Nicolas Maury DANS SON ASSIETTE
Le comédien révélé dans Dix pour cent et réalisateur se réinvente chanteur et sort Porcelaine de Limoges, un premier album délicat, bercé de ballades mélancoliques où il raconte ses peines et de pistes plus pétillantes.
D« C’est comme si je chantais des choses de mes origines, de mes désastres amoureux à l’oreille des gens »
ouce et aiguisée. On avait déjà entendu sa jolie voix chantée dans son premier film, Garçon chiffon. Nicolas Maury embrasse tout entier la musique désormais. Ajoutant une corde à son arc. Pourtant cette corde-là, vocale et ultrasensible, est celle qui vibre en lui depuis toujours, avant la mue en acteur.
« Enfant, je fermais la porte de ma chambre et chantais devant le miroir. J’avais cette voix très aiguë, particulière. Il a déjà fallu l’entendre, se dire qu’elle était marrante », explique celui qui a joliment baptisé son premier album Porcelaine de Limoges. « J’ai trouvé intéressant de faire un disque qui ne s’appelle pas Dans ta face ! », sourit le comédien sensible et sensé, révélé par la série Dix pour cent. Il poursuit : « Porcelaine de Limoges sonne comme une oeuvre de musée... Il y a un trajet entre le titre et l’oeuvre. Là, on voit un garçon qui a mis une robe du Moyen Âge, regarde droit dans l’objectif, on lit Porcelaine de Limoges : ça interroge. »
La chanson éponyme apporte quelques pistes. S’y mélangent des images de porcelaine et les souvenirs de jeunesse de l’acteur né à Saint-Yrieix-la-Perche (Haute-Vienne) il y a 42 ans. «La porcelaine est apparemment fragile, délicate, peut-être même un peu bourgeoise, chichiteuse. Alors qu’elle vient du kaolin, une argile blanche qui est très solide et que l’on trouvait dans ma ville de naissance. Comme la porcelaine, je viens de la campagne, j’ai des racines très terriennes, paysannes et je me destine à une vie citadine », détricote, par téléphone, l’artiste, bien dans son assiette.
Ni un fakir ni une diva
Au fil des quatorze morceaux qui composent cet opus, le portrait de Nicolas Maury « dans la lune », « ni un fakir, ni une diva », s’esquisse. « Au départ, je pensais que le chant n’allait pas être un grand événement... Chanter, ça me semblait être interprète, faire le chanteur, jouer un personnage. » Et il y a eu cette rencontre avec sa professeure de chant où il redécouvre ses aigus « contre toute attente, j’avais aggravé inconsciemment ma voix pour le théâtre ! », révèle celui qui écoute aussi bien du Vanessa Paradis que du Sufjan Stevens ou du Françoise Hardy.
Il apprend aussi à se dévoiler. « Chanter, c’est être très à nu. Au cinéma, on joue, on écrit à plusieurs. Avec la musique, il n’y a pas de personnage, c’est comme si je chantais des choses de mes origines, de mes désastres amoureux à l’oreille des gens. »
De son rencard avec un Blouson noir au Tout qui rappelle Christophe, de ses nuits en lâcher prise sur Gentleman au technicolor Ou un baiser, Nicolas Maury parle de tout, sur tous les modes. On l’aime particulièrement Vers les falaises, où il explore les versants mélancoliques de son âme. « Ce sont des états qui m’inspirent. Je parle beaucoup de séparation dans cet album. Chanter le manque et la disparition rassemble et restaure... Ce qui ne m’empêche pas non plus de faire des morceaux légers, pop. Pour la tournée qui va suivre, je ne voulais pas seulement du piano, voix, cordes et choses qui font pleurer. Je voulais aussi me frotter à des choses un peu plus ‘‘up tempo’’, plus dansantes. »
Né du confinement
Porcelaine de Limoges a été sculpté avec la complicité d’Olivier Marguerit, alias « O », qui avait composé Garçon velours pour son film. « En octobre 2020, mon film Garçon chiffon se voyait empêché de vivre sa vie en salles... J’ai alors eu l’idée de faire un album de chansons composées par Olivier. Une relation allait s’inventer. Lui, le bâtisseur poétique et généreux des chansons, et moi, celui qui les écrit parfois, celui qui les vit et celui qui les dresse et les donne. » Parmi les bonnes fées qui se sont penchées sur la Porcelaine de Limoges, il y a encore la femme d’Olivier Marguerit, Shanti Masud – « elle s’est amusée à m’écrire des textes haute couture. Elle aimait bien fantasmer sur des mots ou des histoires qu’elle m’avait entendu dire » .Ily a aussi la chanteuse Keren Ann. « Pour mon timbre et les notes que je pousse, elle avait écrit six chansons, juste en me voyant à la télé ! Elle a voulu me faire écouter. Je n’en ai mis qu’une sur l’album mais elles sont magnifiques et dans un prochain disque, il y en aura davantage... »