« Tous les arbres ne sont pas bons pour la qualité de l’air »
Chaque ville interrogée a partagé la liste des essences qu’elle privilégie. Pour analyser leurs réponses, nous avons sollicité l’expertise de Pierre Sicard, chercheur chez Argans à Sophia Antipolis. Pierre Sicard travaille sur les « impacts de la pollution de l’air et du changement climatique sur les forêts et sur le rôle de l’arbre sur la qualité de l’air en ville ». Son verdict ?
« De nombreuses municipalités se focalisent sur les essences adaptées au manque d’eau et omettent que le changement climatique et la pollution de l’air sont étroitement liés. Pour atténuer efficacement les effets du changement climatique, et s’y adapter, il faut prendre en compte ces deux volets. Planter un arbre, c’est agir sur les deux leviers à la fois, car l’arbre rafraîchit le climat à l’échelle locale lors de fortes chaleurs (par l’ombre et l’évapotranspiration qu’il produit), et il réduit la pollution de l’air et les gaz à effet de serre (CO2 et O3). »
Ce sont d’ailleurs ces deux fonctionnalités qu’il faut prendre en compte pour planter efficacement en milieu urbain. La végétalisation des villes peut accentuer certains phénomènes si elle est mal maîtrisée.
Face aux multiplications de promesses de plantations, vous tiriez la sonnette d’alarme dès 2018…
Oui, car tous les arbres sont bons pour l’homme, mais certaines essences ne sont pas bonnes pour la qualité de l’air. L’eucalyptus, par exemple, produit 130 grammes d’ozone par jour. C’est pareil pour le platane, qui peut émettre des composés organiques volatils nocifs pour la qualité de l’air.
À Madrid, ce sont des problèmes de santé qui ont révélé le problème...
En novembre 2019, nous avons établi, avec une équipe de chercheurs avec laquelle je travaille, qu’en périphérie de Madrid, la qualité de l’air était dégradée en raison de la plantation des mauvaises espèces.
On s’en est rendu compte car le nombre de crises d’asthme chez les enfants avait augmenté parallèlement à une augmentation significative de l’ozone.
Quelles essences privilégier ?
En vue de l’augmentation des températures, il faudrait prendre des espèces subtropicales, peu gourmandes en eau. Par exemple, vous avez le ginkgo biloba, le tipuana tipu... Ce sont des espèces similaires à celles présentes à Valence, en Espagne, ville avec laquelle je travaille et qui possède un climat similaire à celui qui attend la Côte d’Azur.
Les particuliers ont aussi leur rôle à jouer ?
85 % des plantations relèvent du domaine privé. Communiquer auprès du grand public sur les essences à privilégier est donc d’autant
plus important. Quelles essences recommander aux citoyens ? Je pense qu’un petit guide sur la question serait pertinent et j’aimerais prochainement en publier un… même s’il sera difficile de trouver des plantes qui satisfassent tout le monde à 100 %.