Notre-Dame du Brusc BASILIQUE DU PREMIER ART ROMAN
Entourée de cyprès, la chapelle de Châteauneuf de Grasse offre une parenthèse de calme dans un cadre bucolique et fut autrefois un haut lieu de culte et de pèlerinage.
Posée à Châteauneuf de Grasse, Notre Dame du Brusc, au même titre que Brague, tient son patronyme d’un mot d’origine celte signifiant « bruyère, liège, bois en général ». Si c’est aujourd’hui un véritable havre de paix, la chapelle fondée au IVe siècle avant Jésus-Christ, l’une des plus anciennes églises paléochrétiennes d’Occident, est devenue au XIe siècle, la plus grande église rurale du diocèse d’Antibes. La campagne de fouilles, entreprise dès 1956 par le conservateur des musées de Grasse, Georges Vindry, a démontré que Le Brusc fut aussi un des principaux foyers de rayonnement du christianisme de l’évêché d’Antibes.
De la Préhistoire au Moyen Âge
Les découvertes archéologiques montrent que le site du Brusc, carrefour d’un chemin qui relie Grasse à Aix et à Nice et point de convergence entre deux voies naturelles de pénétration entre la zone côtière et l’arrière-pays, fut régulièrement occupé pendant plus de quatre mille ans comme le prouve la découverte de nombreuses traces humaines de toutes les époques depuis le Paléolithique jusqu’à l’époque romaine.
De plus, les vestiges de camps romains, la forte concentration de monnaies et de céramiques d’importation apportent la preuve que le lieu fut sans doute un important site commercial.
C’est sans doute la présence d’une source intermittente coulant au printemps qui va donner naissance à un lieu de culte et à une nécropole païenne. En effet, la mise à jour en 1968 d’un baptistère paléochrétien du VIe siècle, unique dans la région, permet de mesurer la dimension spirituelle du site et de son incontestable rayonnement pendant des siècles. Au Xe siècle, le fief passe sous le contrôle des princes d’Antibes, seigneurs de Grasse et d’Opio qui fortifient le site du Brusc en bâtissant un castrum sur la colline de Tourreviste. Au XIe siècle, sous l’impulsion de l’Abbaye de Lérins, une nouvelle église est édifiée à l’emplacement de la première chapelle paléochrétienne. Elle va alors devenir la plus grande église rurale du diocèse d’Antibes.
Première basilique très importante
C’est une véritable basilique aux dimensions exceptionnelles de quarante mètres de long qui voit le jour. Le Brusc, déjà centre de christianisation aux premiers siècles de l’église, devient alors un lieu de pèlerinage et sans doute une étape sur la route de Compostelle. Autrefois flanquée d’un clocher, nantie d’un choeur surélevé, cette église du premier art roman associe des formules architecturales venues d’Europe du Nord, de Catalogne et d’Italie du Nord. Sous le choeur, surélevé de deux marches, s’étend une crypte à demi enterrée qui, au vu de sa disposition insolite, laisse supposer une origine liturgique. Un double accès y est ménagé, par deux escaliers opposés. Un petit canal apportait à la crypte l’eau d’une source éloignée de six mètres et dont les vertus miraculeuses étaient attribuées à saint Aygulph, le donneur d’eau, soit le premier abbé de Lérins. Le nom de ce religieux – en provençal « Aygou » – étant semblable à l’adjectif qui signifie « aqueux », on peut croire à la survivance d’un culte païen. Lorsque l’eau de la source curative manquait, notamment l’été, les dévots prélevaient avec la pointe de leur couteau un fragment de la statue de saint Aygulph, ou d’une statue proche présente dans l’église, pour sanctifier de l’eau. C’est ainsi que le haut de la statue de Saint Marc a été déchiqueté au cours des siècles.
La crypte de style typiquement roman est peu commune. La partie ouest est divisée en deux petites nefs voûtées séparées par trois arcades, dont un pilier est formé par un cippe romain remployé à l’envers. Une voûte couvrant la partie ouest comporte une longue et étroite ouverture appareillée. Cette solution de continuité du sol de l’église, au départ de l’abside, permettait aux fidèles de participer aux rituels spécifiques de la crypte.
Vocation baptismale et funéraire
Les chrétiens venaient au Brusc, souvent de loin, pour être baptisés, car c’était le seul baptistère rural du diocèse. Destinée uniquement aux adultes, la cérémonie était pratiquée par l’évêque pendant la semaine de Pâques, par immersion totale. La personne ôtait ses vêtements païens et s’habillait de vêtements chrétiens à l’issue de la cérémonie. Cette première cuve baptismale à immersion rurale, enfoncée dans le sol, comporte sept parois, deux marches encastrées et un bassin profond où le catéchumène plaçait ses pieds. Cette cuve qui présentait une disposition très rare est un phénomène unique en Provence. À l’origine, elle était abritée dans un édifice carré orné d’arcades aveugles, accolé au mur ouest de la première église. Il semble que le baptistère antique, restauré et muni d’une nouvelle cuve à immersion au XIe siècle fut transformé en porche six siècles plus tard. Quant à la vocation funéraire du site, débutée sous les Romains, elle se poursuit à l’époque chrétienne. Il fut, en effet, retrouvé des fragments de sarcophages et quatre inscriptions funéraires de la fin du Ve ou du début du VIe siècle. Les matériaux utilisés pour la construction initiale de la stèle funéraire gallo-romaine qui sert en partie de pilier pour tenir la voûte extérieure de la basilique proviennent de réemplois de matériaux antiques. La découverte archéologique de ce baptistère accompagné de sarcophages et de ces inscriptions paléochrétiennes, comme dans un évêché, prouve que le lieu était régulièrement fréquenté par une population importante. Cet édifice a été amplement restauré à la fin du XXe siècle. Non loin passait une voie romaine rurale, devenue route médiévale puis départementale. Un domaine agricole romain existait en bordure du site, où une foire annuelle avait encore lieu au XVIIe siècle. L’église et les terrains au Sud sont classés depuis le 20 août 1986 au titre des Monuments historiques. Autrefois, à l’occasion des fêtes patronales, c’est avec une grande ferveur religieuse que l’on venait à Notre-Dame du Brusc pour demander la pluie. De nos jours, ce site est mis à l’honneur lors de diverses manifestations dont la Fête agricole de Notre-Dame du Brusc, entre le troisième dimanche d’avril et début mai.
Les chrétiens venaient au Brusc, souvent de loin, pour être baptisés, car c’était le seul baptistère rural du diocèse.
Sources : Georges Vindry, « Un haut lieu exceptionnel de Provence-Orientale » ; Annales de la société scientifique et littéraire de Cannes et de l’arrondissement de Grasse, vol. 35, 1990 ; « Le Patrimoine des Alpes-Maritimes », ed. Flohic.