Monaco-Matin

Odessa la rebelle

- De FÉLICIEN CASSAN Journalist­e fcassan@nicematin.fr

Hasard du calendrier, mercredi dernier, NiceMatin est arrivé à Odessa quelques heures seulement après que la ville eut essuyé de nouveaux tirs russes. Quinze jours après la dernière attaque en date, deux drones iraniens ont fini leur course sur un bâtiment, sans faire de victimes. Dix autres ont été intercepté­s par les systèmes de défense, dans la nuit noire, après le déclenchem­ent des sirènes, vers 2 heures du matin, pour inciter les habitants à se mettre à l’abri.

Au petit matin, après avoir aperçu tranchées et cimetières militaires sur la route venant de la Moldavie voisine à l’ouest, passé moult points de contrôle et guetté le ciel à intervalle­s réguliers, on s’attendait donc à trouver une ville tendue et terrée dans ses sous-sols de fortune. La tension était palpable dans les campagnes environnan­tes… Il n’en fut rien en ville. La faute à (ou grâce à), selon ses habitants, l’esprit rebelle de cette « perle de la mer Noire », dont le duc de Richelieu fut gouverneur dès 1803.

« La première semaine, beaucoup de gens ont paniqué et sont partis sur les routes », nous dit Alexandra, 25 ans, rencontrée sur place. « Je ne les blâme pas, chacun a ses raisons, et l’on pensait vraiment que la Russie allait envahir l’Ukraine en un rien de temps. Clairement, les gens qui n’avaient rien à perdre n’avaient pas de raison de rester. Mais dès la deuxième semaine, on a décidé sciemment de reprendre une vie normale et on partait à la plage, avec mes parents. C’est ça, l’esprit d’Odessa. »

« Plus d’un an après le début de la guerre, la résilience n’est pas un vain mot en “Ukraine libre”. »

Vadim, croisé non loin, ne dit pas autre chose : « J’ai une valise de survie prête dans mon appartemen­t, en cas d’évacuation subite. Mais ça me stresse davantage de devoir à chaque fois descendre au sous-sol, que de rester dans mon lit en attendant que ça passe. »

Un peu comme on s’amuse, sur Internet et depuis l’étranger, de ce peuple français parvenant sans peine à se détendre dans les cafés alors que notre pays est émaillé de manifestat­ions parfois violentes, quelques heures après la frappe, Odessa vibrait déjà de son chic suranné, si particulie­r. Vieilles passantes permanenté­es chargées de courses, enfants sautillant dans les flaques, bars et boutiques ouverts, charmants coffeeshop­s, façades soviétique­s agrémentée­s de frontons modernes… Au bout de quelques minutes, on avait déjà oublié de regarder vers le ciel.

Dans le Donbass et en Crimée, c’est une autre histoire sans doute. Et tout peut changer si vite en temps de guerre. Toutefois,

14 mois après le début de la guerre, et avec des Russes très occupés à l’est, la résilience n’est pas un vain mot en « Ukraine libre ».

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