Macron’s Tour
« On n’en veut pas de ta réforme, qu’est-ce que tu comprends pas làdedans ? » Le sexagénaire moustachu éructe deux fois sa question, avant de lâcher une insulte qui restera dans les annales : « T... du c… » En d’autres temps,
Nicolas Sarkozy aurait sans doute répliqué dans le même registre :
« Casse-toi, pauv’ con ! » François Hollande aurait peut-être risqué une saillie drolatique. Le général de Gaulle aurait allongé le pas en maugréant : « Vaste programme. »
Et Emmanuel Macron ? Le chef de l’État ne répond rien. Pris à partie, insulté, le premier des Français affirme qu’il « faut entendre la colère », jure qu’il n’est « pas sourd », mais poursuit sa route comme si de rien n’était. Dans l’esprit de l’Élysée, cette séquence de communication vise à montrer un leader « au contact »
de ses concitoyens tout en restant ferme sur ses positions. Dans les faits, ce Macron’s Tour devrait vite ressembler à un chemin de croix. Bien plus qu’une image de rigueur et d’ouverture, le Président conforte sa figure autistique, voire méprisante vis-à-vis de ceux qui l’ont élu par défaut. L’effet de tout cela est désastreux. Impossible d’être dupe de ces grosses ficelles, de cette volonté artificielle de tourner la page. Tout sonne faux, des nouvelles
« missions » confiées à la Première ministre jusqu’au ton paternaliste adopté devant les caméras.
Le pari d’Emmanuel Macron est sibyllin. Il gage que les Français finiront par se lasser, que les syndicats reviendront à la table des négociations, que tout reprendra comme avant. Business as usual. Sauf qu’à moyen terme, personne ne sait mesurer les effets de ces éruptions démocratiques. Sarkozy doit sans doute une part de sa défaite de 2012 à la loi Woerth de 2010. Et Hollande ne serait pas tombé si bas si les lois Touraine et
El Khomri ne l’avaient pas coupé de ses bases.
Certes, contrairement à ses prédécesseurs, l’actuel chef de l’État ne se représentera pas en 2027. Il risque cependant de laisser à ses talons une terre brûlée qui ne pourra profiter qu’aux extrêmes. À l’heure du bilan, s’il cède sa place à Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen, cette énième réforme des retraites – pertinente ou non – ne pèsera pas lourd dans la balance de l’histoire.
« À moyen terme, personne ne sait mesurer les effets de ces éruptions démocratiques »