Le Pêcheur de la pointe PREND LA MER À SAINT-TROPEZ
France 3 Provence-Alpes-Côte-d’Azur propose ce jeudi soir un documentaire autour des derniers pêcheurs de SaintTropez. Une histoire de vie autour de trois générations.
C’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme », aimait chanter Renaud dans Dès que le vent soufflera. Forcément, ce refrain trouve un écho particulier à la sortie du documentaire Le Pêcheur de la pointe de Sérine Lortat-Jacob diffusé ce jeudi soir sur France 3 Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Le point de départ, c’est André et Pascal Raggio, pêcheurs depuis huit générations. André, dit Dédé, est le père de Pascal. Ce dernier est à deux ans de la retraite et forme un apprenti : Antoine.
Dans les années soixante, SaintTropez comptait près de quarante pêcheurs, ils ne sont plus que six aujourd’hui. « C’est un peu un métier de fou », concède Dédé, descendant d’une lignée de pêcheurs depuis 1740. Ce film, c’est un peu son histoire. Sa vie. La vie des pêcheurs à Saint-Tropez, dans le quartier de la Pointe qui, à une époque, comptait plus d’une centaine de bateaux de pêche. Face aux yachts de luxe, la barque de Pascal et Antoine semble sortie d’un autre temps, d’une autre époque.
Dédé, lui, ressasse ses souvenirs, parle de sa passion pour la pêche, la navigation et pour la mer. Par opposition, il ne peut que constater, avec son accent chantant, la modernisation de la mer : « C’est l’horreur ces bateaux de plaisance, ils ne regardent pas où ils vont », lance-t-il, désabusé. André a toujours vécu face à la mer. La pêche, c’est son quotidien. Sa vie. Son passé. Son héritage.
« La pêche ça m’attire. La mer ça m’attire »
« Il y a beaucoup moins de poissons qu’avant. (...) C’est un métier, pêcheur, où il faut être observateur, se rappeler des endroits, des signaux, des saisons », poursuit-il. À la fois empirique et artisanal, Dédé est un pêcheur comme on en fait plus. Une espèce en voie de disparition. « C’est un métier où il ne faut pas trop parler sinon on va te piquer l’endroit. »
En mer, Pascal et Antoine sillonnent le golfe de SaintTropez. Également employé sur un bateau de plaisance, Antoine ne prendra finalement pas la succession de Pascal : « C’est un métier de secrets, de transmission, c’était ça aussi le rôle des anciens. Je voulais donner ces secrets, les transmettre à Antoine, qui aurait pu être le dernier pêcheur qui travaille à l’ancienne et je me rends compte que ça sera moi le dernier », lance Pascal, attristé.
À travers ses trois portraits intimistes, tous liés, on se rend compte de l’évolution d’un métier ancestral mais également de sa disparition, petit à petit, du paysage de Saint-Tropez. « J’ai appris le métier de la pêche avec mon père, lance Pascal, qui l’avait appris avec son père, qui l’avait appris avec son père, qui l’avait appris avec son père, etc. Ça me fait du bien de l’expliquer à Antoine au final. »
Plus nostalgique, Dédé rembobine sa vie en regardant des photos de son père. « J’ai commencé à être mécanicien mais ça me plaisait tellement d’aller en mer avec mon père que je me suis lancé. Je suis à la retraite mais c’est plus fort que moi, je ne peux pas m’empêcher de voir Pascal à son retour de pêche, voir ce qu’il a ramené. La pêche ça m’attire. La mer ça m’attire. »
« Tout a changé »
Face aux photos en noir et blanc du quartier de la pointe de SaintTropez, Dédé mesure l’usure du temps. « Tout a changé, il n’y en a plus de pêcheurs aujourd’hui ». Devant les clichés de son père à un retour de pêche, Dédé rigole : « Pieds nus, pantalon retroussé pour ne pas trop se mouiller, à l’époque on disait que la chaleur du corps réchauffait les habits car on n’avait ni ciré, ni bottes ! »
Un film poignant, qui parle d’un métier traditionnel (avec un clin d’oeil à la fête de la Saint-Pierre) et qui n’oublie pas de poser les questions de son avenir, à travers le prisme d’Antoine qui s’est finalement rabattu sur un bateau de plaisance à Saint-Tropez, car vivre de sa passion de la pêche est impossible depuis la réforme de 2021… « Je ne peux pas vivre de la pêche en tant que simple matelot alors que j’y arrive sur un bateau de plaisance. »
« Je suis à la retraite mais c’est plus fort que moi, je ne peux pas m’empêcher de voir Pascal à son retour de pêche, voir ce qu’il a ramené »