Monet et la Riviera, une histoire mise en lumière
L’exposition estivale du Grimaldi Forum mettra à l’honneur l’iconique peintre en retraçant notamment la période de 1883 à 1888 où il a séjourné et travaillé sur la Côte d’Azur.
Les étés se suivent mais ne se ressemblent pas au Grimaldi Forum ! Pour son rendezvous culturel de 2023, c’est aux oeuvres de Claude Monet que le bâtiment dédiera son espace Ravel avec Monet, en pleine lumière : une exposition annoncée du 8 juillet au 3 septembre. Célébrant cet artiste qui peignait l’instant, inscrit parmi les fondateurs de l’Impressionnisme et au panthéon des plus grands créateurs modernes.
Une exposition événement forcément, quand on convoque une star de l’Histoire de l’art. Mais l’ambition des équipes est multiple. Et entend mettre en lumière précisément une période moins connue et célébrée dans les créations de l’artiste : celle de ses voyages sur la Côte d’Azur entre 1883 et 1888, où il va réaliser près d’une centaine de toiles, et opérer un changement dans sa façon d’appréhender ses techniques de travail.
« Cette lumière me pose problème »
Quand sous l’impulsion de son ami Renoir, Claude Monet traverse la France en train en 1883 et débarque à Monaco, il écrit : « Cette lumière me pose problème, je suis sûr que je ne vais rien en tirer » .Là où, quelques années plus tard, Henri Matisse ou Pablo Picasso seront irradiés par le soleil azuréen, Monet lui doute.
C’est pourtant à partir de ce passage liminaire sur la Côte d’Azur qu’il décide de peindre ses propres impressions et développe une oeuvre qui n’appartient qu’à lui. « Lors de son premier séjour, il est parti pour rester trois semaines. Il est resté trois mois. Et revient avec autant de peintures qu’il en peignait en une année de travail à Argenteuil. Quelque chose se met alors en place chez lui. Il se dit
qu’il va partir chaque année, peindre de nouveaux motifs, travailler d’arrache-pied et, quand il reviendra, pourra cultiver son jardin à Giverny. Ce premier voyage sur la Riviera est absolument déterminant », retrace Marianne Mathieu, historienne de l’art, spécialiste de Monet et commissaire de l’exposition qui, elle le précise « a été conçue pour et à travers la Riviera ».
Une trentaine de prêteurs
Un projet de haute voltige, en préparation depuis trois ans au Grimaldi Forum, pour rassembler 95 toiles en provenance de 30 collections publiques ou privées du monde entier. Principalement le riche fonds du musée parisien Marmottan Monet. Mais aussi la collection du prince Albert II, qui en compte trois. Dont une huile sur toile de 1883 magnifiant la Tête de Chien, que Claude Monet a probablement peint en posant son chevalet du côté du cap où se dresse aujourd’hui le Monte-Carlo Beach.
Ce constat a été facilité par une démarche historienne entreprise par Marianne Mathieu et des spécialistes locaux pour se mettre dans les pas de Monet à l’époque, comprendre son circuit sur la Riviera, de Monaco en Antibes, en passant par Bordighera. « Nous avons voulu mettre en évidence ce qui n’avait pas encore été fait. Savoir où Monet est allé ? Où il a dormi ? Où il posait son chevalet ? Ce qui nous a permis d’identifier les points de vue où il travaillait et proposer de nouvelles datations des oeuvres, en constatant qu’il ne pouvait peindre un endroit que lorsqu’il y résidait. Ainsi, il n’a pas peint les vues de Monaco depuis le Cap Martin, comme on l’imaginait, mais de la pointe du Beach, en 1883 ».
Expérience immersive
Ce voyage de 1883, dont l’exposition célébrera le 140e anniversaire est liminaire pour Monet dans ces campagnes sur la Riviera qui vont s’étendre jusqu’en 1889. Donnant naissance à près de 80 toiles aujourd’hui recensées, jamais exposées du vivant de l’artiste. Et trouvant au fil du temps, une certaine notoriété via des collectionneurs américains particulièrement passionnés. Une vue du village de Dolceacqua, jamais présentée au public, que l’artiste a qualifiée sur la toile « d’ébauche », jalonnera d’ailleurs le parcours de l’exposition.
Monet avait coutume de dire qu’il peignait des grands formats pour immerger le spectateur. Comme une expérience physique et méditative face à la toile. La scénographie de l’exposition pensée par William Chatelain et Anne Gratadour promet – elle aussi – d’être immersive avec des effets sonores légers (bruit du vent ou de la pluie) pour envelopper la présentation des toiles et l’effet que Monet cherche à peindre. Des outils interactifs permettront aussi de visiter les lieux où il peignait sur le littoral méditerranéen. L’exposition ne sera pas une rétrospective, mais piochera dans les différentes périodes de vie et de création du peintre des Nymphéas. Une sélection faite pour comprendre l’oeuvre de Monet de manière plus globale, « et expliquer », renchérit Marianne Mathieu, « comment cette période au bord de la Méditerranée a influencé le restant de sa carrière dans le fond et la forme ». Principalement dans l’évolution de son point de vue et sa manière de représenter l’instant.
C’est à Antibes par exemple, en s’appliquant à répliquer des vues de la vieille ville, toujours du même point à plusieurs moments successifs, qu’il s’astreint pour la première fois au principe de la série, qui deviendra majeur dans son travail à venir. Notamment à Giverny, au bord de la Seine, son jardin d’Eden jusqu’à la fin de sa vie, où il peindra ses chefsd’oeuvre. Une maestria maturée sous la lumière de la Riviera… c’est ce que l’exposition racontera.