Monaco-Matin

Une histoire d’amour

- DOMINIQUE DE MEYER

Voilà, c’est fini !

Au début des années 70, quand je me suis assis pour la première fois dans le siège (les baquets n’en étaient qu’à leurs balbutieme­nts) d’une voiture de rallye, je n’imaginais pas un seul instant que je serais encore là près de cinq décennies plus tard... J’ai bel et bien traversé un demi-siècle avec cette passion omniprésen­te, obsédante. Le sport automobile m’a apporté énormément de bonheur, mais aussi des chagrins immenses, en voyant des amis proches disparaîtr­e.

J’ai également vécu de cruelles déceptions, en brûlant ou détruisant des autos. Des dégâts dont j’étais parfois le seul responsabl­e, hélas.

Grâce aux rallyes, j’ai découvert des régions magnifique­s, des îles d’outre-mer, notamment la Réunion, où j’ai couru une vingtaine de fois, la Martinique, Tahiti, et même la célèbre ville d’Ushuaia, la plus australe du monde.

J’ai rencontré des gens improbable­s, parfois extraordin­aires, que je n’aurais jamais croisés sans tous ces voyages. Certains d’entre eux meublent mes pensées encore aujourd’hui.

Sans fortune personnell­e, j’ai réussi à piloter des autos fantastiqu­es, de l’Alpine 1600 S à la nouvelle Berlinette, l’A110 RGT, en passant par l’Opel Kadett, les différente­s R5 Turbo, BMW M3, Mégane Kit Car... et enfin les WRC, Ford Escort Cosworth, Toyota Corolla, Peugeot 206, 307.

Jamais je ne ferai une croix sur le rallye

Mille mercis à tous ceux qui m’ont toujours soutenu, qui ont permis à mes rêves de devenir réalité : les copilotes que j’ai usé jusqu’à la corde, les mécanos, les assistance­s... et les mécènes, bien sûr !

J’ai connu une époque bénie des dieux où les sponsors étaient généreux. Où le mot autophobie n’existait pas. On dit que le talent, c’est 95 % de transpirat­ion et 5 % d’inspiratio­n. J’avais les 95. Il m’a juste manqué les 5 ! Aucun regret, cependant : j’ai vécu intensémen­t toutes ces années merveilleu­ses. Un jour, il faut bien réaliser que le temps s’est écoulé et qu’il a fait son oeuvre. Le moment est donc venu de raccrocher les gants, de ne pas tenter la course de trop.

Dans le film « L’étrange histoire de Benjamin Button », l’acteur principal, Brad Pitt, clame : « Rien ne dure ». Il a certaineme­nt raison. Sauf que pour moi, la flamme de la passion brûle encore et toujours. Intacte.

Je ne ressentira­i plus cette adrénaline, drogue enivrante, l’horrible stress du petit matin au départ d’une spéciale, les petites bulles de bonheur sur le podium.

C’est fini ! Comprenez que mon histoire d’amour avec le chronomètr­e est terminée. Car jamais je ne ferai une croix sur le rallye. Je vais juste le vivre d’une autre façon. Différemme­nt.

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 ?? ?? (Photos doc. NM)
(Photos doc. NM)

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