour d’elle l’odeur des plantes du maquis, de la poussière, du gasoil et de la mer au loin. Tout était là. Dès le début, il y a eu ces deux petites filles, elle et Mimi, qui s’affranchis­sent, et les deux autres soeurs qui ne le font pas. Comme un préambule de conte. J’avais déjà parlé de la famille mais pas de manière aussi précise. Ce roman ausculte, au plus près, les relations que nous entretenon­s les uns avec les autres, les incessants accommodem­ents qu’il nous faut déployer, en particulie­r au sein d’une sororie, le terme féminin équivalent à celui de fratrie. »

Débuté en 2019, à la mort du père de l’auteure, Fille en colère sur un banc de pierre n’évoque pour autant rien de personnel. De façon directe, en tout cas, car cela est malgré tout prégnant dans ce roman : « Il y a beaucoup d’imaginaire dans mes livres, de pieds de nez au réel, de burlesque et de drame. Mais, en l’occurrence, il est clair que j’avais deux-trois choses à régler avec la mort du patriarche. D’où le fait que le récit débute par l’annonce de la disparitio­n de Salvatore. Ce père qui est à la fois un être misérable, dévasté, au coeur asséché, pathétique et terrifiant. C’est une figure ogresque, face aux petites filles et à la mère, un peu falote. » Un ogre qui ne réussit jamais

« Que l’on soit la préférée ou celle qui ne l’a pas été, c’est tout aussi douloureux »

à ébranler, cependant, ce qu’est cette dernière, une femme pétrie de toutes sortes de croyances. « Un rapport au magique qui la console », dit Véronique Ovaldé. Qui fait elle-même un pas de côté par rapport au réel avec Iazza, cette île créée de toutes pièces : « Cela me plaît depuis toujours : rendre totalement vraisembla­ble quelque chose qui ne l’est pas tout à fait. En revanche, l’histoire des ânes sur le toit est authentiqu­e. J’ai vu un documentai­re sur un événement de cet ordre en Grèce. Idem pour les yeux de Sainte-Lucie, cette légende liée aux opercules minéralisé­s d’un mollusque. »

Favoritism­e des parents

Un pas de côté par rapport à la réalité qui lui permet, souligne-telle, d’exercer son acuité, d’observer, de manière presque entomologi­que, les passions humaines au sein de microcosme­s.

« J’aime aller au-delà du visible, dans un temps relatif, ce motif est récurrent dans mes livres. Et mettre en scène des personnage­s par rapport à leur culpabilit­é, leur renoncemen­t, leur esquive, leur vengeance, leur lâcheté, toutes ces choses qui nous sont communes. » Quid d’un certain favoritism­e de la part des parents à l’égard de certains de leurs enfants ? « C’est inévitable. Surtout lorsque ce sont des enfants de même sexe et d’âge rapproché. Et lorsqu’il s’agit de filles, on a tendance à les comparer physiqueme­nt. On fait un palmarès, de la plus jolie à la plus ingrate. C’est ce qui fait aussi que devenues adultes, les femmes font preuve de moins d’indulgence entre elles. Et que l’on soit la préférée ou celle qui ne l’a pas été, c’est tout aussi douloureux, car, dans le premier cas, cela nourrit la culpabilit­é et, dans le second, on peut se laisser envahir par l’amertume. » Un piège quoi qu’il en soit, et ce en dépit du fait que chacune des quatre soeurs, Aïda, Gilda, Violetta et Mimi, porte un nom d’héroïne d’opéra. Comme pour former un groupe indissocia­ble. L’équation sera évidemment plus complexe... LAURENCE LUCCHESI llucchesi@nicematin.fr

Rencontre-dédicaces avec Véronique Ovaldé :

> Ce vendredi 27 janvier, à 18 h. Le Bâteau blanc (20, rue de la République), à Brignoles.

> Ce samedi 28 janvier, à 17 h 30, à la librairie Le Carré des mots (4, place à l’Huile), à Toulon.

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 ?? ?? Fille en colère sur un banc de pierre. Véronique Ovaldé. Editions Flammarion. 304 pages. 21 euros.
Fille en colère sur un banc de pierre. Véronique Ovaldé. Editions Flammarion. 304 pages. 21 euros.

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