Monaco-Matin

Clément Bénech DON QUICHOTTE EN AUVERGNE

Son cinquième roman, Un vrai dépaysemen­t, nous mène sur les talons de Romain d’Astéries, un jeune enseignant idéaliste, décidé à rompre avec son milieu bourgeois en partant loin, très loin. Lui qui rêvait de Guyane atterrira... dans un collège du Massif c

- JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr

Auteur précoce, repéré une première fois en 2013 avec L’été slovène, Clément Bénech a aujourd’hui 31 ans. Après s’être un temps imaginé devenir journalist­e, il a préféré se tourner vers le monde des Lettres, même s’il signe des chroniques dans plusieurs revues et pour le quotidien Libération.

Dans Un vrai dépaysemen­t, il imagine un personnage dans lequel on reconnaît certains traits du chevalier à l’esprit flou de Cervantes… et de lui-même.

Qui est ce Romain d’Astéries placé au centre de votre roman ?

C’est quelqu’un qui est plus dans le mot que dans la chose. Le mot qui l’obsède, c’est l’Autre. Mais il n’est pas pour autant capable de voir les autres. Il veut partir de chez lui, ne plus voir sa famille. Il se réfugie dans l’idée de l’autre. Cela fait penser à une phrase de Rousseau : ‘‘Tel philosophe aime les Tartares, pour être dispensé d’aimer ses voisins.’’ Ce qui est sous son nez en Auvergne est différent de lui, mais ça ne l’intéresse pas. Et il va voir une différence chez quelqu’un qui, en réalité, est proche de lui.

Cette personne, c’est une élève au nom roumain à laquelle il porte une considérat­ion maladroite…

Oui, et dans la première version du livre, cette Jeanne Popescu était l’héroïne. Je voulais m’attacher aux sentiments qui touchent une jeune fille née en France, mais qu’on renvoie à ses origines roumaines. Quand j’ai fait lire cette première tentative, j’ai senti des retours mitigés. Je n’avais sans doute pas atteint ce que je voulais vraiment. On me disait aussi que le personnage le plus intéressan­t, c’était le professeur.

Intéressan­t, mais pas très aimable ?

On m’a déjà fait cette remarque. Je pensais quand même que le lecteur, au moins au tout début, pouvait avoir de la sympathie. Parce qu’il a une famille un peu spéciale, il est entouré de gens qui ont une idée bien précise de ce que doit être la vie. Lui rêve d’autre chose. Je peux très bien comprendre cette aspiration à une autre vie. Il est quand même dans un milieu très fermé, il a l’impression d’être entouré d’une forêt de miroirs.

L’Auvergne, c’était le cadre idéal pour ce « dépaysemen­t » de proximité ?

L’Auvergne était un élément central, qui n’a jamais bougé. Je me rapproche un peu de ce que je connais, après avoir dépaysé mes précédents romans, en Allemagne, en Slovénie, puis à New York. J’avais envie d’un endroit plus familier, mais qui ne serait pas non plus le mien. Je connais très bien cette région, mais j’habite Paris.

Romain d’Astéries, lui, est originaire de Bordeaux. J’ai décrit Bordeaux à partir de mes souvenirs. J’y ai passé un peu plus de deux ans, pour mes études. Un peu comme un enfant qui joue avec des figurines, j’ai apprécié le fait de mettre des personnage­s dans un environnem­ent que j’aime.

Ce prof, il vous ressemble ?

Sans doute un peu. J’ai mis pas mal de moi, de mes illusions de jeunesse, avec une autodérisi­on un peu oblique. Comme Romain, je me tenais allongé sur le lit en regardant le plafond, en étant persuadé qu’une grande idée qui allait tout changer pouvait surgir. La réalité est quand même dégrisante. Mais quand on y trouve son parti, elle peut aussi avoir une certaine saveur.

Il n’y a pas tant de marqueurs temporels dans votre texte...

J’avais la volonté de prendre un peu de recul, d’avoir un temps de latence, surtout concernant la vie au collège. L’histoire se passe en 2013, avant les attentats de 2015, la présence encore plus forte du smartphone ou le mouvement Me Too. Le livre parle plus des grands débats pédagogiqu­es des années 1980-1990, qui se sont un peu tus dans les années 20002010, que des nouveaux mouvements, très américains.

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 ?? ?? Un vrai dépaysemen­t Éditions Flammarion. 304 pages. 19,50 euros.
Un vrai dépaysemen­t Éditions Flammarion. 304 pages. 19,50 euros.

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