Valérie Fayolle « UNE VIE, C’EST UNE ADDITION »
Dans son premier roman, la journaliste de France 24 nous emmène sur la Nationale 7 dans les roues de Lisa. De Paris à Nice, sur la route des vacances, le voyage sera avant tout intérieur, sombre et lumineux à la fois.
Son visage, son nom, sa voix resteront pour toujours ceux qui ont lancé l’antenne de France 24 le 6 décembre 2006, à 20 heures. Toujours sur cette même chaîne, Valérie Fayolle présente désormais « Le Paris des arts » (elle a d’ailleurs tourné l’une de ses émissions à Nice dans les pas de Joann Sfar en novembre). Et elle vient de sortir son premier roman, « KM 930 » chez Plon. On y suit Lisa, la quarantaine, qui emprunte la Nationale 7 depuis Paris dans son Alfa Spider décapotable de jeunesse, avec l’objectif de la vendre à un acheteur à Nice. Mais dans ce livre, ce n’est pas la destination qui importe mais bel et bien le voyage. Surtout quand Raphaël, le premier amour de Lisa, s’installe par surprise sur le siège passager… Parce qu’elle l’a écrit en plein confinement, Valérie Fayolle a dû se documenter à distance sur les endroits que Lisa parcourt, sans pouvoir les visiter. Le roman en librairie, l’auteure décide de faire à son tour Paris-Nice en voiture via la fameuse route des vacances. Nous l’avons rencontrée à la fin de son périple, à Nice, sur la place Garibaldi.
Sur la quatrième de couverture, David Foenkinos dit de ce livre : ‘‘Un road-movie bouleversant, écrit avec force et intensité’’ et Tatiana de Rosnay : ‘‘Ce premier roman sensible et surprenant est
un voyage au coeur de soi, un pèlerinage intime et troublant’’...
Mon tout premier lecteur a été David Foenkinos. Je lui ai dit : “Je veux que tu me dises la vérité. Estce que je peux l’envoyer à des éditeurs ?” et il m’a fait un retour magnifique. Ensuite, j’ai rencontré Tatiana, je venais de terminer le roman, elle a souhaité le lire et voilà. Je suis flattée, ce sont deux immenses écrivains.
Pourquoi le choix de la Nationale 7 ?
Je voulais écrire l’histoire d’une femme qui fait un chemin très nostalgique, qui ausculte son passé pour mieux vivre le présent et se projeter dans l’avenir. La Nationale 7 a été une évidence parce que c’est la route la plus nostalgique pour les Français, c’est la route des vacances, celle qu’ils empruntaient avant l’autoroute du Soleil. Je construis toujours de la même manière ce que j’écris : je fais vraiment une architecture très très solide que j’interroge. C’est un processus très long. Ensuite, l’écriture est relativement rapide. J’avais donc bâti mon architecture et je devais m’élancer sur la route. Et paf, on est confiné ! Donc il a fallu que je me documente, en visionnant des photos, en lisant des blogs, des commentaires de voyages, etc… Là, je viens de faire le périple, c’était juste incroyable, hypertouchant.
Et Nice est la fin de ce voyage…
Nice est un endroit extrêmement important, celui de la révélation finale. L’endroit où tout s’éclaire, où Lisa va faire la paix avec son passé. Nice est surtout l’endroit où le voyage fait sens, où tout d’un coup elle comprend… C’est le point d’arrivée, mais Nice est aussi, et surtout, un nouveau départ. Il y avait une telle évidence dans ce chemin de lumière. Pendant mon périple, je l’ai vu. On est parti de Paris sous des trombes d’eau, on arrive ici sous un soleil dingue. La césure entre le nord et le sud existe, je ne saurais pas la situer exactement mais je dirais un peu avant Valence. Ce n’est plus la même lumière, indépendamment du temps.
Vous abordez aussi le temps qui passe…
Lisa fait ce que beaucoup de femmes font un jour ou l’autre, et d’hommes d’ailleurs, à un moment de leur vie. Elle appuie sur pause, elle a besoin de regarder dans le rétroviseur, elle s’interroge sur les choix qu’elle a faits. C’est une femme qui passe l’âge d’avoir des enfants et n’en a pas, c’est une grande souffrance pour elle. C’est aussi une femme qui se regarde vieillir et ce n’est pas toujours agréable. C’est l’heure du bilan. Ce bilan est nécessaire, douloureux par moments, mais elle est obligée d’en passer par là pour avancer.
C’est une sorte de réconciliation avec son histoire…
Pour moi c’est un chemin de paix. Lisa était un peu en colère. Ce voyage lui fait comprendre que la colère, avant de toucher autrui, vous dévore vous-même et que ce chemin-là est stérile. Elle fait la paix avec ses parents, sa mère, Raphaël, avec son histoire. Les clés et les révélations qu’elle va avoir tout au long du voyage lui permettent de mieux comprendre ce qu’elle a vécu et qu’elle doit se construire avec ça. Je ne pense pas qu’on puisse annuler ce qu’on a vécu, le bannir, l’oublier ou l’enfouir. Une vie, c’est une addition de choses, belles et moins belles. Mais, pour passer à autre chose, il faut réussir à digérer, à comprendre.
Vous avez déjà écrit des textes pour Alpha Blondy ou Sheila. Et votre roman s’accompagne d’une bande-son (accessible via un QR
code) avec des titres originaux que vous interprétez…
Au départ, ce n’était pas du tout prévu. Quand j’ai écrit, j’ai imaginé ce qui pouvait sortir de l’autoradio de la Spider et c’était une playlist intime avec des gens de mon Panthéon personnel : Barbara, Gainsbourg, David Bowie… Et plusieurs amis m’ont suggéré d’écrire une bande-son originale pour mieux refléter les émotions de Lisa, ses états d’âme sur le parcours. Je me suis piquée au jeu et j’ai un copain qui a commencé à composer. J’étais chez lui un weekend à Valence et il m’a proposé d’enregistrer dans son studio. Je me suis mise devant le micro, j’ai vu que j’avais quelques lacunes et j’ai pris des cours de chant. C’était une mise en danger pour moi, je ne suis pas du tout chanteuse. Mais l’idée était de faire un voyage dans le voyage, d’être sincère par rapport aux sentiments de Lisa. J’avais vraiment envie que le voyage soit complet pour le lecteur, qu’il soit en immersion.
« Nice est un endroit important, où tout s’éclaire »