Monaco-Matin

Le péril jeune

- De LIONEL PAOLI Reporter politique edito@nicematin.fr

Sur le papier, la mobilisati­on des jeunes contre la réforme des retraites pourrait prêter à sourire. À 20 ans, lorsqu’on n’a pas encore mis un orteil dans le monde du travail, faut-il s’inquiéter de la date du pot de départ ? Les réseaux sociaux bruissent de commentair­es acerbes sur cette jeunesse

« fatiguée avant d’avoir commencé à bosser ».

On aurait tort de se borner à cette analyse grossière. La présence de nos enfants dans les cortèges révèle le mal-être d’une génération sacrifiée. La Covid les a privés d’une partie des plaisirs de leur âge. Pour leurs aînés, le confinemen­t était une parenthèse dans un quotidien régulé. Mais le plaisir de fêter l’obtention du bac, la découverte « en présentiel » des bancs de la fac, les premières soirées étudiantes, sont des moments qui ne se rattrapent pas.

Les mêmes ont supporté stoïquemen­t l’arbitraire de Parcoursup, système de sélection imbécile qui confie leur avenir à un algorithme obscur. Ils ont vu les aides de l’État diminuer, le prix des aliments augmenter, l’inflation grignoter leur niveau de vie. Concernés au premier chef par la réforme de l’assurance-chômage, ils savent qu’ils seront moins protégés que ne l’ont été leurs parents. Certains se demandent même s’il faut s’en inquiéter, vu l’état de la planète et les catastroph­es annoncées. Une frange non négligeabl­e des moins de 25 ans est convaincue qu’elle ne profitera jamais d’une quelconque retraite. Tout cela aboutit à ce que les sociologue­s qualifient de « pessimisme social extrêmemen­t fort ». Or, on sait depuis Daniel Balavoine que le désespoir est mobilisate­ur – et qu’en tant que tel, il peut être dangereux C’est pourquoi le gouverneme­nt surveille attentivem­ent les flambées de colère dans les lycées et les université­s. Il est urgent de prendre la mesure de cette angoisse qui étreint notre jeunesse. Et d’y répondre en conscience. Le vrai « péril », ici, naîtrait de notre indifféren­ce ou de notre égoïsme.

« Il est urgent de prendre la mesure de cette angoisse qui étreint la jeunesse. »

1. Notamment Olivier Galland, directeur de recherche au CNRS.

2. Le 19 mars 1980, sur le plateau du journal télévisé d’Antenne 2, Daniel Balavoine avait apostrophé François Mitterrand : « Ce que je peux vous dire, c’est que le désespoir est mobilisate­ur, et que lorsqu’il devient mobilisate­ur, il est dangereux. »

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