Assises : Ali a tutoyé la mort
Il y a une étonnante forme de détachement chez Ali Bettaieb, 41 ans. Est-ce l’effet de son traitement psychiatrique ? L’homme est peu loquace. Il se présente aux assises sans le moindre esprit de vengeance. Il aurait pu mourir cette nuit d’été 2015, rue Charles-Nègre à Grasse. Il venait de s’embrouiller avec ses voisins. Il avait trop bu. Eux faisaient trop de bruit. Une Smart s’est arrêtée à sa hauteur vers 4 heures du matin. Adrien Longo, le passager, venait d’être roué de coups devant un club de billard. Il a perdu connaissance. Il avait le crâne encore ensanglanté. Il cherchait son agresseur, un certain « Amor » pour, ditil, « lui faire peur ». Il a apostrophé Ali, qui s’est approché. La scène dure une poignée de secondes. Elle reste incompréhensible. Les deux hommes ne se connaissent pas.
Adrien Longo, ouvrier grassois, père de famille sans histoire, panique, détourne le regard et fait feu. Une première balle de petit calibre traverse le thorax sans toucher le moindre organe vital. Une autre atteint le mollet.
Une descente de « cent étages »
Ali s’effondre sur la chaussée. « Je suis monté, je suis redescendu. Je suis descendu de cent étages. Dans ma tête, je suis mort », décrit-il à l’expert psychologue qui évoque une « E.M.I. », « une expérience de mort imminente ».
Hier soir, Me Christine Ladret, avocate
de la partie civile, a plaidé pour «un miraculé ». Son client est venu plus de 7 ans après les faits en quête d’explications. Il reste sur sa faim.
« Lui, en tout cas, n’a pas cherché à monter une expédition punitive. Il s’est adressé à la police », remarque l’avocate à l’adresse des deux accusés.
« En aucun cas je ne voulais tuer quelqu’un »
Les explications « rocambolesques » d’Adrien Longo n’ont pas convaincu Me Ladret. « Le hasard a mal fait les choses. Si Adrien Longo et son cousin se sont rendus dans cette rue Nègre, c’est que le frère d’Amor, qui lui ressemble beaucoup, habite, comme par hasard, au 16 », note l’avocate. « Pourquoi venir avec une arme chargée ? », s’est interrogée à plusieurs reprises la présidente Emmanuelle De Rosa. « Je voulais l’intimider pour qu’il ne m’embête plus, qu’il ne nous agresse plus, moi et ma femme. Je voulais faire peur mais au final c’est moi qui ai eu peur... En aucun cas, je ne voulais tuer quelqu’un », affirme Adrien Longo. Trois semaines après les coups de feu, la brigade criminelle de la police judiciaire niçoise interpellait les suspects et récupérait la voiture cachée à Saint-Cézaire. L’arme, un petit pistolet, aurait été jetée dans un lac.
Ce matin, l’avocate générale développera ses réquisitions pour sanctionner les deux accusés jugés l’un pour tentative d’assassinat, l’autre pour complicité. Les avocats de la défense ont d’ores et déjà affiché leur stratégie. Mes Franck et Alexandre De Vita plaideront l’acquittement d’Antonin pour ce cousin réveillé en pleine nuit et embarqué, par solidarité familiale, dans une folle équipée. Me Alexis Gublin, conseil d’Adrien Longo, ne se berce pas d’illusions. Il sait que son client sera condamné. Le pénaliste parisien cherchera avant tout à démontrer qu’il n’y a pas eu d’intention meurtrière.
Libre après 17 mois de détention, ouvrier modèle et papa poule, Adrien Longo a repris le cours paisible de sa vie. À la Cour et aux jurés de décider, après deux jours et demi de débats, s’il doit repartir en détention.