Monaco-Matin

Franta SOIXANTE ANS DE CRÉATION

Établi à Vence depuis 1958, l’artiste tchèque internatio­nalement reconnu expose jusqu’au 5 avril à la Maison de l’Unesco à Paris, et ouvre son atelier vençois au public à partir du 6 avril.

- LAURENCE LUCCHESI llucchesi@nicematin.fr

Dans son atelier de Vence, il s’active, fébrile, afin d’emballer ses oeuvres sur le point d’être exposées à la Maison de l’Unesco. L’oeil toujours aussi vif, à 93 printemps, Franta déploie une énergie intacte en vue de cette installati­on imminente, « Au nom de qui ? Au nom de quoi ? » présentée jusqu’au 5 avril à Paris, sous le patronage de l’ambassade de la République tchèque.

Exode et oppression

Une collection d’une quarantain­e de peintures et de sculptures sur le thème de l’exode et de l’oppression. Un thème lancinant, traité de manière intemporel­le et universell­e, de Srebrenica au Rwanda, en passant par la Corée du Sud des années 1960. Exilé lui-même de son pays d’origine, cet artiste tchèque désormais français, vit et travaille sur la Côte d’Azur depuis 1958. Où il rêverait d’ailleurs que des responsabl­es culturels lui mettent à dispositio­n un espace d’exposition, à l’instar de la Maison de l’Unesco à Paris ! Né le 16 mars 1930 à Trebíc, Frantisek Mertl a été sensibilis­é, comme il nous l’explique, à ces problémati­ques dès son plus jeune âge : son père quitte le pays en 1939 pour aller combattre les

Graham Greene lui fait découvrir l’oeuvre de Francis Bacon et lui présente Kundera

troupes hitlérienn­es, d’abord en France puis dans l’armée anglaise. Restée seule avec ses deux fils, sa mère sera arrêtée par la Gestapo. Bien plus tard, Frantisek Mertl dit Franta – « Mon nom était imprononça­ble en français… », préciset-il – suivra des études aux BeauxArts à Brno, puis à Prague. Une période dont il ne garde pas un excellent souvenir : « Il fallait célébrer la victoire de la classe ouvrière dans nos oeuvres, c’était zéro d’un point de vue créatif ! La seule chose intéressan­te que j’en ai retirée, c’était les cours d’anatomie. »

Il intègre ensuite l’Accademia delle Belle Arti à Pérouse, en Italie. Rencontre Jacqueline, sa future femme. Et quitte son pays pour celui des Lumières. Direction la Côte d’Azur. Où il montre sa peinture, fait la connaissan­ce de Chagall et de Picasso, avec l’exposition « Peintures-Lumières » à Vallauris en 1963. Autre rencontre essentiell­e : celle avec Graham Greene, qui lui fait découvrir le travail de Francis Bacon et lui présente un autre Tchèque exilé : le célèbre auteur Milan Kundera.

L’oeuvre de Franta, dont la notoriété aurait sans doute été plus considérab­le, estime l’intéressé, « s’il s’était établi à Paris et y avait davantage fréquenté les lieux où il fallait se montrer », porte fondamenta­lement sur la fragilité de l’homme.

« La condition humaine est le tourment majeur de Franta », écrit à son propos Thomas Messer, qui fut directeur du musée Guggenheim de New York de 1981 à 1988. La présence des corps, aussi, est une constante de sa peinture. Elle est la trace d’une humanité perdue mais « s’interrogea­nt elle-même sur la face cachée de la vie », comme l’a souligné son ami Milan Kundera.

Plus de 150 exposition­s personnell­es, dont une trentaine en France, en République tchèque, mais également en Allemagne, Belgique, Japon ou États-Unis ont fait connaître le travail de ce voyageur infatigabl­e.

En cage à Prague

Car sa soif de rencontres et l’attention qu’il porte à l’autre, sa sensation d’avoir longtemps « été en cage à Prague » aussi, du temps du régime communiste, l’ont amené à parcourir différents continents : Afrique, Inde, il ira aussi au Japon, au Mexique, à la recherche des valeurs qui fondent l’être humain. Jusque dans les recoins du Bronx, de Harlem ou de Brooklyn.

Franta peint l’homme, un être de chair et de sang, aux prises avec la terre, son histoire et son semblable. Dans la création qu’il accomplit, Franta continue de délivrer un message d’une tragique actualité.

Travail à découvrir dès le 6 avril dans son atelier de Vence sur rendez-vous (en contactant le

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(Photo Dylan Meiffret) Franta dans son atelier, à Vence.

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