Monaco-Matin

De vieilles recettes à base d’absinthe au goût du jour

À Taradeau (Var), la liquoriste­rie de Provence redonne vie à des recettes oubliées, comme celle de l’absinthe, ou plutôt la Versinthe, distinguée d’une médaille d’argent au Concours général agricole.

- TEXTES : RÉGINE MEUNIER PHOTOS : PHILIPPE ARNASSAN ET DR

Macération­s, infusions de plantes, herbes, fleurs, fruits, racines aux origines lointaines ou ramassées dans les collines de Provence ; assemblage­s ; distillati­ons, petits et gros alambics en cuivre ; tête, coeur et queue d’alcools... C’est l’univers de la liquoriste­rie de Provence, relancée en 2017, après avoir été déménagée des Bouches-du-Rhône dans le Var, plus précisémen­t à Taradeau, sur les terres du Château de Saint-Martin, connu pour ses crus classés Côtes de Provence. Renaud et Adeline de Barry l’ont rachetée et ont récupéré en même temps quelques vieilles recettes, dont celle de la Versinthe aux plantes d’absinthe. Histoire très mouvementé­e que celle de l’absinthe, cette liqueur ancêtre du pastis, consommée par 90 % des Français à la fin du XIXe siècle. À présent, le couple écrit la suite de l’histoire de cette liquoriste­rie, grâce à un vieux carnet qui a resurgi dans le XXIe siècle après 64 ans de « repos » ! Nouveaux produits, nouvelles recettes mais aucun arôme synthétisé, complètent la gamme traditionn­elle. « Les gens ont conscience qu’il faut boire moins mais mieux », souligne Renaud de Barry, toujours en quête de l’excellence. Deux de ses produits, la Versinthe 20 ans et le Bitter des Basques ont obtenu une médaille d’argent au Concours général agricole à Paris.

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L’inimaginab­le carnet noir du grand-père. C’est un petit calepin, à la couverture noire, pas si usée malgré son grand âge. Renaud de Barry ne pouvait imaginer qu’un jour, il lui ferait croiser la route du fantôme de son grand-père. Fantôme ? Façon de

Recettes secrètes. Paul Archambeau­d y notait ses recettes, si secrètes aujourd’hui encore, que le carnet reste caché dans un coffre-fort. Lorsqu’il décède en 1953, le calepin est oublié jusqu’à un jour devenu mémorable de 2017. « Mon oncle Vincent qui l’avait conservé me l’a transmis en apprenant que je rachetais la liquoriste­rie de Provence. Il l’avait conservé tout ce temps », tient-il à préciser. Parmi les recettes retrouvées, celle du Bitter des Basques, à laquelle il ajoute une pointe de piment d’Espelette.

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L’absinthe, la muse des artistes. Au XIXe siècle, le phylloxéra détruit le vignoble français. Faute de vin, les gens se consolent avec l’absinthe, considérée aujourd’hui comme l’ancêtre du pastis. Elle devient la muse de nombre d’artistes comme Degas, Manet, Toulouse Lautrec, Picasso, Van Gogh...Les musées racontent cette « séduction » à travers leurs toiles. Verlaine et Baudelaire (nos photos), Oscar Wilde, Hemingway, Edgar Allen Poe et bien d’autres, ont bu son amertume, jusqu’à plus soif.

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parler ! Les pages jaunies portent l’écriture de Paul Archambeau­d. C’est lui le grand-père paternel. Il dirigeait la Grande Distilleri­e de Bordeaux, fondée en 1820. Une écriture parfois si serrée que son petit-fils a besoin d’une loupe pour lire les proportion­s.

Interdite en 1915. Les ligues antialcool­iques mettent en garde contre les risques liés à sa consommati­on dès 1875 et évoquent cette absinthe qui rend fou. En cause une molécule, la thuyone accusée de faire des ravages sur la santé. La Fée Verte sera finalement interdite en France à partir de 1915. Mais elle n’avait pas dit son dernier mot. En 1999, une nouvelle absinthe, baptisée la Versinthe verte, renaît grâce à la Liquoriste­rie de Provence, quand elle était encore dans les Bouches-du-Rhône.

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Un art de vivre. La Versinthe 20 ans, date anniversai­re de sa renaissanc­e, est composée de vingt plantes : d’absinthe bien sûr mais aussi d’anis vert, de racine de gentiane, de coriandre, etc. Elle se boit avec de l’eau bien fraîche. Certains laissent fondre un sucre sur une de ces cuillères sculptural­ement trouées. Quelques gouttes suffisent, apportées parfois par une fontaine révélant un art de vivre à la française, mais à consommer avec modération. D’autres l’utilisent dans les cocktails. « Petit à petit je vais faire renaître tout ça. J’ai une belle aventure devant moi », dit tout sourire Renaud de Barry. Prochaine étape dans un mois, avec le lancement du rhum Jockey-Club, une marque lancée par Paul Archambeau­d.

◗ Route des Arcs Domaine de Saint-Martin, Taradeau. Tél. 04 94 99 76 76

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