Monaco-Matin

Macron’s Tour

- De LIONEL PAOLI Reporter politique edito@nicematin.fr

« On n’en veut pas de ta réforme, qu’est-ce que tu comprends pas làdedans ? » Le sexagénair­e moustachu éructe deux fois sa question, avant de lâcher une insulte qui restera dans les annales : « T... du c… » En d’autres temps,

Nicolas Sarkozy aurait sans doute répliqué dans le même registre :

« Casse-toi, pauv’ con ! » François Hollande aurait peut-être risqué une saillie drolatique. Le général de Gaulle aurait allongé le pas en maugréant : « Vaste programme. »

Et Emmanuel Macron ? Le chef de l’État ne répond rien. Pris à partie, insulté, le premier des Français affirme qu’il « faut entendre la colère », jure qu’il n’est « pas sourd », mais poursuit sa route comme si de rien n’était. Dans l’esprit de l’Élysée, cette séquence de communicat­ion vise à montrer un leader « au contact »

de ses concitoyen­s tout en restant ferme sur ses positions. Dans les faits, ce Macron’s Tour devrait vite ressembler à un chemin de croix. Bien plus qu’une image de rigueur et d’ouverture, le Président conforte sa figure autistique, voire méprisante vis-à-vis de ceux qui l’ont élu par défaut. L’effet de tout cela est désastreux. Impossible d’être dupe de ces grosses ficelles, de cette volonté artificiel­le de tourner la page. Tout sonne faux, des nouvelles

« missions » confiées à la Première ministre jusqu’au ton paternalis­te adopté devant les caméras.

Le pari d’Emmanuel Macron est sibyllin. Il gage que les Français finiront par se lasser, que les syndicats reviendron­t à la table des négociatio­ns, que tout reprendra comme avant. Business as usual. Sauf qu’à moyen terme, personne ne sait mesurer les effets de ces éruptions démocratiq­ues. Sarkozy doit sans doute une part de sa défaite de 2012 à la loi Woerth de 2010. Et Hollande ne serait pas tombé si bas si les lois Touraine et

El Khomri ne l’avaient pas coupé de ses bases.

Certes, contrairem­ent à ses prédécesse­urs, l’actuel chef de l’État ne se représente­ra pas en 2027. Il risque cependant de laisser à ses talons une terre brûlée qui ne pourra profiter qu’aux extrêmes. À l’heure du bilan, s’il cède sa place à Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen, cette énième réforme des retraites – pertinente ou non – ne pèsera pas lourd dans la balance de l’histoire.

« À moyen terme, personne ne sait mesurer les effets de ces éruptions démocratiq­ues »

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