M. Night Shyamalan « HOLLYWOOD NE SE PARLE QU’À LUI-MÊME »
Lorsque la fin du monde frappe à la porte d’une cabane isolée, cela donne Knock At The Cabin, la nouvelle livraison horrifique et psychologique de l’auteur de
Knock At The Cabin The Cabin At The End Of The World de Paul G. Tremblay. Adapter ce bouquin était une évidence ?
roman est tiré du
Le film est venu à moi avant le roman. Les ayants droit m’ont en effet contacté dans l’espoir que je les aide à produire le film. J’ai donc lu le scénario mais autant je trouvais la matière excellente, autant l’histoire n’allait pas selon moi dans le bon sens et j’ai donc décliné leur proposition. Or, ils m’ont rappelé en me disant qu’ils étaient d’accord avec mes idées. C’est à ce moment que je me suis proposé d’être également le réalisateur. Le seul obstacle est que j’avais trois autres films personnels en tête, mais je sais depuis Split, que je peux ressortir de mes tiroirs des idées vieilles de près de vingt ans. Elles n’ont pas de date d’expiration ! J’ai donc mis ces projets-là en stand-by.
À l’image de nombre de vos films, Knock At The Cabin réserve un rebondissement final qui ne manquera pas de surprendre les spectateurs. Ces
twists sont-ils le point de départ de votre écriture ?
Par nature, je suis attiré par le mystère, et j’aime le ‘‘trafiquer’’ ! Qu’il s’agisse d’un thriller, d’un film surnaturel ou d’horreur, le film de genre s’appuie sur cette notion, en insistant sur des éléments spécifiques. Mon envie est que le mystère soit une réponse à la vie que nous menons. C’est pourquoi mes personnages vont réaliser à un instant T du film ce qu’il se passe réellement, en remettant en cause ce qu’ils pensaient depuis le début. Dans Knock At The Cabin, les deux maris ont des points de vue différents. L’un d’eux a une vision cynique, il persiste à dire que toutes les catastrophes qu’on lui montre à la télé ne sont pas réelles. Il s’agit d’un trait de la psychologie de ce personnage, mais c’est aussi propre à l’histoire que je raconte et donc au mystère qui s’épaissit au fil des minutes.
Vous évoquez également l’ère de la post-vérité et de la confiance que l’on peut placer en l’autre ou dans les informations que nous recevons de la part des médias…
Dans les grands films, chaque scène n’est qu’une variation de la même conversation. Si je prends pour exemple La Dernière Séance de Peter Bogdanovich (1971), il est constamment question d’une petite ville où les habitants rêvent de s’échapper. Ainsi, la question centrale de Knock At The Cabin est ‘‘peut-on faire confiance et croire en l’autre ?’’ Dès la première scène, un géant, interprété par le catcheur Dave Bautista s’approche d’une petite fille. Elle est terrifiée mais son instinct lui indique de croire en lui et elle entame la conversation. Logiquement, le public a peur pour elle. Par la suite, on se demande si chacun des époux croit en l’autre, s’ils croient ce que ces étrangers racontent et s’ils croient en notre société.
Sorti en 2015, a marqué votre retour à des films plus intimistes, comme vous les affectionniez à vos débuts. Une forme où vous vous sentez plus libre, artistiquement parlant ?
The Visit
L’art et le commerce entretiennent une relation complexe, mais elle est assurément dysfonctionnelle à Hollywood. À l’heure actuelle, Hollywood ne se parle qu’à luimême. Les décideurs enlèvent tout supplément d’âme. C’est devenu mécanique et ils ne font pas confiance à l’intelligence du public. Or, si l’on revient en 19992000, l’année de Sixième sens on a eu également Le Projet Blair Witch, Dans la peau de John Malkovich, American Beauty, Magnolia, Révélations… Tous des classiques ! L’approche, différente, consistait à engager les meilleurs storytellers. Aujourd’hui, la seule manière de retrouver cet esprit créatif est de quitter le système et de faire des plus petits films en prenant en revanche de gros risques. Je n’ai plus à me demander si mon idée va plaire à des dirigeants, s’ils vont accepter d’avoir un couple gay au centre de l’intrigue, un catcheur dans l’un des rôles principaux, ni à me justifier sur ce que le film devrait être… Il suffit alors d’avoir confiance en soi et d’avoir le désir d’amener les gens dans les salles de cinéma, qu’ils soient connectés à ce que je raconte. Telle est donc ma méthode pour rester en bonne santé au sein d’une industrie malade.
« Par nature, je suis attiré par le mystère, et j’aime le ‘’trafiquer’’ ! »
Vous pensez donc qu’Hollywood n’aurait pas osé montrer comme personnages principaux un couple gay, parents adoptifs d’une petite fille d’origine asiatique ? Un geste politique fort…
Ils le feraient oui, mais pour de mauvaises raisons, en déclarant voilà ce qui est bien, voilà ce qui est mal. Or, je ne suis pas dans cette optique. Je filme juste une famille et une histoire d’amour. Sans double lecture. C’est la raison pour laquelle au bout d’un moment, on ne réfléchit plus à ‘‘cette famille est bâtie sur un schéma traditionnel ou non’’. Et c’est fantastique.