Quand Picasso a fait naître une vocation chez Yves Bosio
Alors que l’on célèbre aujourd’hui les 50 ans de la mort du grand maître espagnol, retour sur une anecdote qui a profondément marqué un autre artiste – pour le coup.
Au faîte de sa gloire, selon la légende, Picasso ne signait pas son courrier ni ses chèques. Sûrement par peur que sa griffe se vende exagérément plus cher que l’emplette en elle-même… Un Mentonnais s’est pourtant vu gratifier de ces sept lettres déliées, reconnaissables entre mille. Mais il ne serait pas exagéré de dire que cet « autographe » était mérité.
L’histoire remonte au début des années cinquante. Quand Yves Bosio, tout jeune enfant, vivait avec sa famille à Antibes – avant de s’installer à Menton en 1958. « Mon père était expert en antiquités, notamment africaines. Le magasin était situé au rez-dechaussée de notre immeuble, en face de la mairie. Picasso s’y arrêtait quotidiennement en se rendant au musée tout proche – qui porte son nom aujourd’hui – pour aller peindre. Chaque jour, il refaisait le monde avec mon père qu’il estimait beaucoup et à qui il achetait nombre de pièces – d’art nègre, comme on l’appelait à l’époque, que l’on retrouve souvent dans ses tableaux », raconte
l’artiste, qui exposait récemment dans une galerie à Bologne. Ces années-là, la télévision n’existait pas. Et pour un enfant, les soirées étaient longues…
« Ma seule distraction était de dessiner ou peindre, ce qui réjouissait mon père – petit-fils de sculpteur à Strasbourg et frère de Jeanne Weber, peintre qui vivait
et travaillait à Nice », poursuit Yves Bosio. Ajoutant qu’un soir, son père lui soumit un défi : reproduire deux dessins du maître espagnol qui représentaient un jeune homme dévêtu menant un cheval à l’abreuvoir.
« Le lendemain, il les montrait à Picasso », glisse l’ancien adjoint à la culture mentonnais. Précisant que l’auteur de Guernica crut dans un premier temps que ce joli travail de faussaire était l’oeuvre de son père.
« Il m’attribua la note de 10/10 »
Que nenni. Alors, « surpris par une certaine dextérité compte tenu de mon jeune âge, il voulut m’encourager et m’attribua la note de dix sur dix ». Malicieusement, le père d’Yves rétorqua à son illustre ami qu’il aurait très bien pu écrire lui-même ces chiffres. « Picasso sourit, marqua un petit temps d’arrêt et signa mon dessin. Il fut de toute évidence mon déclic et mon mentor », conclut Yves Bosio. Lui qui obtint le Grand prix de l’Umam en 1968. Cette même Union méditerranéenne pour l’art moderne qui organisait, autrefois, la célèbre Biennale de peinture de Menton. Dédiée, en 1966 et en 1974, à un certain… Pablo Picasso.