Monaco-Matin

Colette NÉEILYA 150 ANS

De Toulon à Monaco, le parcours de l’écrivaine née le 28 janvier 1873.

- ANDRÉ PEYREGNE magazine@nicematin.fr

Je suis née dans Balzac, disait joliment Colette. » Voilà pour sa naissance littéraire. Mais pour ce qui est de sa naissance officielle, elle eut lieu à Saint-Sauveuren-Puisaye dans l’Yonne le 28 janvier 1873, il y a cent cinquante ans. Cette enchantere­sse de la langue française a beaucoup fréquenté nos rivages.

Il y avait une raison à cela : son père, Jules Colette, était né à Toulon en 1829, dans le quartier du Mourillon, 26 boulevard EugènePell­etan. Elle décrit avec tant de tendresse, dans ses récits, ce père amputé d’une jambe lors de la campagne d’Italie sous Napoléon III !

Au Grand Hôtel de Toulon

Sidonie-Gabrielle Colette, dite Colette, revint à Toulon dans les premières années du XXe siècle avec son dandy de mari, Henry Gauthier-Villars dit Willy, qui s’est approprié les romans de la série « Claudine » écrits par son épouse. Ensemble, ils descendire­nt au Grand Hôtel, place de la Liberté. Colette était non seulement écrivaine mais aussi comédienne. C’est en tant que telle qu’elle revint sur la Côte – Monaco, Nice, Saint-Raphaël, Brignoles, Toulon – après avoir divorcé de Willy en 1905. Elle joue dans une pièce intitulée La Chair dans laquelle elle exhibe sa poitrine. Chocking ! Le préfet des Alpes-Maritimes, André de Joly, déclare que « les seins nus sont une atteinte à la moralité publique » et lui demande de se rhabiller.

Une maison à Saint-Tropez

Son père, Jules Colette, était né à Toulon en 1829, dans le quartier du Mourillon

En 1925, la voilà à Cap-d’Ail. C’est là, à l’hôtel Eden, qu’elle rencontre Maurice Goudeket, courtier en diamant qui, âgé de vingt ans de moins qu’elle, deviendra son nouveau mari. Ensemble, ils découvrent Saint-Tropez où ils achètent en 1926 la maison La Treille Muscate.

« Cette maison, je l’ai trouvée au bord d’une route que craignent les automobile­s et derrière la plus banale grille – mais cette grille, les lauriers roses l’étouffent, empressés à tendre au passant, entre les barreaux, des bouquets poudrés de poussière provençale aussi blanche que la farine, plus fine qu’un pollen… »

Colette et Saint-Tropez : une vraie histoire d’amour ! L’écrivaine deviendra l’égérie du port varois, écrira des textes mémorables comme La Naissance du jour, deviendra l’amie des peintres – dont André Dunoyer de Ségonzac – attirera des personnali­tés de la capitale. En 1932, elle installe sur le port un magasin de produits de beauté. Elle maquille ellemême les élégantes… Mais fait faillite l’année suivante.

En 1934, escapade à Hyères chez son amie la comédienne Simone Berriau qui a prêté son domaine de Mauvanne à Max Ophüls pour tourner son film Divine. Simone Berriau joue la « divine » et Colette est la scénariste du film. Mais voilà qu’en 1939, Colette ne supporte plus d’être arrêtée par les importuns partout dans SaintTrope­z.

Elle vend La Treille muscate à l’acteur Charles Vanel. Arrive la guerre. Tandis que le monde se déchire, Colette se cloître dans son appartemen­t du Palais Royal à Paris.

L’Hôtel de Paris à Monaco

Lorsqu’en 1945 revient, après le cataclysme, l’espoir des jours heureux, Colette a à nouveau soif de Midi. Les Polignac l’accueillen­t à Grasse dans leur propriété Les Aspres. Cette grande famille noble est celle de Pierre Polignac, le père de Rainier III, lequel est monté sur le trône princier le 9 mai 1949. Monaco va être une nouvelle destinatio­n pour Colette. Elle décrit joliment la Principaut­é comme «un pays dont les frontières sont des fleurs ». Elle connaissai­t déjà Monaco pour avoir écrit, en 1926, le livret de l’opéra L’Enfant et les Sortilèges, composé par Ravel, réalisé avec le concours de Ballets russes de Diaghilev, et créé à l’opéra de Monte-Carlo. Souffrant d’arthrite, Colette voyage en avion. À Nice, une délégation du conseil municipal l’accueille à l’aéroport avec, à sa tête, le maire Jean Médecin.

À Monaco, elle s’installe à l’Hôtel de Paris où elle va revenir plusieurs hivers. Cette fois-ci, elle ne peut plus marcher. Elle se déplace en fauteuil roulant. Elle sait qu’on veut monter aux États-Unis une adaptation de son roman Gigi. Or, un matin, dans le hall de l’Hôtel de

Paris alors qu’on tournait un film, son regard tombe sur une jeune femme à la silhouette fine, souple, à l’oeil scintillan­t. Elle s’exclame : « C’est Gigi ! » La jeune comédienne s’appelait Audrey Hepburn.

Julien Green, Jean Cocteau, Francis Carco se succèdent pour rendre visite à Colette.

En 1953, elle a 80 ans. Elle effectuera sa dernière visite à Monaco. Et sa dernière visite sur la Côte d’Azur. Elle est morte le 3 août 1954 à Paris.

« Il n’y a pas de peine irrémédiab­le, sauf la mort », disait-elle dans La Retraite sentimenta­le…

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Claudine, l’un des grands succès de Colette que s’appropria son mari Willy.
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(Photos DR) Colette, l’amie des chats.
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Colette à Saint-Tropez.
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Colette en 1910.

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