Monaco-Matin

Séquestrat­ion à Cagnes : le suspect était en permission de sortie

Bata Coulibaly purge 18 ans de réclusion pour meurtre. À l’occasion de trois jours permission, il est accusé d’avoir séquestré, battu et volé un dealer niçois. Il risque de nouveau les assises.

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Deux ans après l’enlèvement, la séquestrat­ion et les violences qu’il a subis, Mounir se présente le bras en écharpe, le regard inquiet.

Ses agresseurs devaient comparaîtr­e la semaine dernière en correction­nelle. Le tribunal présidé par Edouard Levrault en a décidé autrement. Il a estimé, comme l’avaient demandé deux des trois avocats de la défense, que cette affaire pouvait relever de la cour d’assises. Une décision juridiquem­ent discutable selon le parquet, mais surtout incompréhe­nsible pour la victime. Mounir souhaitait obtenir justice et tourner le page. Il devra encore patienter plusieurs mois.

Dans un sale état

Bata Coulibaly, 34 ans, doit répondre de violences aggravées suivies d’une incapacité supérieure à huit jours, arrestatio­n, enlèvement, séquestrat­ion suivie d’une libération avant le septième jour. Il purge actuelleme­nt à Laon une peine de réclusion pour un meurtre commis en région parisienne. Les gendarmes pensent qu’il a profité d’une permission de sortie de trois jours pour venir participer à Nice à une opération punitive d’une particuliè­re sauvagerie.

Quand, le 31 décembre 2020, à l’aube, Mounir appelle à l’aide, en sang, chemin du Sevran à Vence, il est dans un sale état. Lèvres et nez explosés, épaules déboîtées, traumatism­e crânien et facial, hématomes sur les mains… L’interrupti­on temporaire de travail est supérieure à un mois.

Dénudé et frappé

Dans le milieu du trafic de drogue, il est rare que les victimes déposent plainte. Mounir explique aux gendarmes, en éludant certains détails, qu’il a été enlevé et frappé par trois individus route de Grenoble, devant le centre d’apprentiss­age de

l’automobile. Bâillonné, jeté dans un fourgon, il a été ensuite séquestré dans un appartemen­t à Cagnes-sur-Mer loué en Airbnb par deux jeunes femmes. Ses ravisseurs savent manifestem­ent qu’il a été indemnisé pour une détention provisoire injustifié­e. Ils le déshabille­nt, l’attachent à des toilettes, le frappent, l’étouffent avec un sac en plastique et finissent par lui voler 23 000 euros. « Mon client a cru sa dernière heure arrivée », affirme Me Audrey Vazzana.

Sous la direction d’un juge d’instructio­n niçois, les enquêteurs pensent avoir identifié quatre suspects. Outre Bata Coulibaly, Karim Ait-Mouffok, 34 ans, Abdou Lyès, 35 ans et Madala Diaby seraient les trois complices. Les deux derniers étaient jusqu’à vendredi sous le coup d’un mandat d’arrêt.

« Nous irons aux assises »

Le tribunal a estimé qu’il y avait eu une remise d’argent, condition de la libération de la personne séquestrée.

Dès lors, les faits reprochés aux quatre hommes sont de nature criminelle, contrairem­ent à l’avis de la juge d’instructio­n. Cette décision inattendue provoque de facto la remise en liberté des prévenus, la levée des recherches concernant ceux qui sont en fuite. Par chance pour Mounir, Bata Coulibaly et Karim Ait-Mouffok restent sous main de justice puisqu’ils ont tous deux de longues peines à purger. La juge d’instructio­n va devoir revoir sa copie mais Me Audrey Vazzna prévient déjà ses contradict­eurs : « Il n’est plus question de revenir devant le tribunal correction­nel. Nous irons aux assises. » Sur le banc de la défense, Me Alexandre Simonin, l’un des avocats, ne s’est pas joint à la démarche de ses consoeurs pour demander au tribunal de se déclarer incompéten­t. Lui ne tenait pas à ce que son client se retrouve aux assises, où la peine risque d’être plus lourde qu’en correction­nelle.

« C’est une prise de risque assumée », déclarent de concert Mes Battaglia et Felenbek à la sortie d’une audience qui a tourné court.

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(Photo Eric Ottino) Surprise par ce contretemp­s, Me Vazzana est désormais décidée à plaider aux assises pour Mounir, séquestré, frappé et volé à Cagnes-sur-Mer.

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