Monaco-Matin

« Ce Monaco me plaît »

Ex-milieu de Nantes et de l’ASM, Japhet N’Doram pose son regard sur le duel à venir entre les deux clubs et replonge dans ses souvenirs. Héros chez les Canaris, il s’était blessé sur le Rocher.

- CHRISTOPHE­R ROUX

Japhet N’Doram a clôturé sa carrière en 1998 mais reste viscéralem­ent attaché au terrain. S’il a bouclé son histoire en tant que coach avec le club amateur de l’ES Haute-Goulaine, dans une Loire-Atlantique où il vit toujours, faisant monter l’équipe fanion jusqu’en Départemen­tal 1, le Tchadien (57 ans) enseigne aujourd’hui le football à de jeunes migrants près de Nantes. Il devrait être au stade demain, pour y voir ses « clubs de coeur ».

Japhet, quel match attendez-vous ?

Ce sera très serré et je vois un nul. Monaco a été inconstant en première partie de saison mais a retrouvé sa vitesse de croisière. On le sent capable du meilleur plutôt que du pire. Nantes sort d’une qualificat­ion héroïque pour la finale de la Coupe de France (mercredi contre Lyon 1-0, NDLR). Je pense que le club va se maintenir en L1 mais il a besoin de points pour s’éloigner de la zone rouge (14e, il ne la devance que de 4 points). Si les joueurs gagnent la Coupe mais descendent en L2, cela restera une tache d’huile. Le maintien doit rester le gros objectif de la saison.

Comment expliquez-vous les difficulté­s nantaises ?

D’une rencontre à l’autre, l’équipe est bonne ou quelconque. J’ai l’impression que les joueurs manquent de conscience. Kombouaré (le coach) m’impression­ne par la dynamique qu’il a apportée au club. Il mobilise tout le monde mais ceux qui sont là ne doivent pas juste être de passage. Ils doivent redorer le blason du club. Même si l’effectif n’était pas assez étoffé pour jouer sur trois tableaux (championna­t, Coupe et Ligue Europa).

Ils ont laissé énormément d’énergie avec l’Europe. Et quand tu n’es pas capable de jouer tous les trois jours, tu deviens vulnérable.

Le Monaco de Clement, offensif, vous séduit-il ?

Il me plaît énormément. La culture de l’offensive a toujours collé à l’ASM et cette équipe recherche constammen­t le jeu. La L1 est dure physiqueme­nt et y marquer des buts relève toujours d’un exploit, mais ce qu’il propose fait plaisir pour notre championna­t. Clement amène de la sérénité et des jeunes pointent le nez en apportant de la fraîcheur.

Quels joueurs vous plaisent dans les deux clubs ?

Je n’avais pas le même style que lui mais j’aime Ben Yedder. Il n’a pas beaucoup de vitesse mais de

l’intelligen­ce et la justesse technique. Je pourrais aussi citer Golovin. A Nantes il y a Blas, même s’il ne répond pas toujours présent. Quand il s’y met, il est capable de faire la différence et de franchir des étapes. A lui d’exploiter ses qualités désormais.

Vous aviez parfois des désaccords avec Coco Suaudeau, votre coach à Nantes de 1991 à 1997. Lesquels ?

Ce n’étaient pas des désaccords mais on avait des discussion­s (rire). On avait parfois l’impression de faire un match parfait mais ses exigences (celles du jeu à la nantaise) le rendaient rarement content de nos performanc­es. Il attendait plus d’investisse­ment dans le collectif et la solidarité. Tout le monde devait être en mouvement pour que le porteur de balle fasse le bon choix. Avec lui, il était impossible de tricher (rire). Quand il animait une séance,

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on l’entendait du début à la fin, même à 80 ou 100 mètres. On était obligés de se tenir éveillés. Avec lui, même les joueurs qui n’avaient pas une grande qualité technique s’en sortaient parce que le collectif prenait le dessus.

En 1995, vous devenez champion avec Nantes, avec une série de 32 matchs sans défaite. Mais vous avez révélé que le groupe n’avait pas conscience de sa force collective et que les joueurs n’étaient pas les meilleurs amis du monde...

On ne se rendait pas compte du niveau de jeu que l’on proposait. Tout paraissait tellement logique.

On faisait ça tous les jours à l’entraîneme­nt et on transférai­t ce jeu sur les matchs. C’est au fil du temps qu’on s’est rendu compte qu’il y avait quelque chose d’anormal. On avait une équipe avec une valeur athlétique au-dessus de la moyenne. On prenait l’ascendant sur nos adversaire­s. Avec Coco, le jeu à la nantaise, c’était un état d’esprit. Vous ne jouiez jamais seul.

Le jeu à la nantaise existe-t-il encore ?

Il perdure. Il est un peu partout, à Lens, Rennes ou Monaco, des clubs agréables à voir jouer. Il reviendra à Nantes un jour et ça passera par le centre de formation, qui doit être acteur d’une continuité. Quand tu arriveras à sortir 4-5 jeunes et qu’ils se retrouvero­nt en équipe première, ils auront des codes et une complicité. C’est ce qui manque un peu à Nantes aujourd’hui.

A Monaco, vous vous étiez grièvement blessé au genou...

Ce fut une période très difficile pour moi. Je partais à Monaco pour y jouer la Ligue des champions. Le club venait d’être champion.

Je me suis blessé très tôt face à Nantes au Louis-II... Je me suis cassé un bout de cartilage du genou droit. J’avais déjà des problèmes et je n’avais pas pu me soigner correcteme­nt. J’ai continué à jouer. Je me suis fait opérer par un chirurgien qui m’avait déjà opéré d’un ménisque. Il a essayé de recoller le cartilage mais ça n’a jamais pris. Après six mois de rééducatio­n, les médecins m’ont dit que je pourrais rejouer au foot mais que ce serait compliqué chez les pros.

SA FICHE JAPHET N’DORAM

Né le 26/02/1966 à N’Djaména (Tchad), 57 ans. 36 sélections et 13 buts avec le Tchad. Carrière : Tourbillon FC (TCH, 1985-88), T. Yaoundé (CAM, 1989-90), Nantes (1990-97, 87 buts en 228 matchs), Monaco (1997-98, 3 buts en 16 sorties). Palmarès : champion de France 1995, Trophée des champions 1997. Demi-finaliste de la Ligue des champions en 1996 et 1998.

Auriez-vous aimé marquer davantage l’ASM ?

J’y allais pour ça après ma dernière saison à Nantes, celle où je m’étais le plus éclaté (il avait mis 21 buts en D1). Je voulais confirmer, franchir un palier et gagner un trophée avec l’ASM.

Quelles étaient vos relations avec Tigana ?

Il n’était pas d’accord pour que je signe. C’est le président Campora qui a pris la décision de me faire venir. Quand je suis arrivé, on a fait quelques matchs, remporté le Trophée des champions, et c’est là qu’il a découvert qui j’étais. Il connaissai­t le joueur et ma valeur, mais il avait des doutes sur l’homme. Il estimait que je pouvais être un joueur difficile à gérer. Il avait déjà des stars dans son équipe et il ne voulait pas d’une autre personnali­té. Il a appris à me connaître et s’est pris d’affection pour moi. Et quand j’ai intégré le staff (en 1998), on avait une complicité. On dialoguait sans arrêt. Il n’hésitait pas à me poser des questions. J’habitais à Roquebrune et on était proches l’un de l’autre. J’allais le voir chez lui de temps en temps.

Avec Suaudeau, il était impossible de tricher”

Tigana n’était pas d’accord pour que je signe”

A Nantes, déjà, il avait fallu une blessure de Burruchaga, après six mois passés avec les jeunes du centre, pour que vous ayez votre chance en pro...

J’ai toujours dû prouver plus que les autres parce que je viens du Tchad, de nulle part. Toko (Nambatingu­e) était le seul à s’être imposé en France (il a été pro de 1974 à 1986 et Niçois de 1975 à 1978). Je débarquais comme un inconnu et c’est toujours plus difficile de faire ses preuves. Mais j’ai su les faire et on a vu ce que ça a donné.

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Il travaille aujourd’hui pour le départemen­t de la LoireAtlan­tique.
Trophée des champions 1997 : victoire face au Gym de Huc (5-2). Il travaille aujourd’hui pour le départemen­t de la LoireAtlan­tique.
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 ?? ?? Le 22 mars 1997, il inscrit le 2000e but du FCN dans l’élite face à Lille.
Le 22 mars 1997, il inscrit le 2000e but du FCN dans l’élite face à Lille.

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