Séquestration à Cagnes : le suspect était en permission de sortie
Bata Coulibaly purge 18 ans de réclusion pour meurtre. À l’occasion de trois jours permission, il est accusé d’avoir séquestré, battu et volé un dealer niçois. Il risque de nouveau les assises.
Deux ans après l’enlèvement, la séquestration et les violences qu’il a subis, Mounir se présente le bras en écharpe, le regard inquiet.
Ses agresseurs devaient comparaître la semaine dernière en correctionnelle. Le tribunal présidé par Edouard Levrault en a décidé autrement. Il a estimé, comme l’avaient demandé deux des trois avocats de la défense, que cette affaire pouvait relever de la cour d’assises. Une décision juridiquement discutable selon le parquet, mais surtout incompréhensible pour la victime. Mounir souhaitait obtenir justice et tourner le page. Il devra encore patienter plusieurs mois.
Dans un sale état
Bata Coulibaly, 34 ans, doit répondre de violences aggravées suivies d’une incapacité supérieure à huit jours, arrestation, enlèvement, séquestration suivie d’une libération avant le septième jour. Il purge actuellement à Laon une peine de réclusion pour un meurtre commis en région parisienne. Les gendarmes pensent qu’il a profité d’une permission de sortie de trois jours pour venir participer à Nice à une opération punitive d’une particulière sauvagerie.
Quand, le 31 décembre 2020, à l’aube, Mounir appelle à l’aide, en sang, chemin du Sevran à Vence, il est dans un sale état. Lèvres et nez explosés, épaules déboîtées, traumatisme crânien et facial, hématomes sur les mains… L’interruption temporaire de travail est supérieure à un mois.
Dénudé et frappé
Dans le milieu du trafic de drogue, il est rare que les victimes déposent plainte. Mounir explique aux gendarmes, en éludant certains détails, qu’il a été enlevé et frappé par trois individus route de Grenoble, devant le centre d’apprentissage de
l’automobile. Bâillonné, jeté dans un fourgon, il a été ensuite séquestré dans un appartement à Cagnes-sur-Mer loué en Airbnb par deux jeunes femmes. Ses ravisseurs savent manifestement qu’il a été indemnisé pour une détention provisoire injustifiée. Ils le déshabillent, l’attachent à des toilettes, le frappent, l’étouffent avec un sac en plastique et finissent par lui voler 23 000 euros. « Mon client a cru sa dernière heure arrivée », affirme Me Audrey Vazzana.
Sous la direction d’un juge d’instruction niçois, les enquêteurs pensent avoir identifié quatre suspects. Outre Bata Coulibaly, Karim Ait-Mouffok, 34 ans, Abdou Lyès, 35 ans et Madala Diaby seraient les trois complices. Les deux derniers étaient jusqu’à vendredi sous le coup d’un mandat d’arrêt.
« Nous irons aux assises »
Le tribunal a estimé qu’il y avait eu une remise d’argent, condition de la libération de la personne séquestrée.
Dès lors, les faits reprochés aux quatre hommes sont de nature criminelle, contrairement à l’avis de la juge d’instruction. Cette décision inattendue provoque de facto la remise en liberté des prévenus, la levée des recherches concernant ceux qui sont en fuite. Par chance pour Mounir, Bata Coulibaly et Karim Ait-Mouffok restent sous main de justice puisqu’ils ont tous deux de longues peines à purger. La juge d’instruction va devoir revoir sa copie mais Me Audrey Vazzna prévient déjà ses contradicteurs : « Il n’est plus question de revenir devant le tribunal correctionnel. Nous irons aux assises. » Sur le banc de la défense, Me Alexandre Simonin, l’un des avocats, ne s’est pas joint à la démarche de ses consoeurs pour demander au tribunal de se déclarer incompétent. Lui ne tenait pas à ce que son client se retrouve aux assises, où la peine risque d’être plus lourde qu’en correctionnelle.
« C’est une prise de risque assumée », déclarent de concert Mes Battaglia et Felenbek à la sortie d’une audience qui a tourné court.