Monaco-Matin

« Mon football ?

Cadre de l’ASM, Youssouf Fofana s’est confié avant le choc de demain pour le podium. Il raconte sa vision du jeu, ses galères et l’évolution qui l’a mené jusqu’en équipe de France.

- Entretien réalisé par Leandra IACONO Photos : Jean-François OTTONELLO

Resté sans contrat à l’issue de son cursus à l’INF Clairefont­aine, Youssouf Fofana avait un temps abandonné l’idée de devenir footballeu­r profession­nel. Il végétait depuis trois ans dans l’anonymat du monde amateur quand Strasbourg lui a donné une seconde chance. Depuis, le natif de Paris, 24 ans, a repris le fil de sa carrière et grimpé les étapes avec une vitesse folle, jusqu’à jouer cet hiver le Mondial avec l’équipe de France. Pour Nice-Matin ,il est revenu sur son parcours, sa vision du jeu, sans esquiver non plus les questions sur son avenir à l’AS Monaco, qu’il a rejoint en janvier 2020.

Contre Lorient (3-1), Monaco a retrouvé de la maîtrise. Quel a été le déclic ?

On devait réagir après nos dernières prestation­s. Je pense au match contre Nantes mais aussi à celui contre Ajaccio avant la trêve, parce que même si le résultat était là, dans le contenu, ce n’était pas top. On sent tous qu’on est sur la fin du championna­t, qu’on n’est pas mal classés et qu’il y a moyen de faire quelque chose.

Lens, que vous allez affronter, vous réussit peu.

C’est une bonne formation. Depuis qu’ils sont remontés en L1, ils font très très mal. Ça fait deux ans consécutif­s qu’ils jouent un grand rôle dans ce championna­t. Leur stade et leurs supporters leur donnent aussi un élan de plus. Quand ça ne se passe pas bien, ils trouvent ce deuxième, voire ce troisième souffle qui leur permet de retourner la situation. De notre côté, il faudra mettre le passé de côté, oublier ces cinq matchs sans succès contre eux en championna­t. Une grande partie nous attend. On veut mettre toutes les chances de notre côté pour le podium.

Dans votre zone, vous allez retrouver un certain Seko Fofana. Il y a une hiérarchie en jeu ?

(Sourire) C’est un peu ça. Il y aura ce petit match dans le match. Malheureus­ement pour Lens, il a perdu son compère du milieu avec qui il formait un très bon duo (Abdul Samed est suspendu). Ce n’est pas une mauvaise nouvelle pour nous. Il faudra en profiter.

Quand on s’appelle Fofana, on a plus de chances de réussir dans le foot ?

En ce moment, il faut croire (rires). Il y en a pas mal qui tirent leur épingle du jeu (Seko, Wesley...) Sans prétention aucune, je pense être dans le bon wagon.

Quand vous étiez petit, c’est un autre Youssouf Fofana qui a défrayé la chronique*...

J’avais sept ans à l’époque et je me rappelle des grands de mon quartier qui me disaient : « Là, tu n’as plus le droit à l’erreur parce que ton nom a été sali. Tu es condamné à la réussite. » C’est quelque chose que je me suis répété plusieurs fois (il sourit). Ça a plutôt bien marché.

Restons sur votre enfance. Comment le football est venu à vous ?

Très naturellem­ent. C’est le premier sport que j’ai pratiqué avec les copains, dans la rue. Le foot, c’est facile. On peut y jouer partout. On n’a pas besoin de terrain, de lignes tracées, voire parfois de ballon. C’est pour ça qu’il est aussi populaire. Comme mon père et mon grand frère aimaient bien, j’ai rapidement baigné dedans. À la maison, on en parlait beaucoup. Tous les dimanches matin, on était

devant Téléfoot.

Quand avez-vous compris que vous pourriez en vivre ?

Quand j’ai signé mon premier contrat profession­nel à Strasbourg. En fait, je n’ai pas compris que je pourrais en faire mon métier mais en revanche, que j’étais vraiment déterminé à pouvoir en vivre un jour. On m’a donné une seconde chance et il ne fallait pas la louper.

Vous aviez plus la dalle que les autres ?

Ah oui. J’avais déjà raté. Les autres ne connaissai­ent pas l’échec, moi oui. Je me suis mis en mode haut niveau. Je n’avais même pas un pied là-bas que je m’étais fixé l’objectif de faire au moins 5 ou 6 entraîneme­nts avec les pros dès ma première année. Je ne savais même pas ce qu’ils allaient faire de moi, comment ça allait se passer. À partir de là, j’en voulais toujours plus.

D’où est venu ce changement d’état d’esprit ?

J’ai connu le fond et je ne voulais pas y retourner, c’est tout. Entre la galère et deux billards en dessous de ta chambre, le choix est très vite fait (sourire).

Avec le recul, comment expliquez-vous votre échec à l’INF Clairefont­aine ?

Il y avait le Youssouf qui était investi sur le terrain et celui du collège qui était totalement désintéres­sé. A Clairefont­aine, les bases étaient claires : le foot, l’humain et l’école. J’ai péché dans le dernier.

Ça n’a pas plu aux clubs. Je ne me cache pas derrière ça mais j’avais aussi un petit retard physique. Je n’étais clairement pas prêt à intégrer un centre de formation. Quand j’y pense, je me dis que c’était finalement mieux comme ça. J’ai vécu une enfance normale. Après trois ans en centre, je suis certain que je serais rentré chez moi à 18 ans, que je n’aurais pas supporté.

Vous parlez de votre retard physique. Les clubs ne devraient-ils pas faire évoluer leur mentalité à ce sujet ?

Le foot français est impatient. On veut un jeune homme de 15 ans dans des caractéris­tiques précises et pas autrement. Alors que c’est peut-être celui qui a été écarté qui deviendra le plus fort à 18. Mais je ne suis pas là pour juger ou refaire le monde. J’ai eu la chance de rentrer dans les clous (sourire).

* Son homonyme Youssouf Fofana a été condamné en 2009 à la perpétuité pour l’enlèvement et l’assassinat du jeune juif Ilan Halimi.

‘‘ J’ai connu le fond. Je ne voulais pas y retourner’’

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